Interview

« Nous devons rester vigilants et trouver l’agilité pour nous adapter à la crise », Bastien Taloc, MEL

A la Métropole européenne de Lille, la direction de la commande publique, conduite par Bastien Taloc, fait face aux conséquences de l'épidémie et du confinement. Elle réfléchit à une programmation des achats dédiée à la relance économique, travaille aux modalités de reprise des chantiers et à l'augmentation des avances aux titulaires de marchés, et revoit ses documents de consultation pour éviter au maximum les visites sur site. 

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Bastien Taloc, directeur de la commande publique de la Métropole européenne de Lille

Cette crise exceptionnelle bouleverse le quotidien des acheteurs publics. Comme cela se traduit-il à la Métropole européenne de Lille ?

Nous avons la chance et le privilège d’être dans une organisation qui a engagé une politique de refonte des dotations des agents pour s'adapter aux nouvelles méthodes de travail. Le télétravail, notamment, venait d’être généralisé, donc fort heureusement au moment de la crise nous étions équipés. Néanmoins, même si c’est un élément de confort, cela ne veut pas dire que nous sommes dans un exercice normal avec les mêmes priorités qu'avant la crise. La crise nous invite en effet à changer totalement de cadre de pensée et d’action.

Comment gérez-vous vos marchés en cours d’exécution et ceux en consultation ?

Pour les marchés en cours d’exécution, nous avons rapidement pris la décision – en concertation avec les services de la métropole – d’ajourner les chantiers sur l'espace public, à l’exception de ceux dont l'état d'avancement présentait des risques de sécurité. En tant que maître d’ouvrage en effet, il est important que nous ayons une politique lisible et facile à expliquer auprès des acteurs. Pour les autres marchés (fournitures et services), nous avons une approche au cas par cas. Nous travaillons actuellement aux modalités d’une reprise de ces chantiers, dans les conditions de sécurité que l’on doit attendre d’un maître d’ouvrage responsable.

Concernant les consultations en cours, nous avons reporté les dates limites de remise des offres d’une durée fixe d’un mois. Il nous paraissait préférable d’éviter un alignement des dates limites de remise des offres qui nous aurait obligé à faire face à un mur de procédures à gérer en même temps.

Comment anticipez-vous le lancement des prochaines consultations ?

Il n’y a pas de bonne règle générale  : nous allons déterminer la bonne durée de chaque consultation, et nous n’hésiterons pas à la moduler en fonction des difficultés à établir une offre propres à tel ou tel secteur économique. Par exemple, pour des prestations qui font appel à des bureaux d’études, nous pourrons considérer qu’il y a moins de difficultés pour produire une offre.

Parmi nos pistes de réflexion, figure l’idée de lancer des marchés dans le cadre d’une programmation des achats dédiée, répondant bien évidemment aux besoins de la métropole, mais en fixant des règles de priorisation tenant compte des conséquences de la crise. On pourrait ainsi, par exemple, privilégier des achats qui, au vu de leurs objets, font appel à des prestations moins capitalistiques, touchent des secteurs plus sinistrés par la crise et ont un effet de levier plus fort en terme d'emploi sur le territoire. Dans ce spectre-là, les travaux publics trouveraient naturellement toute leur place.

Allez-vous adapter vos documents de consultation des entreprises (DCE) comme l’autorise l’ordonnance Covid-19 ?

Nous avons une vigilance particulière pour tout ce qui concerne la remise d’échantillons et la visite de site car, en pratique, cela peut créer un obstacle à l’établissement d’une réponse. Nous essayons donc de doser avec discernement ce genre de demande. Il y a notamment un vrai enjeu concernant le renouvellement des marchés car il faut s’assurer qu’en supprimant une visite, on ne donne pas un avantage au candidat sortant. Nous réfléchissons aussi à d’autres formats, tels que les reportages vidéo.

Envisagez-vous d’augmenter le montant des avances versées aux entreprises, dans les proportions permises par l’ordonnance ?

Nous sommes effectivement en pleine réflexion sur le sujet. Il s’agit clairement d’une mesure pertinente de soutien économique aux entreprises dont la trésorerie est en difficulté. Aussi, conformément aux annonces de notre président, dans le cadre d’un plan de soutien économique, nous réfléchissons à une mise en place de l’augmentation des avances sur demande de nos titulaires de marchés, avec un effort tout particulier pour les PME. Nous sommes en train de nous organiser en vue de gérer la passation des avenants que cette mesure va impliquer.

L’ordonnance Covid-19 offre un cadre juridique plus souple qu’à l’accoutumée, pourtant vous semblez prendre beaucoup de précautions. Comment l’expliquez-vous ?

Il faut bien prendre conscience que cette ordonnance n’autorise pas des mesures générales, au nom de ce qui serait une présomption générale de force majeure, mais invite à se prononcer au cas par cas. Le droit offre des solutions adaptées mais nous devons rester vigilants et trouver l’agilité pour nous adapter à la crise. Dans ce contexte, pour aménager en particulier les conditions d’exécution de nos contrats, nos prestataires doivent être en mesure de fournir des explications circonstanciées motivées au regard du droit. L’objectif n’est pas de faire peur ou d’introduire une forme de défiance, mais de protéger l’ensemble des acteurs et de considérer les situations avec l’équité et l’objectivité indispensables.

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