« Osons le train! » : des espoirs et un couac

Trame du colloque « Osons le train ! » le 23 mai au siège de la FNTP, le besoin d’une refondation du monde ferroviaire français s’est manifesté de manière inattendue : les menaces sur le fret ont conduit des syndicalistes de Sud à interrompre l’événement à coup de cris et de fumigènes, juste après l’intervention du ministre des Transports Clément Beaune.

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TGV
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L’ouverture d’un débat sur le dossier qui fâche, dans le financement des infrastructures ferroviaires, ne fait pas peur à Clément Beaune, ministre des Transports : sous la pression de Carole Delga, présidente des Régions de France, il associera ces dernières à une « mission conjointe » consacrée au péage des infrastructures par les exploitants.

La barrière des péages

A mi-parcours du colloque du 23 mai sur la relance ferroviaire, une délégation de cheminots du syndicat Sud a empêché la poursuite des échanges, au siège de la FNTP, juste après l’intervention du ministre. Mais les participants à l’événement organisé par la fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) ne sont pas rentrés sans quelques balises, sur le chemin escarpé des 100 Mds€ promis au mode ferroviaire par Elisabeth Borne d’ici à 2040.

L’exemple de l’Italie alimente l’argumentaire des partisans d’une baisse des péages, au profit d’une augmentation des subventions d’Etat : « Cette mesure a accéléré le report modal au profit du ferroviaire de façon incroyable. Elle a permis un doublement de l’offre, une amélioration de la satisfaction des clients et une diminution de la dette de l’opérateur historique », témoigne Robertau Rinaudo, directeur général de Trenitalia France.

Des freins à la concurrence

Certes, les péages n’ont pas dissuadé l’opérateur national italien d’ouvrir une brèche dans le monopole hexagonal : Trenitalia France exploite deux allers retours quotidiens entre Paris et Milan et trois autres dessertes entre Paris et Lyon. De même, Transdev a remporté l’appel d’offres de la région Paca pour la ligne Marseille Nice.

Mais à en croire l’autorité de régulation des transports (ART), ces deux arbres cachent une forêt de freins. « Sur 42 nouveaux services notifiés pour l'ouverture à la concurrence, 37 sont restés sans suite », précise sa vice-présidente Sophie Auconie. Le péage ne constitue qu’un obstacle parmi d’autres : l’ART cite « la complexité des services  conventionnés », le manque d’expertise et de coordination des autorités organisatrices (AOT).

Le régulateur éclaire les voies

Parmi ses 39 recommandations pour améliorer l’effet de l’ouverture à la concurrence sur la qualité du service, l’ART privilégie l’idée d’accords cadre sur l’allocation des capacités, sur des durées qui pourraient s’étendre jusqu’à 15 ans. « La visibilité des sillons disponibles permet de calibrer les investissements », plaide Sophie Auconie, citant l’exemple phare de l’Espagne, où 70 % des capacités découlent de ces accords cadre.

La « mission conjointe » annoncée par Clément Beaune donnera-t-elle lieu à un règlement de compte ? Les régions ne se priveront sans doute pas d’exprimer l’amertume que leur inspire la SNCF et l’Etat, comme le laisse penser Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine : il n’oublie ni les 40 M€ transformés en 95 pour la modernisation de la liaison Bergerac Libourne, ni le dérapage de Limoges-Poitiers à 250 M€ au lieu de 160.

L’amertume des régions

« Je n’ai jamais vu un secteur industriel accumuler un tel retard », tonne le président de la Nouvelle-Aquitaine, avant de s’adresser plus directement à la SNCF : « Vous n’avez pas assuré la transparence ». Les négociations sur le volet mobilité du contrat de plan n’améliorent pas son humeur : « J’ai signé pour 950 M€ avec le célèbre Djebbari (ndlr : ex ministre des Transports), je suis prêt à dépenser ma part, mais j’attends toujours le mandat du préfet ! ».

Et Alain Rousset de revenir sur les derniers ajustements des péages : « Plus 0,6 % pour les TGV, et plus 25 % pour les trains régionaux ». Selon lui, l’Etat réduit le rôle des régions à celui des « cochons de payeurs », tout juste bons à alléger la dette de la SNCF.

Ressouder l’équipe ferroviaire

Cette dernière s’évertue à donner des gages de sa détermination à améliorer la qualité du service, exemples à l’appui : « Il y a peu de temps encore, la Normandie présentait une situation catastrophique. Ca va mieux, et ce n’est pas un hasard. La région Paca a vécu l’horreur il y a 10 ans. On a redressé. Ne doutez pas de la SNCF », se défend Jean-Pierre Farandou. Le P-DG du groupe présente ce dernier comme membre à part entière de « l’équipe de France du ferroviaire ».

La métaphore suggère l’effort de chaque composante et la détermination collective. Denis Valence excelle dans l’interprétation de ce refrain entraînant : le président du conseil d’orientation des infrastructures (COI) se réjouit des « signaux positifs » qui « contrebalancent le fatalisme des acteurs du ferroviaire ». Sur une trajectoire qui privilégie à court terme la modernisation et la régénération sur les infrastructures neuves, le manque de visibilité de l’effort renforce la nécessité d’un soutien au moral des troupes.

Un RER nommé désir

Pour gagner la bataille des modernités décarbonées, « tout le monde devra faire plus », avertit l’ancien vice-président aux transports de la région Grand Est. De la SNCF, il espère « un changement de culture profond, y compris à Strasbourg, au vu du démarrage poussif du RER métropolitain ». A l’Etat, le COI demande une stabilisation juridique des conditions de l’ouverture à la concurrence, en attente de deux nouveaux décrets d’application. Denis Valence attend enfin une affirmation claire de la fin du tout TGV : « Il ne peut pas y avoir de ligne nationale qu’à grande vitesse ».

Les RER métropolitains – rebaptisés Services express régionaux métropolitains (Serm) - figurent au premier rang des « signaux positifs » : le président du COI se réjouit de leur « incarnation dans un acte législatif ». Sur ce sujet, Clément Beaune réaffirme son « plein soutien » à la proposition de loi portée par Jean-Marc Zulesi. Dès la rentrée, les Serm disposeront de « l’outil juridique qui débloquera les investissements », promet le ministre.

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