L’affaire concerne un marché public de travaux visant la réhabilitation et l’extension des bâtiments d’un Ehpad. L’entreprise titulaire du marché pour le lot « démolition gros œuvre » a fait appel à une entreprise sous-traitante, que le maître d'ouvrage a agréée. Celle-ci prétend pouvoir bénéficier du paiement direct par l’Ehpad au titre des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance (aujourd'hui reprises dans le Code de la commande publique - CCP). La cour administrative d’appel (CAA) de Marseille confirme, dans un arrêt du 13 décembre 2021, le rejet de cette demande de paiement direct, jugée non suffisante.
En se fondant sur une lecture combinée des articles 6 et 8 de la loi de 1975, et de l’article 116 du Code des marchés publics (alors applicable, aujourd'hui articles R. 2193-11 et suivants du Code de la commande publique), la CAA revient sur la procédure particulière à suivre pour recourir au paiement direct dans un marché de travaux afin de respecter les droits des parties, et particulièrement du titulaire du marché.
Le sous-traitant doit adresser sa demande au titulaire du marché...
En premier lieu, la cour rappelle que le sous-traitant doit d’abord adresser sa demande pour accord au titulaire du marché. A l'époque des faits, cette demande, accompagnée des factures relatives aux prestations exécutées et justificatifs nécessaires, et libellée au nom du pouvoir adjudicateur, devait être faite sous pli recommandé avec accusé de réception, ou être déposée auprès de l’entreprise titulaire du marché contre récépissé. A noter qu'à présent, le CCP prescrit une demande "par tout moyen permettant d'en assurer la réception et d'en déterminer la date, ou [déposée] auprès du titulaire contre récépissé" et que la facturation des sous-traitants de premier rang admis au paiement direct doit se faire par voie électronique sur Chorus pro (art. L. 2192-1 du CCP).
Dans cette affaire, bien que le sous-traitant ait justifié de l’envoi de documents au titulaire du marché, la CAA considère que les conditions de forme permettant de valider la bonne réception de la demande n’étaient pas réunies. La signature d’une personne non identifiée avec la mention « reçue en mains propres » et « pour ordre » ne suffit pas à démontrer la remise au titulaire du marché. Elle rappelle la nécessité que le signataire soit identifié et l’importance (à l'époque) de la présence du tampon sur le récépissé afin d’attester la bonne réception.
... ainsi qu'au maître d'ouvrage
En parallèle, le sous-traitant doit également adresser sa demande de paiement au maître d’ouvrage ou, le cas échéant, au maître d’ouvrage délégué. Cet envoi doit être accompagné des factures ainsi que d’une preuve de bonne réception par l'entrepreneur principal. Une fois ces documents reçus, le pouvoir adjudicateur doit adresser au titulaire du marché une copie de toutes les pièces qui ont été transmises afin qu’il puisse exercer un contrôle sur celles-ci. Ce dernier dispose de 15 jours pour donner son accord ou signifier son refus. Cette réponse doit être adressée au pouvoir adjudicateur ainsi qu’au sous-traitant. Sans réponse à l’issue des 15 jours, le titulaire est réputé avoir accepté cette demande. In fine, le maître d'ouvrage procèdera au paiement des factures acceptées.
La CAA rappelle ici que si la demande du sous-traitant à l'entrepreneur principal n'a pas respecté, comme en l'espèce, les formes requises, peu importe que les factures aient été ensuite correctement transmises par le sous-traitant au maître d'ouvrage. Celui-ci ne sera pas tenu de procéder au paiement direct.
A noter que sous l'empire du CCP, la procédure dématérialisée via Chorus simplifie les démarches (article R. 2193-16 : "Lorsque le sous-traitant utilise le portail public de facturation [...], il y dépose sa demande de paiement sans autre formalité. Le titulaire dispose de quinze jours à compter de ce dépôt pour accepter ou refuser la demande de paiement sur ce portail").
CAA de Marseille, 13 décembre 2021, n°19MA05726
► Pour lire nos derniers commentaires de jurisprudence (en marchés publics, marchés privés, urbanisme, environnement) ou rechercher des analyses de décisions par mots-clés ou par référence, consultez notre « Bar à jurisprudence »