Industrie : le conflit sans fin entre Rockwool et un maire autour d'une future usine de laine de roche

Désireux de s’implanter au sein de la communauté d’agglomération de Soissons, le fabricant danois de produits d'isolation en laine de roche se heurte depuis 2021 à l'opposition du maire de Courmelles (Aisne). Le Conseil d’Etat doit se prononcer avant la fin de l’année. 

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Ligne de production de laine de roche Rockwool

David contre Goliath. Depuis quatre ans qu’ont démarré les hostilités entre le géant Rockwool et l’édile de la petite commune de Courmelles, Arnaud Svrcek (sans étiquette), les médias locaux feuilletonnent à l’envie les rebondissements de l'affaire, y voyant l’illustration parfaite du combat pourtant déséquilibré entre le « petit village gaulois » et la multinationale conquérante.

De l’aveu même de son président France, Rafael Rodriguez, c’est la première fois que le groupe Rockwool fait face à une telle détermination pour endiguer ses velléités d’implantation : « Je n’ai jamais connu un niveau d’opposition et d’hostilité aussi élevé ». Quant à Arnaud Svrcek, il assure être parfaitement dans son droit, se référant au PLU de sa commune pour justifier son refus de délivrer un permis de construire à Rockwool.

Une autorisation environnementale de la préfecture

C’est en 2021 que le litige débute, dans la foulée de l’élection du nouvel édile à la mairie de Courmelles, 1800 habitants. Dès son arrivée, Arnaud Svrcek semble vouloir bloquer le projet d’installation de Rockwool. « Nous sommes présents en France depuis 45 ans, plus précisément à Saint-Eloy-les-Mines, dans le Puy-de-Dôme, où nous avons trois lignes de production », resitue Rafael Rodriguez.

« Pour le site de Courmelles, nous avons reçu des avis favorables de la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et de l’ARS (Agence régionale de santé). La Préfecture de l'Aisne nous a délivré une autorisation environnementale, et l’agglomération de Soissons nous avait aussi donné son feu vert. Il n’y a qu’une seule personne, le nouveau maire, qui s’est lancé dans le combat de sa vie contre nous ! »

Une affaire longue et onéreuse

Arnaud Svrcek se défend de ces attaques, tout comme il dément avoir voulu prendre la lumière en médiatisant son opposition. « Le maire que je suis se réfère exclusivement au PLU, que Rockwool a dédaigné en dépit de la non-conformité de son projet d’usine », affirme-t-il. En cause : la hauteur des ouvrages techniques, jugée trop élevée. Face au blocage de la mairie, Rockwool a attaqué le refus de permis de construire. Le tribunal administratif d’Amiens a donné raison au Danois dans son jugement, contestant l’impartialité de la municipalité et annulant du même coup l’arrêté du maire. Pour sa part, la cour administrative d’appel de Douai a cassé le jugement et réhabilité l’arrêté municipal, jugé régulier.

L’affaire, « longue et onéreuse », selon les mots du maire, sera tranchée en dernier recours par la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’Etat, qui doit se prononcer avant la fin de l’année. Et que ferait Rockwool s’il était débouté ? « Nous avons déjà déposé un second permis de construire au cas où, car ce site est logistiquement parlant judicieux, très bien situé. Mais nous restons optimistes quant à la finalité de cette étape clé que représente le Conseil d'Etat », confie Rafael Rodriguez.

Risques sanitaires possibles

Du côté de l’édile, bien que le PLU soit l’argument factuel, tangible, avancé pour défendre sa position, les motivations semblent être tout autres. « Après mon accession à la mairie, je me suis renseigné auprès de professionnels de santé, des médecins soissonnais, des infirmiers, des pharmaciens. Tous sont unanimes et montent au créneau contre ce projet d’implantation. Il est question de perturbateurs endocriniens, de composés organiques volatils (COV), etc. J’ai bien potassé le dossier. »

De plus, une consultation citoyenne auprès de ses administrés a été organisée par Arnaud Svrcek. Le résultat est sans appel : 96,6 % des suffrages exprimés l’ont été contre l’installation de Rockwool à Courmelles. « Je ne fais qu’aller dans leur sens ! » tranche l’édile.

Balance bénéfice/risque

Le géant danois, de son côté, brandit les avis de la Dreal et de l’ARS pour battre en brèche les arguments sanitaires. Et met en avant les retombées économiques estimées pour ce projet, alors même que le gouvernement affiche clairement sa volonté de réindustrialiser le pays. « Cela créerait environ 130 emplois directs et plus d'un millier d’emplois soutenus, dont 300 au niveau régional », défend le président de Rockwool France.

Rien de bien significatif, d’après le maire : « Cela représente quatre emplois par hectares, contre 30 actuellement. C’est loin d’être un projet mirobolant et je considère que la balance bénéfice/risque penche clairement du côté risques ». Pour autant, il jure qu’il se conformera à la décision du Conseil d’Etat, que cela aille dans son sens ou non. « Je suis un légaliste et j’ai confiance en la justice de mon pays. » Les deux parties attendent avec impatience le verdict final de leur longue lutte.

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