Paiement direct du sous-traitant Le juste montant doit être porté sur l’acte spécial

Le sous-traitant de premier rang d’un marché public bénéficie automatiquement du paiement direct à partir de 600 euros. Ce paiement fait l’objet d’un acte spécial dès que le sous-traitant est déclaré au maître de l’ouvrage en cours de chantier. Or, certains entrepreneurs ont pris l’habitude d’inscrire sur l’acte spécial un montant inférieur à celui du sous-traité. Une telle pratique est illégale.

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CARICATURE - RGL-COINTE1

Le sous-traitant de premier rang d’un marché public bénéficie automatiquement du paiement direct de ses prestations par le maître de l’ouvrage, dès lors que le montant du sous-traité atteint 600 euros TTC (1). Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite (2).

Pour le mettre en œuvre, l’entrepreneur principal doit faire accepter le sous-traitant et faire agréer ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage (3). Le sous-traitant qui n’a pas été accepté par le maître d’ouvrage public ne peut pas bénéficier du paiement direct (4). L’acceptation et l’agrément doivent être simultanés (5).

La demande d’acceptation et d’agrément des conditions de paiement du sous-traitant peut être faite à tout moment. L’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 dispose que cette demande sera faite « au moment de la conclusion du contrat et pendant toute la durée du contrat ou du marché ».

L’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage prennent la forme d’un acte spécial lorsque le sous-traitant est déclaré en cours de chantier.

Dans les marchés soumis au Code des marchés publics, l’acte spécial sera le plus souvent établi sur l’imprimé DC13. Toutefois, il n’existe pas de forme obligatoire. Il suffit que le document contienne les renseignements suivants : la nature des prestations sous-traitées ;

le nom, la raison ou la dénomination sociale et l’adresse du sous-traitant ; le montant prévisionnel des sommes à payer directement au sous-traitant ; les modalités de règlement de ces sommes (6).

L’acte spécial doit être suffisamment précis pour que le sous-traitant bénéficie du paiement direct. A ainsi été rejetée une demande de paiement direct fondée sur un acte spécial ne comportant, à l’exception des coordonnées bancaires, aucune mention relative aux conditions de paiement du contrat de sous-traitance (7).

Le montant de l’acte spécial

Selon l’, l’acte spécial doit obligatoirement préciser « le montant prévisionnel des sommes à payer directement au sous-traitant ». Cette obligation est d’ailleurs relayée par l’article 5 de la loi du 31 décembre 1975, qui dispose que « l’entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l’ouvrage la nature et le montant des prestations qu’il envisage de sous-traiter ».

Il appartient donc à l’entrepreneur principal de déclarer au maître de l’ouvrage le montant du contrat de sous-traitance. S’il s’agit d’un contrat à prix global et forfaitaire, l’entrepreneur principal déclarera ce montant. Dans le cas d’un sous-traité conclu sur bordereau à prix unitaires, l’entrepreneur principal déclarera le montant prévisionnel établi en fonction du métré prévisionnel. Ce montant figurera souvent à titre indicatif dans le contrat.

Les travaux supplémentaires

Les travaux supplémentaires doivent faire l’objet d’un acte spécial modificatif à l’initiative de l’entreprise principale. La pratique révèle malheureusement que les travaux supplémentaires ne font quasiment jamais l’objet d’un paiement direct, et ils sont la source d’un contentieux abondant en cas de défaillance financière de l’entreprise principale (8).

L’absence d’acte spécial est principalement due à la négligence de l’entrepreneur principal qui, en cours de chantier, ne prend pas la peine d’effectuer cette formalité. Le réveil du sous-traitant en fin de chantier peut être douloureux.

Lorsque le sous-traitant se manifeste pour réclamer l’établissement d’un acte spécial complémentaire, il lui est souvent répondu que la mise en place de celui-ci est impossible dans la mesure où la commande de travaux supplémentaires n’émane pas du maître d’ouvrage mais de l’entrepreneur principal. Cet argument n’est pas fondé. Même si l’entrepreneur principal a commandé des travaux supplémentaires sans les répercuter au maître de l’ouvrage, il n’en demeure pas moins que ces travaux doivent faire l’objet d’un avenant au sous-traité et doivent être déclarés au maître de l’ouvrage. Ce dernier procédera au règlement du sous-traitant pour les travaux sous-traités, par prélèvement sur les sommes dues à l’entrepreneur principal au titre du marché principal.

En cas de travaux supplémentaires, le sous-traitant a donc tout intérêt à se manifester et à obtenir de l’entrepreneur principal un avenant au sous-traité et un acte spécial modificatif. Toutefois, le droit au paiement direct peut être étendu aux travaux supplémentaires imprévus et indispensables à la bonne exécution de l’ouvrage ainsi que ceux résultant d’une sujétion imprévue qui a bouleversé l’économie du contrat (9).

Les révisions de prix

L’acte spécial qui est établi par l’entrepreneur principal indique si le prix est révisable ou non, et précise la formule de révision de prix. En pratique, la formule de révision de prix est généralement celle stipulée dans le marché principal. Si la révision de prix n’est pas stipulée dans l’acte spécial, elle sera inopposable au maître de l’ouvrage. Le Conseil d’Etat constatant que le sous-traitant ne produisait « aucune clause contractuelle relative à la révision des prix qui soit opposable au maître de l’ouvrage », en déduit que « ce dernier n’a donc rien à payer directement à l’entreprise sous-traitante au titre de la révision des prix du marché » (10).

Dès lors, pour obtenir la révision de prix, le sous-traitant n’a pas à demander l’établissement d’un acte spécial modificatif. C’est au maître de l’ouvrage d’actualiser l’acte spécial en fonction de la formule de révision de prix stipulée dans cet acte.

De faux motifs allégués

Certaines entreprises principales établissent des actes spéciaux pour un montant inférieur au montant du contrat de sous-traitance. Cette pratique est contraire, tant à la loi du 31 décembre 1975, qu’au Code des marchés publics. Les entreprises principales invoquent de nombreux motifs pour justifier une telle position.

L’entreprise principale se cache derrière la retenue de garantie pour justifier l’établissement d’un acte spécial d’un montant égal à celui du contrat de sous-traitance diminué de 5 %. L’entreprise principale ayant cautionné sa retenue de garantie, elle va être intégralement réglée par le maître de l’ouvrage. En revanche, l’entreprise principale, qui n’a pas forcément reçu du sous-traitant la garantie bancaire en substitution de la retenue de garantie, va vouloir se réserver le droit de retrancher cette retenue de garantie sur les situations de son sous-traitant.

L’entreprise principale peut aussi vouloir se garder une « provision pour risque », en conservant un certain pourcentage du montant du sous-traité à l’abri du regard du maître d’ouvrage pour négocier la fin de l’affaire. L’entreprise principale pourra alors imputer des pénalités, ou compenser d’éventuels préjudices, sur la dernière situation de son sous-traitant sans que le maître de l’ouvrage ne le sache.

Enfin, l’entreprise principale peut aussi s’inquiéter d’éventuels risques de sur-paiement du sous-traitant par le maître de l’ouvrage dans le cadre de sous-traités conclus sur bordereaux à prix unitaires, ou de situations en diminution. L’entreprise principale peut alors craindre que le maître d’ouvrage ne règle à hauteur du montant inscrit dans l’acte spécial, et non au regard des travaux réellement exécutés.

Risques encourus

Toutes ces motivations sont fausses car, dans le cadre du paiement direct, l’entreprise principale reste « maître » du paiement du sous-traitant. C’est l’entreprise principale qui indique au maître de l’ouvrage ce qu’il doit payer au sous-traitant dans la limite de l’acte spécial.

Si le sous-traitant n’a pas cautionné la retenue de garantie, l’entreprise principale indiquera au maître de l’ouvrage de procéder au règlement de 95 % de la situation du sous-traitant.

Si l’entreprise principale reproche des malfaçons à son sous-traitant, elle devra indiquer au maître de l’ouvrage, en même temps qu’il lui transmet la situation du sous-traitant, les motifs s’opposant au non-paiement du sous-traitant (11).

Si la situation est en diminution, il appartient à l’entreprise principale de demander un acte spécial modificatif.

Etablir un acte spécial pour un montant inférieur au montant du sous-traité est illégal, et le sous-traitant qui accepte cette situation doit connaître les risques qu’il encourt. En effet, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’entreprise principale, le sous-traitant ne sera garanti qu’à hauteur du montant figurant dans l’acte spécial.

Pour pallier cette pratique illégale, le maître de l’ouvrage est toujours en mesure d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il lui communique une copie du contrat de sous-traitance (12). Il pourra ainsi vérifier que le montant porté sur l’acte spécial coïncide avec celui de la sous-traitance. Il est dommage de constater qu’en pratique cette possibilité est très peu utilisée par le maître d’ouvrage. Celui-ci est pourtant susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 14-1 de la loi de 1975 et de payer deux fois la même prestation.

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