Le projet de pont au-dessus du détroit de Messine à 13,5 milliards d’euros récemment validé par le gouvernement italien pourra prétendre au titre de plus long pont suspendu du monde. Ce n’est pas sa longueur totale (3666 m), largement dépassée par d’autres ouvrages, qui lui offrira ce qualificatif mais bien sa portée principale : 3330 m d’un pylône à l’autre. Ainsi, plus de 3 km survoleront la mer sans appui. C’est 1300 m de plus que l’actuel détenteur du record, le pont Çanakkale qui franchit le détroit des Dardanelles, en Turquie, dont la travée centrale atteint 2023 m.
Des câbles de 1,26 m de diamètre
Pour rendre cet exploit possible, l’ouvrage italien sera suspendu à deux pylônes de 400 m de haut, à peu près l’équivalent de deux tours Montparnasse. Les pylônes, constitués de 44 segments métalliques préfabriqués de 1200 t chacun, seront reliés par deux paires de câbles paraboliques de 1,26 m de diamètre (349 torons par câble). Leur longueur, 5320 m, constituera une première. Tous les 30 m, des suspentes viendront relier les câbles porteurs au tablier. Celui-ci sera fait de segments de 60 m en largeur et en longueur mis en place depuis des barges grâce à un outil spécialement conçu, explique sur son site Webuild, le mandataire du groupement Euralink chargé de la construction.
Le risque du séisme…
Suspendu à 72 m au-dessus des flots, le futur ouvrage devra faire face à deux défis majeurs liés à son emplacement. Il reliera en effet la Calabre, à la pointe de la botte italienne, et la Sicile, soit l’endroit précis où se rencontrent les plaques tectoniques eurasienne et africaine. Une zone d’activité sismique intense qui a été dévastée à plusieurs reprises. En 1908, une secousse de 7,1 sur l’échelle de Richter suivie d’un tsunami aurait fait jusqu’à 200 000 morts. Le futur pont du détroit de Messine est conçu pour résister à une magnitude de 7,5 points et c’est précisément, selon son constructeur, la longueur exceptionnelle de sa travée qui lui conférera la flexibilité nécessaire. Les pylônes ponctués de traverses en forme de sablier offriront également plus de souplesse que des traverses en treillis.
… et celui des vents
Deuxième défi : résister aux vents exceptionnellement puissants qui s’engouffrent dans le détroit qui forme un entonnoir : jusqu’à 200 km/h. Pour cela, le tablier sera fait de trois poutres-caissons : la poutre centrale qui accueillera deux voies de train, et les poutres latérales dédiées à la circulation routière avec trois voies de chaque côté. Effilées à leurs extrémités de manière à dévier les vents et reliées entre elles par un réseau dense de traverses, ces poutres-caissons devraient permettre au futur pont de résister à des bourrasques jusqu’à 270 km/h. Ce principe a déjà été mis en œuvre sur le pont des Dardanelles mais avec seulement deux poutres. A noter que l’ouvrage turc a été conçu par le bureau d’ingénierie danois Cowi, également engagé dans le projet de Messine.