Interview

«Nous prévoyons un recul de 3% des mises en chantier dans la construction française en 2018»

Selon Stéphane Colliac, économiste senior en charge de la France chez Euler Hermes, le secteur français de la construction est coincé entre la baisse de la demande et la hausse de ses coûts. Le nombre de défaillances d'entreprises a augmenté au second trimestre.

Réservé aux abonnés
Stéphane Colliac Euler Hermes
Stéphane Colliac, économiste senior en charge de la France chez Euler Hermes.

Vous publiez une étude prévoyant une baisse de l’activité dans la construction française cette année. A combien s’élèverait-elle et quelles en sont les causes ?

L’activité dans la construction française devrait entamer un repli, comme le laisse prévoir une baisse des mises en chantier que nous estimons à -3% en 2018 (après analyse des données INSEE), alors qu’elle s’affichait en croissance de 17,5% à la même période en 2017. Ce qui est en cause, c’est l’investissement des ménages dans la construction résidentielle, qui était à l’arrêt au premier semestre 2018. Cette situation produit déjà des conséquences : le nombre de défaillances dans le secteur a cru de +0,5% au second trimestre par rapport au même exercice l’an passé, une première depuis 11 trimestres. Dans le détail, nous avons relevé 11 500 défaillances (en cumuls 12 mois) à fin juin 2018 pour le secteur de la construction.

Une catégorie d’entreprises souffre plus particulièrement : celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 5 et 15 millions. Le nombre de défaillances, sur ce segment, a cru de 27%  à fin juin 2018, soit 84 défaillances.

"La progression des salaires est plus rapide que dans d'autres secteurs"

Faut-il redouter un « effet ciseau » ? 

La construction est prise entre le marteau et l’enclume. D’une part, donc, la demande des ménages diminue, en raison notamment des contraintes financières liées à l’impact de l’inflation sur leur pouvoir d’achat. D’autre part, le secteur voit ses capacités de production saturées et fait face à des difficultés de recrutement, qui expliquent en partie une accélération des coûts, avec une progression des salaires (+2% au 2e trimestre 2018, par rapport à 2017, selon nos études) plus rapide que dans les autres secteurs (+1,5%). En parallèle, les prix des matières premières, comme le pétrole, et de certains matériaux, augmentent. Ces hausses de coûts affectent la rentabilité des entreprises du secteur.

"Les mises en chantier devraient se replier de 1,5% en 2019"

Quelles sont les perspectives du secteur ?

La construction française a profité de la reprise enregistrée ces deux dernières années pour prendre davantage de risques, par exemple en accordant davantage de délais de paiement à ses clients, ce qui complique sa situation aujourd’hui. Le délai de paiement moyen octroyé par les entreprises du secteur à leurs clients a en effet cru de 7 jours en 2017, à 75 jours.

Cet  allongement n’a pas trop affecté la trésorerie des entreprises en 2017, car elles ont en parallèle profité d’une demande très forte qui leur a permis de réduire leurs stocks de moitié. Mais avec le ralentissement de la demande, la donne a changé : les entreprises du secteur se retrouvent fragilisées, et leur besoin en trésorerie augmente.

A quoi faut-il s’attendre pour 2019 ?

Euler Hermes anticipe que les mises en chantier devraient se replier de 1,5% l’an prochain. L’investissement des ménages, qui devrait continuer de stagner, en sera la cause principale.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !