"On peut s'attendre à 7 à 12 mois d'afflux de dossiers d'Ad'AP après la date butoir du 27 septembre", Marie Prost-Coletta (déléguée ministérielle à l’accessibilité)

Après le 27 septembre, il ne sera plus possible (ou presque) aux exploitants d’établissements recevant du public (ERP) de déposer un agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP) pour bénéficier des nouveaux délais créés par l’ordonnance du 26 septembre 2014 pour mettre leur ERP aux normes. La déléguée ministérielle à l’accessibilité, Marie Prost-Coletta, fait le point sur la situation pour LeMoniteur.fr et évoque l’avenir.

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Marie Prost-Coletta, déléguée ministérielle à l'accessibilité

LeMoniteur.fr : Comment se déroulent les dépôts des Ad’AP ? On craint un engorgement…

Marie Prost-Coletta : Pour l’instant cela se déroule bien. Les premiers Ad’AP ont été déposés dès janvier, mais c’est très loin d’être terminé. Nous attendons effectivement beaucoup de dossiers. Et je tiens à dire que tous seront traités. Pour accélérer et simplifier ce traitement, d’une part nous avons renforcé les services dans les préfectures et formé les personnels et d’autre part nous serons plus souples sur la délivrance des notifications d’accord et les attestations : nous ne notifierons que les décisions de rejet de dossier. Pour les autres, la règle du « silence vaut accord » s’appliquera.

Mais tous les dossiers ne seront pas déposés au 27 septembre…

M. P.-C. : Je pense qu’on peut s’attendre à 7 à 12 mois d’afflux de dossiers. Des collectivités locales ont déjà annoncé qu’elles déposeraient leur dossier en retard. Je pense à Lyon dont l’Ad’AP est inscrit à l’ordre du jour de son conseil le 28 septembre, certaines parlent d’octobre… A cela s’ajoutent les Ad’AP pour lesquels une prorogation de la date de dépôt a été acceptée.

Il y a donc une tolérance ?

M. P.-C. : Évidemment, si le retard est justifié. Par exemple les modifications liées à la loi NOTRe (loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République promulguée le 7 août 2015, NDLR) changent la donne pour nombre de collectivités, qui se retrouvent avec un nouveau patrimoine immobilier dont elles n’avaient pas la charge jusqu’à présent. C’est une difficulté supplémentaire. Et puis il y a les demandes de prorogation du délai de dépôt de l’Ad’AP qui sont en cours d’instruction. L’objectif poursuivi est la mise en accessibilité de notre cadre de vie et pour cela il convient d’assurer une gestion intelligente des dates.

Sait-on combien de dossiers ont été déposés jusqu’à présent ?

M. P.-C. : Début septembre, 10 107 Ad’AP avaient été déposés pour 15 587 ERP. Attention, ces chiffres sont ceux des Ad’AP comptabilisés en préfecture et mis à la disposition de la délégation ministérielle à l’accessibilité, sachant qu’il faut compter un mois entre leur dépôt en mairie et leur arrivée en préfecture. Il y en a donc nécessairement plus qui ont déposés. D’autre part, nous n’avons pas comptabilisé toutes les attestations d’accessibilité.

Qu’en est-il des ERP de l’Etat ?

M. P.-C. : L’Etat est en ordre de marche. Le ministère de la Défense vient par exemple de déposer un Ad’AP pour La Réunion. Chaque préfet de région va déposer un Ad’AP, tous les ministères ont préparé leur agenda. Le ministère de la Défense et de la Justice ont déjà élaboré des agendas nationaux.

Une fois le dossier examiné, deux cas de figure se présentent : le dossier est accepté ou le dossier est rejeté. Que se passe-t-il après cette décision ?

M. P.-C. : En cas de rejet, un nouveau dossier doit être déposé dans un délai proposé par le préfet qui peut octroyer un délai de 6 mois maximum. Quand le dossier est accepté – l’examen, avec l’avis des commissions consultatives de sécurité et d’accessibilité compris, est de 4 mois – les travaux peuvent commencer.

Pour les Ad’AP sur une seule période de 3 ans maximum, en fin d’Ad’AP un bilan d’achèvement des travaux est demandé. Pour les établissements de 5e catégorie (établissement dont l'effectif du public, inférieur à 300 personnes, ne dépasse pas un seuil fixé réglementairement pour chaque type d'exploitation, ndlr), il faut attester de la mise en accessibilité et transmettre factures des travaux et/ou photos qui le mettent en évidence. Pour les autres catégories il faut l’attestation d’un architecte et d’un contrôleur technique.

Pour les Ad’AP sur deux périodes de trois ans, un premier bilan doit être fourni au bout d’un an. Si rien n’est produit, l’accord pour une demande de délai que représente en réalité l’Ad’Ap est suspendu. Un deuxième bilan d’étape doit être fourni à mi-parcours, soit au bout de trois ans pour un Ad’AP à 6 ans. En fin d’Ad’AP, un bilan des actions et une attestation, selon la catégorie de l’ERP, doivent être fournis au préfet.

Et si aucun Ad’Ap n’est déposé ?

M. P.-C. : L’amende est de 1 500 € pour les établissements de 5e catégorie, de 2 500 € pour les autres. Sans travaux mis en œuvre, ou si aucune attestation d’accessibilité n’est produite, les ERP tombent sous le coup de l’article L 152-4 du code de la construction et de l’habitation, que nous avons renforcé et qui punit d’une amende pénale de 45 000 € (portée à 225 000 € pour les personnes morales) les exploitants. Sanction qui ne lève pas l’obligation de réaliser les travaux.

Qui va contrôler tout cela ?

M. P.-C. : Nous comptons sur la pression sociale, d’une part, sur les commissions intercommunales d’accessibilité pour recenser et suivre les dossiers d’autre part. Mais c’est avant tout aux habitants et à leurs représentants de se mobiliser pour faire avancer la cause de l’accessibilité. Nous nous en remettons à la démocratie locale.

Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée du handicap, a déclaré souhaiter que « dans trois ans, 800 000 ERP soient mis en accessibilité ». Peut-on déjà évoquer un chiffre, un objectif ?

M. P.-C. : Je m’y refuse. Il est trop tôt pour tirer un bilan : tous les dossiers ne sont pas arrivés. Il reste bien deux ans avant de pouvoir faire une estimation du nombre d’ERP qui se seront lancés dans les travaux. Quand nous aurons reçu et traité tous les dossiers, on les additionnera avec les attestations d’accessibilité et on aura une idée du nombre d’ERP qui seront mis aux normes.

Passé le 27 septembre, quelles seront les missions de la DMA ?

M. P.-C. : Je vous l’ai dit, il y en a bien pour deux années de suivi des Ad’AP et des schémas directeurs d’accessibilité des transports publics. Nous allons pouvoir revenir à un travail de fond sur le portage de la politique d’accessibilité. Reprendre l’angle et le travail avec les associations de personnes handicapées et les gestionnaires d’ERP, de voirie, des transports, du logement. Je reprendrai mon bâton de pèlerin pour rencontrer les maires, les associations de commerçants... Mais dès à présent, je vous invite à vous joindre à nous le 22 septembre pour la pose sur quelques ERP du premier pictogramme en faveur des chiens guide d’aveugle et d’assistance. C’est aussi notre travail à la DMA : écouter les difficultés des personnes handicapées et mobiliser les moyens de l’État pour aider à leur résolution.

Justement, la simplification des normes pour faciliter la construction, qui revient sur certains acquis pour les personnes en situation de handicap, peut apparaître comme un recul de la conception de l’accessibilité universelle. Et ce au moment où l’Assemblée se penche sur la question de l’adaptation de la société au vieillissement…

M. P.-C. : La concertation lancée par Jean-Marc Ayrault en 2013 avait mis pour la première fois face à face les différents acteurs institutionnels, associatifs et professionnels. Lorsqu’il s’est agi d’examiner les 50 mesures de simplifications voulues par Manuel Valls, tous les points de vue ont pu se rencontrer. Nous avons relu tous ensemble les différentes règles d’accessibilité et cherché dans le consensus celles qui devaient évoluer. Il s’agissait de redéfinir les cotes lorsque celles-ci étaient trop importantes, sans porter atteinte à la qualité de vie et de déplacement des personnes handicapées, mais aussi de compléter la réglementation pour les handicaps moins bien appréhendés en 2005. Cette évolution de la réglementation permet de faire baisser les coûts de construction et de mieux utiliser les moyens aussi bien pour le secteur privé que public. Cette simplification est prévue pour faire baisser les coûts de construction et permettre de construire plus de logements. L’objectif c’est donc d’offrir en réalité plus de logements accessibles. Et il me semble, au-delà des polémiques, que nous avons réussi à obtenir le maximum acceptable par tous.

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