Prescription Un choix partagé

La taille du chantier et les difficultés techniques déterminent le pouvoir de prescription de chacun des intervenants. Plus d'un produit sur deux prescrit dans le descriptif sera remplacé par un produit « équivalent » sur le chantier.

Les mécanismes de la prescription sont complexes à l'instar de la chaîne de décision qui caractérise un projet de construction. Ils varient en fonction notamment, de la taille du chantier et de ses spécificités techniques.

C'est la raison pour laquelle l'architecte, confronté à la complexité croissante des bâtiments et à la multiplication des normes, est le plus souvent entouré de spécialistes tels que des bureaux d'études, notamment lorsqu'il s'agit des lots techniques. L'architecte conserve toutefois un rôle de prescription déterminant pour tout ce qui relève de l'aspect comme l'enveloppe du bâtiment.

En revanche, pour des projets de petite taille sans difficultés techniques particulières, l'architecte dispose souvent d'un pouvoir de prescription plus important. François Pellegrin architecte et président d'Archinov remarque « que l'équipe de maîtrise d'oeuvre étant réduite à sa plus simple expression, l'architecte est souvent seul à prendre les décisions et notamment à choisir les produits ».

De nombreux critères peuvent intervenir dans le choix des produits : durée de vie du bâtiment, niveau de technicité, coût de l'entretien... et tout simplement le prix, ou plus exactement ce que peut comprendre le prix : le produit et sa pose, l'assistance technique du fabriquant, le service après la vente, le contrat d'entretien et parfois un partenariat financier qui lie l'acquéreur professionnel à l'industriel. Résultat : d'importantes réductions sur le prix public d'achat et un intéressement sur les ventes.

Des cahiers des charges précis

En fait, le pouvoir de prescription est, le plus souvent, partagé par l'ensemble des acteurs d'un projet. L'enquête réalisée par Ipsos Media pour le compte du Moniteur (voir graphiques ci-dessus) montre que le maître d'ouvrage, qu'il soit public ou privé, devient de plus en plus précis à travers ses cahiers des charges. Il n'hésite pas à renforcer ses équipes techniques et à s'entourer de conseils extérieurs. C'est la raison pour laquelle les économistes de la construction se voient confier des missions élargies d'assistance à la maîtrise d'ouvrage : il s'agit d'établir des estimations prévisionnelles de coût avant même que l'équipe de maîtrise d'oeuvre soit retenue.

Le maître d'ouvrage, surtout s'il occupera les locaux construits, peut également avoir des exigences en matière de durabilité de l'ouvrage, de facilité d'entretien des installations, voire de préservation de l'environnement. Son objectif est alors de raisonner en coût global. A cet égard, l'attitude des maîtres d'ouvrage HLM est particulièrement significative puisqu'ils disposent d'un catalogue de produits sélectionnés par un jury et répondant à un certain nombre de critères. Les offices orientent d'ailleurs les cahiers des charges de telle façon que les systèmes constructifs et les équipements retenus permettent, ultérieurement, de minimiser les charges des locataires.

Mais encore faut-il que les différents produits prescrits dans le cahier des charges du maître d'ouvrage ou par l'équipe de maîtrise d'oeuvre soit réellement mis en oeuvre sur le chantier. Or, c'est loin d'être le cas. On estime aujourd'hui que plus d'un produit sur deux prescrit dans le cadre du descriptif sera remplacé par un produit « équivalent ». Le rôle de l'entreprise et, surtout de son distributeur, est déterminant, en phase finale du projet.

En effet, au dernier moment, l'entreprise confrontée à une enveloppe financière serrée, est donc tentée de trouver des produits moins chers mais techniquement équivalents, pour reconstituer ses marges. L'entreprise utilisera d'autant plus facilement cette possibilité que le descriptif n'est pas suffisamment détaillé. Les industriels sont les premiers à déplorer cette situation qui se traduit, selon eux, par une diminution de la qualité des ouvrages. Jeanne Andres, présidente du Groupement industrie promotion (GIP) et, par ailleurs, responsable grands comptes bâtiment de Schneider Electric remarque que « ce problème porte plutôt sur les projets de petite et moyenne importance et qu'il est le résultat de marchés très disputés ».

Claude Ripeau responsable d'un cabinet d'économiste de l'ingénierie estime, pour sa part, que cette situation est plutôt bonne pour la concurrence : « Je ne suis pas opposé à ce que l'entreprise qui a une grande expérience du terrain propose d'autres solutions que celles que j'ai prescrites si elle me montre qu'elles sont équivalentes. D'ailleurs, si le fabricant est sûr de voir ses produits prescrits mis en oeuvre sur le chantier, il sera moins tenté de faire des efforts commerciaux. Je constate, en règle générale, qu'il est plus difficile d'imposer ses desiderata en présence d'une entreprise générale qu'avec une entreprise travaillant en lot séparé. Cette dernière aura tendance à être plus souple ».

Vérification de l'origine

L'une des solutions consiste à établir des cahiers des charges performanciels dans lesquels la citation d'une marque ou d'un produit est seulement indicative et à vérifier, sur le terrain, que les produits équivalents sont bien certifiés conformes au normes en vigueur ou disposent de marques de qualité. « Ceci évitera que l'entreprise utilise des produits dont on ne connaît pas toujours l'origine et de détériorer la qualité d'ensemble », estime Jeanne Andres.

POUR EN SAVOIR PLUS...

Textes de référence

« Prescription-Les architectes anglais et allemands vigilants sur les prix », « Le Moniteur » du 11 décembre 1998, p. 27.

« Ingénierie-Conception et production, l'indispensable lien », « Le Moniteur » du 4 décembre 1998, p. 44.

« La prescription-A chacun son rôle », « le Moniteur » du 2 octobre 1998, p. 68.

« Prescription-Vers la transparence », « Le Moniteur » du 13 juin 1997, p. 17.

« Produits-Une prescription très partagée », « le Moniteur » du 13 juin 1997, p. 31.

« Aide à la décision : choisir des produits et des systèmes », numéro spécial produits nouveaux du « Moniteur » de mai 1998, p. 8.

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