Portée record pour un viaduc

LE CHANTIER Le viaduc de franchissement du Viaur, entre Tarn et Aveyron (RN88). LE PROGRAMME Construire un ouvrage en encorbellement sur des piles de 100 m de haut, avec une travée centrale de 190 m. LES SOLUTIONS Creusement de puits marocains de 3 m de diamètre Stabilisation des fléaux par haubanage vertical.

La vallée du Viaur, entre Tarn et Aveyron, semble un cadre prédestiné aux records de portée. Un siècle après la construction du plus long pont à arc métallique français signé par Paul Brodin, elle hébergera prochainement un viaduc en béton, construit en encorbellement et présentant une portée centrale de 190 m, ce qui constitue un record national. Long de 573 m, le viaduc s'appuie sur quatre piles dont deux de grande hauteur ; son tablier culmine à 130 m au-dessus du Viaur. « C'est un ouvrage véritablement exceptionnel. Pour autant, la difficulté ne réside pas tant dans l'ouvrage lui-même que dans l'environnement où il s'inscrit », souligne Gérard Viossange, responsable du projet pour la direction départementale de l'équipement de l'Aveyron.

Les vents tourbillonnants s'engouffrant dans la vallée se sont avérés déterminants dans le dimensionnement du viaduc. Des essais réalisés dans la soufflerie du CSTB ont révélé que, durant sa construction, l'ouvrage devrait encaisser des efforts quatre fois supérieurs à ceux calculés à partir des simples vitesses du vent. « Les turbulences mises en évidence produisent des efforts de torsion ainsi qu'un effet de soulèvement des fléaux contre lesquels il a fallu concevoir un dispositif original », indique Vincent Preyssas, directeur du chantier. La première disposition consiste à ancrer solidement les piles dans le substratum rocheux. Pour ce faire, le groupement a excavé à l'explosif quatre puits marocains de 3 m de diamètre et de 10 m de profondeur, sous les deux grandes piles. L'ancrage des deux « petites » piles (respectivement 26 et 48 m) est assuré par dix tirants actifs de 17 m. Enfin, à partir de 40 m de portée, les grands fléaux sont stabilisés par des haubans verticaux, fixés à des massifs de béton spécialement construits à cette intention. Les deux groupes de quatre câbles 19 T15, tendus de part et d'autre de l'axe longitudinal, exercent une traction de 450 t.

La tenue au vent de l'ouvrage passe aussi par une densité d'armature hors du commun, en particulier dans les piles. « Leur ferraillage est en moyenne de 260 kg/m3, les petites piles étant plus rigides, et subissant de ce fait des efforts considérables », explique Michel Roudanes, responsable des travaux.

Pile creuse raidie par des planchers

Les piles conçues par Philippe Fraleu suivent la forme d'une double parabole. De 15,20 x 10 m à la base, elles s'affinent vers le haut jusqu'à 9,50 x 7,40 m. L'entreprise a utilisé deux coffrages grimpants spéciaux, montés sur une plate-forme autorétractable. Point délicat : le réglage du coffrage intérieur dans un espace limité. La pile la plus haute (104 m) est creuse, et reprend à elle seule 25 000 t. Elle est confortée tous les 25 m par un plancher raidisseur de 30 cm d'épaisseur. Elle est prolongée par un voussoir sur pile de 12 m de haut. Pour son exécution, un superplastifiant Chryso THP a été employé afin d'obtenir une grande fluidité du béton.

Alors que les fléaux 1 et 2 sont à inertie constante, les fléaux 3 et 4 (au départ des piles P3 et P4) présentent une inertie variable avec une grande amplitude de taille de voussoirs : de 12 m au départ à 4,5 m en extrémité. Les deux équipages mobiles permettent au chantier de progresser à la cadence moyenne d'une paire de voussoirs par semaine, soit de 2,76 m de part et d'autre de la pile. « Les problèmes de mouvement dus au vent, à l'ensoleillement et au fluage des bétons ont pris une ampleur considérable vu les dimensions de l'ouvrage. Le plus grand fil à plomb de France a ainsi été utilisé : un câble de précontrainte, relié au fléau et à une cible au sol, permettait à tout moment de visualiser les déplacements.

La culée sud présente la particularité d'être construite sur cintre, et de servir de point de départ à la construction de six voussoirs en encorbellement. Cela a permis d'éviter la construction d'une pile supplémentaire. La structure s'appuie sur des palées provisoires qui transmettent chacune 1 500 t à la roche. Le risque de glissement de terrain a conduit à clouer la pente avec des aciers HA46 de 6 m de long.

FICHE TECHNIQUE

Maître d'ouvrage : Etat.

Maître d'oeuvre : DDE 12.

Architecte : Philippe Fraleu.

Entreprises : groupement Spie Batignolles (mandataire) - Sogea - Dodin Sud.

PHOTOS :

Le fléau 3 est le plus grand construit à ce jour en France. Ses 11 000 t de béton se répartissent sur trente-deux paires de voussoirs d'une longueur constante de 2,76 m. Densité de ferraillage : 220 kg/m3.

Les grandes piles reposent sur des socles en béton de 4 m de hauteur. Leur section en forme de losange suit une double parabole se rétrécissant vers le haut.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires