Un projet d’arrêté prévoit de mieux encadrer les conflits d’intérêt des bureaux de contrôle CEE. La situation va-t-elle s’améliorer ?
Je ne le pense pas, hélas ! A la suite des révélations du Moniteur des Artisans sur les liens d’intérêt des bureaux de contrôle avec le monde des CEE, l’administration avait envisagé d’interdire les liens capitalistiques à plus de 25 % entre un bureau de contrôle accrédité par le Cofrac d’une part, et l’entreprise de travaux ou le demandeur de CEE d’autre part. Etait également prévue l’interdiction d’activité concomitante sur le même objet entre l’organisme d’inspection, l’entreprise ayant réalisé les travaux et le demandeur CEE, dès lors qu’ils appartiennent à un même groupe (CR du COPIL CEE du 14 février 2023).
C’est justement cette notion de concomitance qui est au cœur du problème aujourd’hui et notamment sur la rénovation globale. Hélas, le projet de texte présenté pour consultation a supprimé son interdiction.
Par ailleurs, ce même projet de texte a supprimé l’interdiction du lien capitalistique entre bureau de contrôle et demandeur de CEE. Ainsi, la seule exigence conservée est d’avoir des dirigeants différents.
Le texte prévoit donc de s’attaquer aux dirigeants communs. Ca ne répond pas à la problématique ?
En effet, le projet demande que le bureau de contrôle et l’entreprise de travaux ou le demandeur de CEE aient des dirigeants différents. Là aussi, ça ne protège de rien tant que la question des liens capitalistique n’est pas réglée, et que l’entre soi caractérisé par la concomitance n’est pas banni.
L’arrêté ne servira donc à rien ?
C’est pire que cela, de mon point de vue. Dans sa version actuelle, l’arrêté viendra légaliser une situation existante, qui s’est développée grâce à un flou réglementaire. Tout ça en contradiction avec les règles élémentaires d’impartialité d’un organisme tierce partie de type A (le niveau d’impartialité le plus élevé dans le référentiel Cofrac).
La seule règle à imposer est pourtant simple : une opération CEE ne peut être contrôlée que par un bureau de contrôle n’ayant aucun lien avec l’entreprise de travaux et/ou le demandeur du CEE. On peut ajouter l’interdiction de lien avec l’auditeur dans le cadre de la rénovation globale.
L’administration renforce également les règles, avec notamment l’horodatage des pièces dans les rapports d’inspection. Est-ce de nature à mieux lutter contre la fraude ?
Pour nous on se trompe de priorité. Le sujet du moment, c’est de casser les liens ou la fameuse concomitance qui gangrènent la chaîne de valeur des CEE. Le formalisme du rapport d’inspection ne changera rien si l’organisme n’est pas indépendant. S’il faut horodater quelque chose, c’est l’audit initial et le devis du client, puisque la fraude à la rénovation globale porte notamment sur l’antidatage de ces derniers pour bénéficier des forfaits 2021 plus généreux.
Sur la falsification des rapports, les bureaux de contrôle ont déjà fait des efforts pour horodater les rapports d’inspection, voire mettre en place des QR Code qui permettent à n’importe qui disposant du rapport de vérifier qu’il n’est pas falsifié. Pour nous, avec ces deux éléments, le sujet de la falsification des rapports est clos.