Utiliser la transition énergétique pour réindustrialiser la France. Après l’énergie nucléaire, les batteries pour voitures électriques, les panneaux photovoltaïques, c’est au tour des pompes à chaleur de bénéficier des largesses de l’Etat. Sous forme d’un crédit d’impôts « industrie verte » destiné aux industriels choisissant de produire ces solutions de chauffage décarboné. Et d’une MaPrimeRénov’, destinée aux particuliers, conditionnée à partir de 2025 aux PAC dotées des meilleures performances environnementales. Donc produites en Europe, espère le ministre de l’Economie Bruno Le Maire.
Un protectionnisme assumé, en réponse à l’interventionnisme chinois et américain. « Il est temps de défendre nos intérêts économiques avec les dents » a lancé Bruno Le Maire aux 300 salariés de l’usine picarde d’Intuis, groupe spécialisé dans les pompes à chaleur.
Entreprise exemplaire
Accompagné de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie, le ministre de l’Economie avait choisi une entreprise, exemplaire à ses yeux, pour annoncer son objectif d’un million de PAC « made in France » d’ici 2027. Créée en 1892, l’usine Intuis (ex-Auer) de Feuquières-en-Vimeu (Somme), entre Abbeville et Le Tréport, a produit des lampadaires à gaz, des chaudières avant de se réorienter en 2010 vers les pompes à chaleurs.
Elle en fabrique aujourd’hui 100 000 par an, en utilisant le propane (gaz R290), sans effet de serre, comme fluide frigorigène. Et en multipliant les innovations comme cette PAC « 3 en 1 » qui cumule chauffage, chauffe-eau et rafraîchissement sans unité extérieure. Ou encore cet équipement à forte puissance pour les logements collectifs. A cet égard, le PDG d’Intuis, Philippe Dénecé, ne cachait pas sa satisfaction après l’annonce par Bruno Lemaire de dérogations aux règles d’urbanisme pour installer des PAC sur le toit des logements.
Acier européen et compresseurs asiatiques
Qu’attendent désormais les industriels des annonces gouvernementales ? « Que les critères retenus pour déclencher les aides publiques intègrent le poids carbone du produit sur l’ensemble de son cycle de vie » estime Lionel Palandre, le directeur de l’usine.

De g. à d. : Lionel Palandre, directeur de l’usine Intuis de Feuquières-en-Vimeu, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie.
Longévité des produits, réparabilité, mais aussi provenance des matières premières. S’il est possible aujourd’hui de se fournir en acier européen compétitif, c’est plus difficile pour les compresseurs et les cartes électroniques. Ainsi la moitié des composants électroniques des produits d’Intuis – pourtant certifiées « origine France garantie » - viennent encore d’Asie. « On aimerait des composants européens pour toute la gamme » souffle Lionel Palandre.
30 000 postes d’installateurs à créer
Dans les allées de l’usine, au gré des postes de travail observé par les ministres, il fut aussi beaucoup question de formation. Car rien ne sert de produire des PAC s’il manque d’artisans compétents pour les installer. Voire pour croire en leur vertu ! « Certains chauffagistes dissuadent leurs clients d’installer des pompes à chaleur » regrettait un cadre de l’usine, estimant qu’il y avait urgence à redorer l’image des PAC.
« Trop de petits malins profitent des aides pour installer des PAC n’importe comment » a déploré Bruno Lemaire, avant que Roland Lescure n’annonce la mise ne place d’un centre d’expertise pour former les installateurs. A définir plus précisément en partenariat avec la filière, ce centre de formation devrait voir le jour en 2025. Le plan gouvernemental estime à 30 000 le nombre de postes d’installateurs à créer d’ici 2027.