Dans l’univers nécessairement confraternel de la profession d’architecte, les moindres bisbilles font figure de maelstrom. Ainsi de la pétition récemment mise en ligne par l’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa). De quoi retourne-t-il ? Le nouveau barème des cotisations, publié par le Conseil national de l’Ordre des architectes (Cnoa) au début du mois de mars, a incité le bureau national de l'Unsfa à demander, dans la foulée, «une transparence sur le budget et la politique de notre Ordre».
Pour Laure-Anne Geoffroy-Duprez, présidente de l’Unsfa, la répartition du budget de l’institution, telle qu’elle figure sur son site, ne suffit pas : «Ça fait des années qu’on demande, sans l’obtenir, une ventilation précise du budget de l’Ordre, lequel est en forte augmentation». A savoir, selon la pétition en ligne : «14 millions en 2012, 17,5 millions en 2022, 20 millions attendus en 2024 (estimés)… Combien en 2025 ?». «La question n’est pas celle de l’augmentation des cotisations mais de l’utilisation de ces cotisations» précise encore Laure-Anne Geoffroy-Duprez. Bref, opacité supposée d’un côté, désir de transparence affirmé de l’autre…
Nouvelles cotisations
«Les nouvelles cotisations annoncées il y a peu soulèvent des questions, voire des hurlements. Moi je retiens surtout la nouvelle cotisation à 90 € pour une inscription/ré-inscription, d’une personne physique, dans le cadre d’autres activités liées à l’architecture, sans maîtrise d’œuvre» fait observer un conseiller ordinal.
Pour Thierry Nabères, ancien trésorier adjoint du Cnoa, le débat est vite tranché affirme t-il sur LinkedIn : «Plus de cotisations ? 2,8 % d’augmentation sur la cotisation de base en 12 ans est-ce le sujet ? Moins cher pour les salariés/plus cher pour les holdings, est-ce inéquitable ? Plus d’abattements pour les bas revenus, est-ce une augmentation ?»
«Nous exigeons sans délais la publication et la transmission d’un budget complet et détaillé, ainsi que des comptes de notre ordre à tous les cotisants» martèle encore la pétition de l’Unsfa qui appelle l’Ordre à «organiser un grand débat national, ouvert à toutes et à tous, autour de son budget (notre argent) et de son projet politique (notre avenir).»
Dernier épisode en date du 5 avril, le Syndicat de l’Architecture a décidé de saisir le Conseil d’État pour contester les nouveaux barèmes de cotisation que le Conseil national de l’Ordre vient d’appliquer et qui, selon lui, sont synonymes d’inégalité entre les architectes. En attendant l’issue de ce recours, le syndicat appelle toutefois lesdits architectes à s’acquitter - à titre provisoire - de leur cotisation...
Ce même jour, Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, ne cachait pas son dépit de voir de tels chicayas diviser la profession pour «un non-sujet». Et de préciser que le nouveau barème en question a fait l'objet de longs travaux préalables, de votes et de l'imprimatur ministérielle. «Il n'est pas sorti du jour au lendemain, comme ça!». Un barème qui entend mettre «davantage de solidarité entre les architectes», favoriser l'accueil de nouveaux professionnels qui exercent leurs talents en-dehors de la maîtrise d'oeuvre stricto sensu (enseignants, artistes, journalistes, etc.) et «viser à davantage d'égalité entre les sociétés d'architecture» selon la composition de leur effectif. Quant au budget contesté par les uns et les autres, «le Cnoa se tient à la disposition des syndicats pour le leur présenter» assure Christine Leconte. Game over ?
Pas encore... Par voie de communiqué commun en date du 9 avril, l’Unsfa et le Syndicat de l’architecture réagissent aux propos de Christine Leconte. : «Est-il bien raisonnable, par respect pour nos consœurs et confrères sur le terrain, de parler d’un non-sujet ?». Et de poursuivre : «Ne confondons pas information tardive et participation active. Etre informé, sur le tard, d’un travail en cours, sans en avoir les tenants ni les aboutissants, n’est pas l’illustration d’une démarche collective et partagée. Les voix qui s’élèvent aujourd’hui, sur tous nos territoires, devraient susciter une remise en question et des actions correctives. Lorsque la profession, que les syndicats représentent, est unie pour exprimer son désaccord et ses demandes…Oui, il y a un vrai sujet». Et l’Unsfa et le Syndicat de l’architecture de rappeler leurs démarches respectives : pétition en ligne, d’un côté ; saisine du conseil d’Etat, de l’autre.