Prévu sur 2000/2012, le projet Utopia de restauration du Familistère à Guise (Aisne) vise à rendre tout son lustre à cette cité de 16 ha, édifiée au 19e siècle comme une utopie économique et sociale. Son concepteur, le capitaine d’industrie Jean-Baptiste Godin, s’est inspiré du plan de Versailles : axes perpendiculaires, angles droits, briques polychromes, symétrie et symboles. Sur l’axe nord-sud, celui « de la lumière et du savoir », le pavillon central fait face aux écoles et au théâtre. L’axe est-ouest, économique, va des magasins de fourniture à la fonderie. Au centre du bourg, les douze bâtiments de logements et de services menaçaient ruine. Quelque 200 appartements restent habités et, en attendant leur achat à l’amiable, le syndicat mixte créé par le conseil général de l’Aisne a acquis et transformé annexes et jardins. « Ces travaux achevés et la cour centrale dégagée des voitures, le choc visuel face à l’architecture peut renaître », souligne le conservateur Frédéric Panni.
Mixité des usages. Les fonds publics exigent de découper les chantiers en petits lots annuels. Le projet Utopia prévoit 27 millions d’euros de travaux pour passer de 25 000 à 100 000 visiteurs. La pérennité des investissements et la rentabilité sont assurées par des unités économiques autonomes. Ainsi, les écoles ont été cédées à la Ville et le théâtre est loué. « Nous devons restaurer les bâtiments d’origine sans les altérer tout en permettant une mixité des usages », dit Thierry Algrin, architecte en chef des Monuments historiques.
La transformation des bains publics en lieu de séjour pour les groupes s’achève (1,4 million d’euros). Les magasins coopératifs, dits « économats » ont rouverts au printemps en tant qu’accueil, avec boutique, buvette et salle multimedia (2,3 millions). Dans le pavillon central, l’appartement de Godin est en restauration, sous maîtrise d’œuvre de Béatrice Jullien et Catherine Freenak, dans le respect des lieux. Toitures et façades vont être refaites à l’automne et une verrière semi-translucide comme celle du XIXe sera installée, pour accentuer les jeux d’ombres et de lumières, d’intimité et de vie collective dans les coursives et la cour.
L’eau de baignade filtrée par une lagune. La création du parc de la presqu’île sur 9 ha entre le Familistère et l’Oise est actuellement l’élément le plus spectaculaire de la réhabilitation. Le cabinet Base Paysage laisse la rivière s’y étaler en cas de crue mais protège les bâtiments par une digue de terre. Ainsi le paysage se renouvelle. Remodelé tout en courbes et talus, l’espace est délimité par des pontons en bois et traversé par un couloir de lagunage qui filtre l’Oise avant d’alimenter le bassin de baignade. 430 parcelles entourées de haies assurent l’intimité des pique-niques en famille et font écho au bocage voisin. Presqu’achevé, le jardin aura un coût d’entretien limité (1,5 euro/an/m2).
A suivre en 2007 : le chantier du théâtre dont les briques polychromes aux « joints abeille » de la façade sont caractéristiques du Familistère (1,3 million). A l’automne seront lancés les appels d’offres pour la réfection des terrains de sports. Puis sont inscrits un centre de séminaires d’entreprises et un hôtel 4**** dans le pavillon central, « encore en débat car il choque certains anciens, précise Frédéric Panni. Mais le marché existe et nous devons faire vivre le site ».
A Guise, l’esprit de reconquête gagne vite du terrain. La vieille ville s’embellit, avec une opération façades, la réfection de la place d’Armes et des abords du château fort. Encore une manière de justifier la devise du Familistère « l’utopie réalisée ».

