Pourquoi les marchands de biens se sentent exclus du marché de la rénovation

Dépendants par nature des financements extérieurs, ces professionnels se disent freinés par les banques. Ils peinent en outre à dégager des marges dans le cadre de travaux thermiques.

Réservé aux abonnés
Exclusion
Si les banques sont réticentes au financement des marchands de biens, ces derniers trouvent dans le crowdfunding immobilier une porte d’entrée.

Si c’est en forgeant que l’on devient forgeron, « c’est en vendant que l’on devient marchand de biens », prévient Guillaume Leclercq, avocat fiscaliste, lors d’une conférence de l’École supérieure des professions immobilières à Paris le 6 février. L'aphorisme, s'il ne définit pas le métier et ses usages, a le mérite d'exposer la raison d'être de cette profession, l’une des rares du secteur immobilier à ne pas être réglementée.

L’expert poursuit : « Il s’agit d’acheter de façon habituelle (par le nombre, le rythme, la nature et l’importance) des opérations en vue de revendre le plus vite possible sans amortissement et en ayant déterminé dès l’acquisition une intention spéculative ». Certes, les chausses-trapes de ce métier, défini d’abord par un statut fiscal, sont nombreuses : nature du véhicule de chaque projet (plutôt SAS, qui est à risque limité), part des travaux de rénovation et risque de requalification en neuf, application - ou non - de la TVA qui peut absorber une partie de la marge, les droits d’enregistrement.

« Le métier n’est plus solitaire », ajoute l’avocat. Président de la Fédération des Marchands de biens (FMDB), Eric Weiss, qui affiche 400 adhérents, estime que, dans ce cadre, « la nouvelle génération de professionnels veut échanger, s’associer, s'allier ».

« Bannis »

Que ce soit en matière de bureaux ou de logements, les marchands de biens - dépendants par nature des financements extérieurs - estiment être freinés par « un système bancaire rigidifié », comme l’explique le président de la FMDB : « Quand un établissement financier nous oppose son principe RSE pour refuser de financer des plateaux, parce qu’ils sont non soumis au diagnostic énergétique, nous sommes bannis ! Les néo-marchands qui débutent par de petites découpes sont de fait exclus de ce marché. »

Eric Weiss revendique aussi la possibilité de bénéficier des aides publiques dédiées à la rénovation énergétique. A Paris intra-muros, l’intégration d’une pompe à chaleur est sans effet par rapport aux prix de marché, mais ce n’est pas le cas à Troyes, Nîmes ou Saint-Etienne, où l’incorporation des travaux de rénovation énergétique dans notre système économique est incompatible avec le maintien de notre pourcentage de marge ».

En retard

Si les banques sont réticentes au financement des marchands de biens, ces derniers trouvent dans le crowdfunding immobilier une porte d’entrée. Baltis (Groupe Magellim) a ainsi financé par ce biais, en l’espace de dix ans, 100M€ pour 200 opérations de marchands de biens.

« Nous finançons jusqu’à 36 mois des quasi fonds propres en complément des banques et nous pouvons être une alternative au financement bancaire traditionnel », explique Alexandre Toussaint, fondateur la plateforme de crowdfunding immobilier. Equation intéressante pour créer de la valeur en utilisant moins de fonds propres, cette solution n’exonère pas la prise de garanties (premier ou second rang) et une analyse des données financières des opérations pendant la période de financement, sachant « qu’une bonne marge prévisionnelle de marchand de bien est compris à minima entre 10 et 15% », poursuit Alexandre Toussaint. Ce dernier qualifie cependant le marché de « chahuté » avec 27% des opérations en retard nécessitant des avenants.

Le secteur slalome entre l’effet levier (les financements) et le risque d’effet massue (la revente à perte). « Depuis la crise sanitaire, nous assistons à des ventes d’étages entiers de bureaux et si le rendement n’est plus là, la perte de valeur peut devenir importante, analyse estime Jean-Luc Belloni, président de la Compagnie des immeubles du bassin méditerranéen (CIBM). Pour autant, les actifs doivent tourner. C’est en les figeant que nous pourrions connaître une crise comparable à celle de 1991. » C’est ce qui s’appelle la prise de risque.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires