Interview

Nouvelle Aquitaine : «La croissance est faible, mais on maintient l’activité»

Olivier Salleron, Président de la FFB Nouvelle-Aquitaine. Après une reprise en 2017 et 2018, le secteur du bâtiment a vu cette tendance se ralentir à la fin de l’année dernière. Les professionnels comptent sur les mesures incitatives mises en place par le gouvernement et les marchés publics pour compenser le recul du bâtiment.

 

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Olivier Salleron, Président de la FFB Nouvelle-Aquitaine

L’année 2018 était annoncée comme celle de la reprise. Cela s’est-il confirmé ?

Dès la fin 2018, nous avons ressenti un décrochage sur la construction des logements neufs, individuels et collectifs. Nous pensons que cela est lié à une série de mesures non renouvelées : zonages Pinel, prêts à taux zéro plus difficiles à avoir pour les primo-accédants, difficultés pour acquérir un logement en zone rurale, etc. Cela a freiné les commandes au niveau individuel et collectif. Les mises en chantier logements ont reculé de 6 à 7 % en novembre 2018 par rapport à janvier de la même année. Pour les réservations de logements collectifs, on nous annonce au quatrième trimestre 2018, un repli de 23 %. Les baisses de réservation des ventes à Bordeaux Métropole se sont chiffrées entre 35 % et 40 %. C’est ce qui entraîne la baisse générale, ce n’était pas le cas avant. Le seul secteur qui reste en croissance, c’est l’entretien-amélioration. On baisse, mais on est à 1 %.

Comment les professionnels du bâtiment vivent cette situation ?

On était confiant sur la période 2018-début 2020, mais on voit que dès que les règles économiques changent, cela a un impact sur le bâtiment. Il faut ajouter à cela. Le CITE, pour lequel les règles ont été modifiées en cours d’année. Il y a eu un phénomène de frein de la part du consommateur et comme certains décrets ne sont pas sortis, on reste dans l’incertitude. C’est très compliqué pour les artisans. Actuellement, je fais des devis, je ne sais pas quoi mettre au bas de mon devis pour le CITE. Le bâtiment souffre tout le temps des décisions ministérielles sur le logement, sur l’amélioration du logement, etc.

En Nouvelle-Aquitaine, 22 villes bénéficient de l’opération cœur de ville

Y a-t-il une activité qui maintient le secteur ?

Pour les constructions non résidentielles, là on est en progrès car après une baisse importante, on est dans un cycle électoral favorable : c’est la course à qui va couper son ruban. L’activité est intéressante au niveau des marchés publics, sauf en Creuse et en Dordogne. En non résidentiel, les locaux autorisés sont à + 10 % — on était en baisse continue depuis 2018 — et les locaux commencés ont progressé de 2 %.

On est encore sur une petite progression, on a fini la depuis 2017-2018 et on espère que jusqu’à fin 2019, ça va se maintenir. Et avec les élections, certains projets pourraient être gelés en raison d’un éventuel changement de majorité, il faudrait alors attendre trois ans avant que des projets ne redémarrent.

Les marchés publics compensent-ils la baisse de production de logements ?

Oui. On reste sur progression de 1,5 % en fin d’année. C’est une timide reprise, mais il y a de l’espoir. Des actions ont été lancées sur l’amélioration-entretien, mais aussi sur la dynamisation des centres villes : en Nouvelle-Aquitaine, nous avons 22 villes qui bénéficient de l’opération cœur de ville, dont plus de la moitié est en train de signer des projets. Cela pourrait combler une baisse d’activité fin 2019.

D’autres indicateurs positifs à noter ?

Nous comptons également sur Action Logement qui a mis 9 milliards sur la table pour le logement social. On peut s’attendre à un volume entre 25 et 30 milliards d’euros de travaux sur la France, ce qui pourrait nous faire une retombée de 3 milliards d’euros pour la région. Dans le social également, il va y avoir un effort sur la rénovation des logements pour les personnes en précarité et à mobilité réduite (rénovation de salle de bain…)

Avec cette activité à venir, vous êtes confiant sur 2019 pour maintenir la petite croissance de 2018 ?

On devrait avoir une progression deux fois moindre qu’en 2017 et un peu moins qu’en 2018 : la croissance va être sous la barre des 1 %. Ce n’est pas beaucoup, mais au moins, on maintient l’activité. On voit que les opérations démarrent. Si le ministre ne remet pas des aides au logement ou ne facilite pas l’accès au prêt à taux 0, ce sera difficile pour le secteur.

On a su employer 30 000 salariés de plus en 2018, si l’activité se maintient, il est possible qu’on réembauche autant, peut-être un peu moins. Avec une croissance inférieure à 1 %, ce ne sont que 5 000 à 10 000 salariés qui pourront être recrutés. Ce n’est pas beaucoup.

Recrutement

Justement, où en est-on en termes de recrutement ?

Durant les années de crise, on a perdu beaucoup de salariés dans tous les départements, sauf en Gironde, et malgré la croissance, nous n’avons pas retrouvé le nombre de salariés perdus. Pendant huit ans, les entreprises ont moins formé. Donc nous avons vu une baisse importante des effectifs dans nos CFA BTP : sur la formation initiale, on avait perdu 25 % des effectifs entre 2010 et 2016. En 2018, on sera à plus 10 %. L’apprentissage est relancé. On s’est aperçu que même en faible croissance, il fallait renouveler. Aujourd’hui, c’est dur de trouver la main-d’œuvre qualifiée. Il faut relancer l’apprentissage, ce que l’on fait depuis plus d’un an. Les chiffres 2019 devraient être bons.

Comment relancez-vous l’apprentissage ?

Nous avons des partenariats avec les CFA, des portes ouvertes, les coulisses du bâtiment pour montrer que le bâtiment a changé... En Nouvelle-Aquitaine, nous avons fait, il y a un mois, un partenariat avec l’Afpa : nous avons organisé une journée portes ouvertes afin que les chefs d’entreprise découvrent la formation pour adultes. Cela permet de trouver un emploi rapidement car l’Afpa forme en quelques mois.

Ce fonctionnement est-il nouveau dans le secteur du bâtiment ?

On prenait des stagiaires, mais on ne savait pas trop ce qu’il se passait à l’Afpa. En interne, on a formé les salariés et chefs d’entreprise, via l’IFRB, formation gérée par la FFB. On a également lancé, en lien avec Pôle emploi, la Direccte, l’Inspection du travail et la Préfecture, l’opération les 15 000 bâtisseurs pour employer en CDD, CDI ou en contrat de professionnalisation des jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville. En France, on est aujourd’hui à 8 500 jeunes intégrés en entreprise. Nous avons souhait de recruter des réfugiés et cela commence aussi dans certaines entreprises.

Santé des entreprises

Comment se porte la trésorerie des entreprises ?

Au niveau de la trésorerie régionale, c’est difficile. En période de croissance après une crise, il faut réinvestir, les délais de paiement clientèle peuvent s’allonger… Les délais de paiement se rallongent dans le privé et le public, malgré la signature des conventions. Certaines factures ne sont plus payées à 30 jours, mais à 90 jours. C’était encore le point noir à la fin 2018 pour tous les départements de la région.

Les prix ont-ils remonté ?

La croissance n’a pas été assez importante pour générer une augmentation les prix. Ils stagnent depuis la fin 2017. On essaie de les faire remonter, mais c’est difficile.

Pourtant, il y a davantage de marchés infructueux, cela signifie que les entreprises n’acceptent plus ce niveau de prix ?

Quand les entreprises ont leur carnet de commandes rempli, elles ne répondent plus forcément car elles savent que même le moins disant va être renégocié… Certains donneurs d’ordre, des offices HLM notamment, sont sur une liste noire. Les entreprises ne sont plus obligées de répondre à certains maîtres d’ouvrage.

Pour autant, cela ne fait pas levier sur la hausse des prix ?

On ne verra les effets que dans quelques mois. On est en progression que depuis un an et demi.

Travail détaché illégal

D’autres paramètres expliquent cette situation ?

Et le fléau du travail détaché illégal est encore présent. Cela s’étend même dans les zones rurales. Tant qu’il n’y aura pas plus de contrôles, on sacrifie un pan de l’économie. Et les contrôles ne ciblent pas assez les chantiers concernés, faute de moyens. Les intentions étaient bonnes, mais aujourd’hui, il faut aller sur le terrain voir les ouvriers qui travaillent la nuit, le week-end… Chez les particuliers, également.

Comment pouvez-vous agir sur ce phénomène ?

On alerte nos adhérents en leur expliquant les risques encourus. Les maîtres d’ouvrage ne sont pas assez sensibilisés et il n’y a pas assez d’affaires au sein des tribunaux. Le risque n’est pas assez important pour que cela s’arrête. Les outils existent, mais il manque de la volonté... Nous estimons qu’un ouvrier sur cinq est déclaré.

Pour 2019, attendez-vous des opérations ou marchés en particulier ?

A Bordeaux, nous avons des opérations comme Euratlantique. Malgré une baisse au niveau de la construction de logements, il y a encore beaucoup de projets d’infrastructures dans la Métropole : dans les 5 à 10 ans, La Gironde et Bordeaux Métropole en particulier ne souffrira pas. Il y aura toujours de l’activité. Ailleurs, nous avons des perspectives en matière de projets immobiliers sur les départements côtiers, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, surtout côté Pays basque. Mais le coût et la disponibilité du foncier restent compliqués.

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