Patrimoine : un musée richement Loti

« Je vais ouvrir mon cœur, vous faire ma profession de foi : j'ai pour règle de conduite de faire toujours ce qui me plaît, en dépit de toute moralité, de toute convention sociale… » C'est fort de ce credo que l'officier de marine Julien Viaud (1850-1923) - en littérature Pierre Loti, futur académicien français -grandit à Rochefort (Charente-Maritime), dans la maison de ses parents. Succès aidant et riche de ses droits d'auteur, il acquiert en 1895 et 1897 deux bâtisses mitoyennes et consacrera une bonne part de son existence à métamorphoser l'ensemble en un exubérant théâtre de ses obsessions, une fantaisie architecturale des plus extravagantes.

Au gré de ses missions en Orient, il collecte quantité de boiseries, céramiques, masques, costumes, éléments de mobilier, etc., et réaménage les lieux sous le signe de l'exotisme alors en vogue. Au fil des années prennent ainsi corps une salle Renaissance, un salon gothique, une chambre Empire, un salon turc, une « mosquée », une chambre arabe, une pagode japonaise, un salon chinois… Le tout sans le moindre souci de véracité ni de cohérence historique, selon le seul bon plaisir de l'écrivain, « architecte » excentrique de ce rêve de pierre. Cédée à la commune en 1969, la maison ouvre comme musée en 1973. Classé au titre des monuments historiques en 1990, le lieu finit par être victime des outrages du temps, du climat, de la fréquentation de visiteurs trop nombreux… et des insectes. Fermé au public en 2012 pour cause de péril, il n'a rouvert qu'en juin dernier.

Reconstitutions d'après photos

Derrière la façade austère de ces maisons banales, le nouveau parcours de visite suit l'évolution des aménagements réalisés par l'académicien, en regard de ses voyages et de ses livres. Des pièces auparavant inaccessibles ont été restaurées. « L'objectif de cette rénovation était de reconstituer l'état de la maison à la mort de Pierre Loti, sur la base de photographies, cartes postales et textes de l'écrivain », explique Elsa Ricaud, architecte du patrimoine. De fait, certains espaces ont fait l'objet de restitutions plus ou moins partielles en fonction des sources documentaires disponibles.

L'opération, fruit de treize années de recherches, d'études et de travaux, aura notamment consisté, sur le plan constructif, en des reprises en sous-œuvre des corps de bâtiments, en la création de locaux techniques enterrés, en des renforcements structurels des planchers via des profilés métalliques, en la restauration des décors intérieurs (staff, peintures, ébénisterie, dorures, textiles, céramiques), mais aussi en la mise en place des équipements de gestion climatique, d'éclairage et de sécurisation des lieux et des œuvres. Sans oublier l'aménagement d'espaces d'accueil, ainsi que la remise en état des cours et des jardins.

Au terme d'un parcours qui fait se succéder des espaces tous plus surchargés les uns que les autres, le visiteur ne pourra qu'être surpris par la chambre personnelle de l'écrivain, d'un dépouillement tout monacal, en contraste saisissant avec les autres pièces de cette si singulière demeure.