« C'est une activité pérenne qui trouvera un acquéreur pour porter son développement. » En une phrase, Patrice Richard, président de Saint-Gobain Distribution Bâtiment (SGDB) France, confirmait la prochaine cession de DMTP, la maison-mère de l'enseigne Point. P TP, dans une interview exclusive accordée au magazine « Négoce » en février. Le groupe se séparera donc dans le courant de l'année d'un réseau de 59 agences, unique acteur national couvrant l'ensemble des besoins des entreprises de TP, qui a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires légèrement supérieur à 246 M€ (selon le site Societe.com).
Raison évoquée par Patrice Richard : l'enseigne, certes performante, est trop éloignée des autres activités de distribution du groupe en France. « Ce ne sont ni les mêmes fournisseurs, ni la même logistique, ni la même typologie de clients », explique-t-il. Les autres enseignes Saint-Gobain se tournent de plus en plus vers la petite entreprise et l'habitat, avec des innovations mutualisées. Difficile, dans ces conditions, de dupliquer des programmes pour les artisans chez Point. P TP, partenaire des majors des travaux publics.
3 M€ de cession d'actifs à venir
Cette décision s'inscrit dans une vision d'ensemble. En octobre 2017, l'action Saint-Gobain dépassait encore les 50 €. Malgré une remontée en début d'année 2019, son cours avoisine aujourd'hui les 33 €. Une situation qui a poussé le groupe dirigé par Pierre-André de Chalendar à engager une mutation profonde. Le plan Transform & Grow, présenté en novembre, concrétise cette ambition. Premier pilier : réorganiser les activités du groupe non plus par branche au niveau mondial, mais par pays. Depuis le 1er janvier 2019, les marques industrielles (Placo, Isover, Weber… ), tout comme la distribution, sont pilotées par une toute nouvelle entité, Saint-Gobain France.
Deuxième pilier, la rotation du portefeuille. Le plan de 3 Mds € de cessions d'actifs, annoncé en juillet dernier, devrait se déployer jusqu'à la fin de l'année. En parallèle, quelques acquisitions stratégiques sont venues renforcer le groupe, mais dans des proportions moindres que les valeurs cédées. Au passage, un rajeunissement manifeste des dirigeants est en cours, Pierre-André de Chalendar étant désormais secondé par Benoît Bazin, jeune quinquagénaire. Il occupe le poste de directeur général délégué et exerce, tout comme le P-DG, les fonctions de mandataire social du groupe.
La place de la distribution au sein du groupe Saint-Gobain intrigue les observateurs. Parmi les cessions majeures d'ores et déjà annoncées figure toute l'activité négoce en Allemagne, pour près de 2 M€. Mais la présentation des résultats financiers 2018, en février dernier, a apporté de nouveaux éléments sur la stratégie à venir. Pierre-André de Chalendar a en effet annoncé 2 Mds € de dépréciations d'actifs et moins-values de cessions. Elles concernent largement la distribution en Allemagne, mais aussi au Royaume-Uni dans le contexte tendu du Brexit, et enfin le groupe Lapeyre, à mi-chemin entre la distribution professionnelle et la vente au grand public.
Sur le plan des résultats, les marges d'exploitation de Saint-Gobain Distribution Bâtiment au niveau mondial ne sont que de 3,3 %, quand elles atteignent 12,4 % pour les matériaux innovants, et 9,3 % pour les produits de la construction.
Nécessité d'investir dans le digital
Pourquoi la distribution paraît-elle en situation de relative faiblesse aujourd'hui, alors qu'elle fut pendant des années la source des profits qui venaient compenser les difficultés de l'industrie ? Lors de la présentation des résultats du groupe, Pierre-André de Chalendar a mis en avant les investissements massifs que devaient consentir les distributeurs dans le digital.
Cette activité est en effet en pleine transformation, et suscite les appétits des géants du Web, comme des start-up à l'affût de marchés à disrupter. Alors que l'industrie a optimisé sa productivité depuis une bonne dizaine d'années, la distribution en arrive à l'heure des programmes d'investissement. Et les actionnaires choisissent les enseignes qu'ils entendent digitaliser.