Jurisprudence

Pénalités, redevance domaniale, société dédiée... Les précisions du Conseil d’Etat en matière de concession

Dans une décision très riche rendue mi-octobre, la Haute juridiction administrative indique notamment qu’un titre exécutoire peut être émis pour le recouvrement de pénalités sans qu’il soit nécessaire de suivre la procédure de conciliation prévue au contrat.

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Conseil d'Etat
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Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2020/10/12N°431903

Le Conseil d’Etat a eu fort à faire courant octobre lors d’un litige relatif à un contrat de concession. L’affaire en question concerne une délégation de service public portant sur l’exploitation d’une salle omnisports, attribuée à une entreprise par une commune.  Cette dernière a émis à l’encontre de l’entreprise plusieurs titres exécutoires portant sur des pénalités contractuelles d’une part, et au titre d’une redevance d'occupation domaniale d’autre part. L’entreprise a saisi le juge administratif. En appel, elle obtient l’annulation de tous ces titres exécutoires. L’affaire arrive devant le Conseil d’Etat.

L’attributaire est solidaire de la société dédiée au contrat

Pour l’exécution de cette DSP, le contrat prévoyait la création, par l’attributaire, d’une société dédiée dont l'objet social est exclusivement réservé à l'exécution du contrat. Or, en cours d’exécution, l’entreprise nouvellement créée a été placée en liquidation. La commune a alors transmis les titres exécutoires directement à l’attributaire, mais les juges du fond les ont annulés, estimant qu’ils n’étaient pas dirigés contre la bonne société.

Le Conseil d’Etat rappelle que, selon le contrat, « le délégataire s'engage de façon irrévocable et inconditionnelle à demeurer parfaitement et entièrement solidaire des engagements qui incombent à la société dédiée tout au long de l'exécution du présent contrat. En cas de défaillance de la société dédiée, l'autorité délégante pourra mettre en jeu la garantie solidaire due par le délégataire ». Le Haute juridiction administrative annule donc l’arrêt de la cour administrative d’appel (CAA) et décide de juger l’affaire sur le fond.

Redevance domaniale

Concernant le titre exécutoire relatif à la redevance domaniale, l’entreprise conteste le fait que la commune n’a pas mis en œuvre une procédure de conciliation préalable. Mais, selon le contrat, l'émission d'un titre de recettes constitue le procédé pour assujettir le concessionnaire au paiement de la redevance d'occupation du domaine public. La commune ayant bien émis un titre de recettes, le moyen soulevé ne peut être que rejeté.

Sanctions pécuniaires

L’entreprise suit, par ailleurs, la même logique pour contester les titres exécutoires relatifs aux pénalités. Là encore, elle avance le fait que la commune a émis des titres exécutoires sans engager la procédure de règlement des différends prévue par le contrat, qui impose une tentative de conciliation par un expert désigné d'un commun accord avant de saisir le juge. Pour le Conseil d’Etat, la mise en œuvre des sanctions pécuniaires ne relève pas du champ du différend, mais correspond à une application du contrat faute pour le délégataire de remplir ses obligations contractuelles. La commune n’avait donc pas à engager la procédure de règlement amiable des différends.

Modulation des pénalités

Enfin, le Conseil d’Etat précise la portée du pouvoir de modulation des pénalités du juge dans le cadre des concessions. En principe, ce dernier doit appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Mais, « il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclus les subventions versées par l'autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée ».

En l’espèce, « si la société requérante fait valoir que ces sommes sont manifestement excessives, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de l'inexécution totale de ses obligations contractuelles par la société, que les pénalités infligées par la commune à cette société, qui représentent 6,8 % des recettes prévisionnelles de la convention d'exploitation sur dix ans, atteindraient un montant manifestement excessif. »

CE, 12 octobre 2020, n°431903

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