Un empilement de désastres. C'est le constat de l'architecte Chamss Arouise pour décrire le secteur des Rives du Gave, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), repris en main par la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées (CAPBP). « Zone inondable, terrains pollués, bâtiments délabrés, voies ferrées et antennes à haute tension », énumère la lauréate du concours d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour réaliser le plan-guide du futur quartier, en groupement avec HBLA, UR, Egis et Belvédère.
Le périmètre concerné par l'opération urbaine forme une île enfrichée de 25 ha à proximité des centres-villes de Pau, Bizanos et Gelos : une situation idéale, malgré ses fortes contraintes, dans un environnement encore très vert et traversé par trois cours d'eau. Plusieurs tentatives d'aménagement, dont récemment par Eiffage, ont déjà échoué. Le plan guide du Studio Chamss Arouise, « virage urbanistique, économique, écologique et architectural pour notre ville » selon le maire de Pau et président de la CAPBP François Bayrou, prend le parti de sauvegarder le patrimoine industriel de la friche Dehousse. A savoir un ensemble de halles, vestiges d'une ancienne usine de systèmes de freins, à l'architecture béton séduisante bien qu'en ruine. « J'étais très pessimiste », confie le premier magistrat de Pau, désormais convaincu par « la grande originalité du projet », qui consiste à intégrer ces bâtiments à l'intérieur d'immeubles neufs de 15 à 20 m de hauteur pour en faire des espaces publics couverts.
Renaturation de 8 ha. Le projet repose sur une trame verte et bleue incluant le ruisseau de l'Ousse au nord - en contrebas de la corniche panoramique du boulevard de Pyrénées -, le Gave au sud et le canal de l'Heïd qui relie les deux. Les rives paysagères de l'Ousse et du Gave seront dédiées aux promenades, au sport et aux loisirs, avec la présence du stade d'Eaux vives, de l'institution festive La Forge Moderne et d'un projet de village d'artisans. C'est sur l'axe central, vaste esplanade large de 17 m aménagée le long du canal de l'Heïd, que poussera un nouveau quartier à vocation mixte.
Le projet prévoit une surface de plancher de 126 000 m2 mêlant logements, bureaux et services. Il résout l'écueil de l'inondabilité en excluant les activités à risque des rez-de-chaussée, dévolus au commerce et à des parkings escamotés à l'intérieur des constructions. La récupération d'espaces déjà artificialisés pour construire en hauteur - et profiter de la vue imprenable sur les Pyrénées - permet de répondre aux injonctions du ZAN et, mieux, « de renaturer 8 ha », selon Chamss Arouise. L'architecte prône d'ailleurs la végétalisation des 3,5 ha du futur axe majeur du quartier « avant tout projet d'urbanisation ». Au total, quelque 2 200 arbres seront plantés.
La récupération d'espaces déjà artificialisés pour bâtir en hauteur permettra de renaturer 8 ha
Desserte par le BHNS. L'avenir des Rives du Gave, « un projet pour vingt ans » selon François Bayrou, passe aussi par la desserte du bus à haut niveau de service pour relier les trois communes, un réseau de pistes cyclables et une seconde passerelle au-dessus de la rivière. La réalisation d'un réseau de chaleur alimenté par géothermie est déjà phasée de 2028 à 2041.
Propriétaires d'une petite moitié du foncier, les collectivités locales viennent de lancer l'appel à promoteur du premier lot - un immeuble mixte de 9 600 m2 SP - mais elles entendent racheter la totalité des terrains pour maîtriser entièrement l'opération. Au terme des reventes, François Bayrou estime à 60 M€ le coût pour la CAPBP.