Un diagnostic implacable ressort des photos du centre d’Ingwiller, accumulées par l’Observatoire photographique du paysage : depuis 1997, un îlot urbain a progressivement perdu une bonne partie de son tissu ancien. L’emprise accueille désormais la Résidence Mozart, clone de millions d’immeubles collectifs, ainsi qu’un parking en partie aérien.
Mémoire photographique
« Sans l’observatoire, on ne se souviendrait que des trois dernières années », remarque Pascal Demoulin, chargé de mission architecture au parc naturel régional des Vosges du Nord (PNRVN).
Au-dessus des stationnements souterrains, le marché sous toile tendue témoigne de la vitalité économique du bourg. Au moins cette construction légère a-t-elle le mérite de la réversibilité : « Une structure en bois local pourrait un jour ramener Ingwiller vers les ressources de son territoire », imagine Pascal Demoulin.
Le virage d’un bourg
Sur une extrémité de la place, deux anciennes maisons jumelles tiennent encore debout. Déterminée à trouver de nouveaux usages aux bâtiments anciens, la commune a lancé l’appel à manifestation d’intérêts « Investir les patrimoines », grâce au soutien du parc. La procédure a débouché récemment sur la désignation d’un jeune couple, pour conduire un projet mêlant logement et activités de services.
Le tournant d’Ingwiller vers la rénovation ne peut que réjouir le PNRVN, qui a inscrit l’accompagnement du patrimoine bâti dans sa charte, avec un argument infaillible : « Après les paysages naturels, ces constructions d’avant 1948 font partie des clés de l’attractivité », souligne Aurélie Wisser, chargée de mission Patrimoine Bâti.
Réseau d’artisans
Encore faut-il soigner ce dernier avec des techniques adaptées à ses caractéristiques : « Des murs sensibles à l’humidité et perméables à la vapeur d’eau, des assemblages de charpente complexes, des fondations peu profondes », détaille Aurélie Wisser. Le territoire manque d’artisans spécialisés aptes à tenir le cap.
La réponse à ce déficit s’est concrétisée dans le dispositif Mut’archi lancé en 2004, et porté aujourd’hui par six intercommunalités qui étendent le rayon d’action du parc à 218 communes, soit le double de celles situées dans son périmètre. La formation de professionnels certifiés, répertoriés dans un annuaire accessible en ligne, s’appuie sur un partenariat avec l’Insa de Strasbourg. L’offre intègre le roseau, la terre, la paille, la chaux et le bois.
Partage des conseils
En amont des travaux, l’équipe du parc dispense ses conseils aux maîtres d’ouvrage, en bonne intelligence avec le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement d’Alsace : ce dernier concentre ses prestations sur les immeubles d’après 1948, dans le périmètre couvert par Mut’Archi.
La transition culturelle du public vers l’éco-rénovation prend des formes multiples : ateliers de taille de pierre, conférences parfois sous forme de cafés bavards, malle pédagogique... Autant d’outils qui facilitent l’adhésion des habitants et des élus au ZAN.