Décryptage

Le BTP se mobilise pour parer les coups de chaud sur les chantiers

A l’heure du réchauffement climatique, les initiatives se multiplient au sein de la filière pour renforcer la protection des salariés sur le terrain.

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Canicule
Canicule

Si les températures dans l’Hexagone n’ont pas (encore) battu de records cette année, les entreprises du BTP ne doivent pas relâcher leur vigilance, afin d’être en mesure de protéger leurs salariés d’un risque de plus en plus prégnant. D’après l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), au-delà de 30 °C pour une activité sédentaire et de 28 °C quand le poste nécessite une activité physique, la chaleur peut constituer un danger pour les travailleurs. Malaise, déshydratation, insolation… Il s’agit en premier lieu de prévenir le coup de chaleur susceptible, dans les cas les plus graves, de conduire au décès par défaillance aiguë de la thermorégulation. « Quand le mercure grimpe, s’adonner à une tâche difficile constitue un facteur aggravant », rappelle Patrick Blanchard, secrétaire national à la CFDT Construction.

De plus, les températures élevées, qui induisent une baisse de la vigilance et un allongement des temps de réaction, accroissent les risques d’accidents du travail (AT), par exemple de chute de hauteur. D’après Santé Publique France, 11 AT mortels « en lien possible avec la chaleur » ont été notifiés par la Direction générale du travail durant l’été 2023, dont « près de la moitié sont survenus dans le cadre d’une activité de construction ». En outre, « on n’en parle jamais, mais l’exposition à la canicule affecte aussi la santé mentale des salariés, qui constitue un sujet majeur et d’actualité », appuie Vincent Giraudeaux, président de la Fédération des acteurs de la prévention (FAP)

Un rétroplanning sur toute l’année. Alors que le réchauffement climatique se fait de plus en plus perceptible, la profession commence à prendre la mesure du sujet. L’été dernier, l’OPPBTP a publié un guide de préconisations pour améliorer les conditions de travail et permettre la continuité de l’activité des salariés sur les chantiers. Et la FNTP vient de lancer un « rétroplanning de la prévention des risques liés aux fortes chaleurs ». Un dispositif clés en main pour aider les entreprises à anticiper la période estivale tout au long de l’année. « Il s’agit de répondre à un besoin croissant des équipes sur les chantiers, pour qui les fortes chaleurs deviennent un véritable problème », explique Christophe Ruas, chef du groupe « bien-être au travail » de la fédération, et par ailleurs vice-président du syndicat des canalisateurs. Et de pointer : « Les dirigeants d’entreprises se retrouvent souvent démunis face aux textes réglementaires sur le sujet, qui ne leur semblent pas toujours très explicites. 

Le rétroplanning propose 11 tâches à répartir sur l’année et structurées autour de plusieurs grandes thématiques : l’évaluation des risques liés aux fortes chaleurs et les relations avec le donneur d’ordres, mais aussi les installations de chantier adaptées, les équipements de protection individuelle (EPI) à prévoir ainsi que la formation et la sensibilisation des salariés. De quoi permettre aux chefs d’entreprise « de se poser les bonnes questions en temps utile et d’être ainsi prêts le jour J ». Preuve, aux yeux de Christophe Ruas, de l’implication des professionnels du secteur, plus de 600 personnes se sont inscrites au webinaire diffusé en mai dernier par la FNTP sur la prévention des risques liés aux fortes chaleurs.

Les petites structures à la traîne. Du côté des employeurs, « le sujet est aujourd’hui bien pris en compte dans les grandes entreprises », considère Vincent Giraudeaux. Comme en maints autres domaines, « on observe ainsi un écart important avec les plus petites structures, qu’il s’agisse des installations de chantier, des vêtements de travail ou encore de l’accès à l’eau », rebondit Patrick Blanchard. De l’avis du président de la FAP, « sur les gros comme sur les petits chantiers, le principal point d’amélioration réside dans la qualité des bases vie qui laisse trop souvent à désirer, quand les cadres profitent de salles de réunion climatisées ». Un domaine dans lequel « les maîtres d’ouvrage doivent eux aussi jouer le jeu ».

L’aménagement des horaires apparaît par ailleurs comme l’une des mesures clés pour soustraire autant que faire se peut les salariés à des conditions extrêmes. « Chaque chantier étant différent, il n’existe pas de solution idéale », relève Christophe Ruas. Dans certains cas, un arrêté préfectoral autorisant l’avancement d’horaires de travaux aux aurores permet de contourner une éventuelle réticence du donneur d’ordres sur le sujet

Mais la solution a ses limites. La FNTP ne préconise « pas systématiquement de démarrer la journée très tôt, pour éviter de priver les collaborateurs d’heures de sommeil. Ce qui peut de surcroît augmenter le risque d’accident. » Comme le souligne Vincent Giraudeaux, le travail de nuit est aussi à manier avec précaution, « car la chaleur ne permet pas toujours un repos suffisant dans la journée ».

Un décret pour la canicule. Pour les cas les plus critiques, reste le recours au chômage intempéries. Publié in extremis avant le deuxième tour des élections législatives anticipées, le décret du 28 juin 2024 inscrit dans le Code du travail la liste des conditions atmosphériques justifiant le déclenchement du dispositif, au nombre desquelles figure désormais la canicule. Jusqu’ici, en vertu d’un régime datant de 1947, et qui ne s’appliquait en principe qu’à la neige, aux vents violents ou encore aux inondations, la profession admettait uniquement une prise en charge des fortes chaleurs au cas par cas et sous certaines conditions, notamment lorsque le département concerné était placé en vigilance orange ou rouge. L’an passé, quelque 381 arrêts ont été pris en charge dans ce cadre par la CIBTP au cours de l’été, pour une durée comprise entre un et douze jours, et un montant total d’indemnités avoisinant les 166 000 euros.

Si Patrick Blanchard voit dans le décret du 28 juin « une avancée majeure pour la santé et la vie des travailleurs du BTP », le texte ne constitue, selon la CFDT Construction, qu’« une première étape » : il « se limite à la canicule stricto sensu, et n’intègre pas les risques pendant les pics de chaleur ». Le responsable syndical estime d’autant plus opportun de traiter le sujet de l’organisation du travail à partir de 30 °C « dans le cadre du dialogue social, au niveau des branches comme dans les entreprises : les représentants des travailleurs doivent être associés aux décisions ». Les températures extrêmes figurent précisément au programme de la négociation récemment initiée par les partenaires sociaux pour renforcer l’attractivité des métiers des TP. Au-delà des enjeux sanitaires, « faire la promotion des dispositifs pour renforcer la protection des salariés par fortes chaleurs permettra d’améliorer l’image du secteur », conclut Christophe Ruas.

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