Bordeaux Métropole : "tout le monde a intérêt à ce que le foncier soit moins cher"

Elu à la tête de la Fédération de la promotion immobilière en juin, Arnaud Roussel-Prouvost dévoile ses objectifs au Moniteur. Il fait le point sur sa méthode de travail dans un contexte de baisse du prix du foncier et où les performances annoncées ne sont pas forcément au rendez-vous.

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Arnaud Roussel-Prouvost, Président de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de Nouvelle-Aquitaine.

Vous avez été élu président de la FPI Nouvelle-Aquitaine en juin dernier, quels sont vos objectifs en cette rentrée ?

Nous sommes en train de faire les états généraux de la profession, en recueillant attentes, critiques, évolutions souhaitées, etc. Parallèlement, nous faisons participer les adhérents à la vie de la fédération via des commissions pour faire des propositions et échanger avec les collectivités.

Nous avons créé quatre commissions en juillet dernier :

- Elaboration des règles d’urbanisme. Les promoteurs, acteurs majeurs de l’urbanisme et du logement ne sont pas suffisamment sollicités par les collectivités. Nous voudrions être associés en amont.

- Processus de délivrance des permis de construire, de l’identification du terrain jusqu’à la levée des recours. On veut être force de propositions pour améliorer le processus. On s’est aperçu qu’avec la concertation préalable et la mise en place de commissions d’avant-projet, la durée de gestation d’une autorisation d’urbanisme a pratiquement doublé en cinq ans, en France.

Cela participe des difficultés à créer un choc de l’offre. Pour reprendre la main sur la réduction des délais, les collectivités ont instauré un processus de pré-instruction, sans que cela ne soit réglementaire. Ils nous disent que l’on gagne ainsi du temps sur la période d’instruction, mais mis bout à bout, il faut compter aujourd’hui entre 18 mois et deux ans pour obtenir un PC. Nous tentons également de voir comment peser sur les recours abusifs : 1/3 de la production de logements neufs est impacté.

- Recherche et développement, innovation. Avec la ville intelligente, tout le secteur du bâtiment est à la charnière d’une double révolution : environnementale et digitale. Nous allons y réfléchir, ainsi qu’à la manière d’intégrer les nouveaux usages. Ils vont évoluer, les futurs occupants n’auront pas la même approche que ceux d’aujourd’hui. Par exemple, on ne fait plus une opération de logements que l’on met sur le marché, vous allez d’abord chercher les clients et ensuite vous définissez l’opération.

- La production du logement social et du logement à prix maîtrisé. Nous voulons accroître une offre diversifiée et renforcer nos rapports avec les opérateurs sociaux, car il y a un manque criant de logements sociaux. Nous voulons développer une offre plus conséquente de logements à prix maîtrisé car nous nous apercevons que les prix ont beaucoup augmenté dans le secteur privé et toute une partie de la population ne peut plus se loger dans Bordeaux et la première couronne.

Mais produire du logement à prix maîtrisé engendre une hausse des prix dans le secteur libre ?

La péréquation est inévitable. On réfléchit à des solutions : on souhaiterait voir comment substituer du logement à prix maîtrisé à du logement social dans des petites opérations du secteur diffus. La part du logement à prix maîtrisé oscille entre 10 et 20 % dans les zones d’aménagement. Dans le secteur diffus, aujourd’hui ce n’est pas significatif. On sait que sur les petites opérations, il est difficile de faire cohabiter du logement social et du logement libre. Un de nos axes de recherche porte sur la réflexion du logement social à l’échelle du quartier ou de la commune, et non plus à l’opération. Les opérateurs sociaux ne sont pas favorables à avoir des logements sociaux dans de multiples opérations.

Un de vos objectifs de ce nouveau mandat est la baisse des prix du foncier.

C’est un souhait… On se rend compte d’une augmentation des prix trop importante sur le marché. La Métropole a sollicité l’ensemble des acteurs de la filière pour trouver des solutions sur la maîtrise du foncier. On réfléchit aux moyens d’y arriver.

Un des axes est notamment la régulation des prix de vente des terrains.

Je m’interroge sur l’opportunité d’aller réguler le foncier hors zones d’aménagement et sur l’efficacité de déterminer la valeur d’un bien à un propriétaire privé. Je crains l’effet pervers, à savoir le blocage de la vente. Nous incitons nos adhérents à mettre en œuvre cette pratique de la valeur vénale. Mais nous avons déjà quelques retours : les gens retirent leur bien de la vente… Il y a certainement de la pédagogie à faire. Il faut continuer à réfléchir à d’autres solutions. Et si nous incitons nos adhérents, nous ne pouvons leur dicter leur pratique. Mais tout le monde a intérêt à ce que le foncier soit moins cher. Aujourd’hui, il représente 20 à 25 % du prix de revient d’une opération ; contre 10 %, il y a quelques années.

Le secteur de l’immobilier misait sur la reprise de 2018, mais les premiers mois de cette année semblent décevants pour les professionnels. Comment l’expliquez-vous ?

Au deuxième trimestre 2018, on a enregistré une baisse des ventes de 36 % dans le collectif dans Bordeaux Métropole et de 42 % pour les ventes à investisseurs (-25 % en Nouvelle-Aquitaine). On constate également une baisse de 48 % des ventes en Vefa en Nouvelle-Aquitaine par rapport au deuxième trimestre 2017, ce qui veut dire qu’il y a moins de logements sociaux produits. Même chose pour les propriétaires occupants avec une baisse de 26 % des réservations dans la métropole (-21 % en Nouvelle-Aquitaine). Ces chiffres ne font que confirmer ceux enregistrés au premier trimestre. On est dans un mouvement qui a l’air de vouloir s’installer et qui marque un coup d’arrêt à l’augmentation du nombre des ventes qui a culminé en 2017. Une année exceptionnelle avec 5 550 ventes dans la métropole.

Pourquoi cette baisse ?

Il y a plusieurs raisons. Les prix sont trop élevés, il y a une baisse des mises en vente, moins de projets.Les procédures d’instruction des PC sont trop longues. Et on s’aperçoit, avec l’approche des élections municipales en 2020, que certains élus freinent les délivrances de PC. Il y a même la remise en cause du modèle de la Métropole millionnaire. Certains élus nous expliquent que les habitants trouvent qu’il y a trop d’opérations et veulent fermer la porte aux nouveaux arrivants en raison des problèmes de circulation, de stationnement, etc. Et on constate un retournement de certains élus qui ne veulent plus de densité. Ce qui va entraîner un retour à l’étalement urbain car il y a une forte demande de logements. Certains préconisent même d’arrêter toutes les constructions dans le secteur diffus.

Sur l’année qui vient de passer, la production de logements à Bordeaux Métropole s’est faite à 70 % dans le diffus et 30 % dans les secteurs d’aménagement. Penser couvrir les besoins en logements sur Bordeaux Métropole en concentrant la production sur les zones d’aménagement est un leurre. Ce n’est pas possible. En admettant que le diffus n’existe plus, on perd 3 850 logements.

A tout cela, il faut ajouter un PTZ raboté, une loi Pinel modifiée avec la quasi-disparition de la zone B2, la suppression de l’APL accession, etc. Il y a également l’impôt sur la fortune immobilière. La fiscalité n’est pas favorable à l’immobilier. Et comme le Pinel a été reconduit jusqu’en 2021, les acheteurs se sont dit qu’ils avaient le temps d’investir. En 2017, beaucoup s’étaient précipités à l’annonce de la fin du Pinel.

Sur quelles pistes travaillez-vous pour inverser la tendance ?

On réfléchit à la densité horizontale. Mais également au financement des équipements car on sait que le budget des collectivités locales est serré pour faciliter la relance de l’offre. Il faut mieux prendre en compte les usages des clients : un logement sans pièce extérieure est aujourd’hui difficilement commercialisable, par exemple. Nous devons nous remettre en cause et produire des logements de qualité, avec notamment, des espaces communs de qualité en travaillant plus le volet paysager.

La FPI Nouvelle-Aquitaine
Arnaud Roussel-Prouvost a été élu à la présidence de la FPI Nouvelle-Aquitaine le 19 juin 2018. Il est associé de Safran Immobilier (Gironde). Une nouvelle équipe a été mise en place, elle est constituée de six vice-présidents et d’un bureau de quatorze personnes. La FPI Nouvelle-Aquitaine compte 77 adhérents, ce qui en fait la deuxième fédération après l’Ile-de-France.
La FPI organise le salon du logement neuf à Bordeaux du 28 au 30 septembre 2018.

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