Face au syndrome NIMBY (Not In My BackYard, autrement dit "jamais chez moi"), l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) invite à adopter la "positive attitude" YIMFY (Yes In My Front Yard) : acceptons de nouvelles infrastructures dans nos villes afin d’y produire des énergies renouvelables. Tout en s’efforçant parallèlement d’y améliorer l’efficacité énergétique.
CO2 : UNE VOITURE PLEINE PEUT CONCURRENCER UN TRAIN A MOITIE REMPLI
Pourquoi lutter au niveau local contre le réchauffement climatique ? Premièrement parce que les cités du monde (où vivent désormais plus de 50 % de la population mondiale) représentent une part très importante des émissions de CO2 : plus de 70 %! Deuxièmement parce que cette part pourrait encore croître au cours des prochaines années, atteignant 76% en 2030. Dans les pays non-OCDE, plus de 80 % de l’augmentation de la demande d’énergie pourrait provenir des villes à cet horizon.Troisième raison d’agir au niveau local : les municipalités, quand elles décident d’agir, peuvent souvent faire mieux que les objectifs fixés au niveau national par leur pays. Exemple : Londres s’est donné pour objectif de réduire ses émissions de CO2 de 60 % entre 1990 et 2025, alors que le Royaume-Uni vise une baisse de 26 % entre 1990 et 2020. Et "pourtant, relativement peu de villes relèvent le défi", a regretté Nobuo Tanakale, directeur général de l'AIE, lors de la présentation du rapport.
Que préconise en particulier l'AIE en matière de transports ? Première solution encouragée par l'agence de l'OCDE : l'alimentation en électricité de trains,métros ou tramways. Grâce à l'électricité française d'origine nucléaire, Eurostar se targue d'être neutre en carbone. Ou presque. Chaque passager faisant un aller-retour entre Londres et Paris n'émet ainsi que 11 kg de CO2 en train, contre 120 kg en avion.
L’origine de l’électricité et le taux de remplissage des véhicules restent des paramètres fondamentaux à prendre en compte, rappelle l’AIE. "Une voiture transportant cinq personnes pourrait tout à fait concurrencer [en matière d’émissions de CO2] un train alimenté en électricité à moitié rempli", souligne- t-elle.
CALGARY : UN TRAIN ALIMENTÉ INTÉGRALEMENT EN ÉLECTRICITÉ ÉOLIENNE
Mais même si l'électricité alimentant le train est produite à partir de combustibles fossiles, ce mode de transport peut garder l'avantage sur la voiture, affirme l'AIE. Pour preuve : le "C-train" de Calgary, ville de l'Ouest canadien, qui transporte 200 000 passagers par jour et dont le réseau consomme chaque année 21 GWh. Jusqu'à récemment, cette énergie était produite pour l'essentiel à partir de charbon. Le "C-train" était alors responsable de l'émissions de 20 000 tonnes de CO2 chaque année. Mais si tous ses passagers avaient plutôt utilisé des voitures ne comportant qu'une personne chacune, les rejets de dioxyde de carbone auraient été supérieurs de 150 000 t chaque année.Toutefois, en 2001, la municipalité de Calgary a lancé le programme "Ride the wind !TM " destiné à alimenter le "C-train" en électricité éolienne. Les émissions de CO2 ont été réduites à néant. Une ligne à grande vitesse est actuellement à l'étude entre Calgary et Edmonton et pourrait en théorie être alimentée en électricité renouvelable.
VOITURES ÉLECTRIQUES : UN MODE DE STOCKAGE DE L'ÉLECTRICITÉ
Laquelle pourrait tout aussi bien alimenter à l'avenir des voitures électriques, celles-ci ayant l'avantage de pouvoir servir de stockage à des électrons produits de manière intermittente. Le coût d'alimentation de ces véhicules paraît alléchant pour les conducteurs : l'équivalent d'environ 0,2 dollar par litre d'essence aux Etats-Unis.
Reste que la technologie n'est pas encore tout à fait au point, rappelle l'AIE. La nécessité de réduire le temps de charge des batteries, d'accroître l'autonomie des véhicules (aumieux 150 km aujourd'hui) et de construire les infrastructures associées demeurent des freins au développement de cette solution.
Quant aux voitures électriques alimentées par des piles à combustibles, leur arrivée sur le marché est encore plus lointaine compte tenu des problèmes posés par cette technologie (coût, fiabilité de la PAC, production de l'hydrogène...).
"Le rythme auquel des véhicules électriques, hybrides "plug-in" et à PAC deviendront rapidement disponibles est difficile à prédire. Cependant, des développements récents et le soutien politique [à ces solutions] pourraient faire paraître certaines des prévisions de l'AIE pessimistes", conclut l'agence de l'OCDE.
BIOCARBURANTS : UNE PART DE MARCHÉ DE 25 % EN 2050 ?
Pour ce qui est des biocarburants, ils représentent aujourd'hui 1,5 % environ de la demande mondiale de carburants. Avec les interrogations que l'on sait quant à leur bilan carbone. Leur part de marché pourrait atteindre 10 % en 2030 et 25 % en 2050, a souligné Paolo Frankl, directeur de la division Energies Renouvelables de l'AIE et rapporteur de l'étude. Avec bien sûr l'espoir de développer les biocarburants de deuxième génération.
Certaines villes, comme la petite localité autrichienne de Güssing (3 800 habitants), produisent leurs propres biocarburants à partit des ressources locales. "Les avantages économiques liées au coût moindre des matières premières pourrait cependant être contrebalancés par des coûts de production plus élevés dans une usine de petite taille", note l'AIE. D'autres villes comme Växjö (Suède) misent au contraire sur les biocarburants de deuxième génération en s'impliquant dans des projets de R&D en la matière. Seul hic : la taille des usines nécessaire pour rendre les coûts de production compétitifs pourrait s'avérer dissuasive. Sauf pour les grandes villes.