Comment avez-vous abordé le confinement ?
L’épisode de grèves prolongées de décembre a permis de préparer toute les équipes, soit une centaine de personne au total, au télétravail. Chacun disposait donc d’un ordinateur portable, les connexions avaient été testées et les ingénieurs réseaux étaient prêts. Nous avons donc fermés nos bureaux parisiens du jour au lendemain mi-mars sans aucune difficulté. Notre organisation en différents pôles fonctionne pleinement et heureusement car les demandes sont nombreuses.
Que concernent ces nombreuses demandes ?
Nos clients, qui sont majoritairement des architectes, se montrent avant tout intéressés par ArchiCad et BIM Office. TeamWorks en particulier, qui permet sous ArchiCad de partager un projet à distance avec plusieurs personnes, rencontre un grand succès en cette période de confinement. Son intérêt : chacun ne transmet que les éléments qu’il a modifiés. Cela mobilise peu de bande passante et se traduit par un échange quasi instantané. Ces projets partagés entraînent une forte demande d’hébergement aussi bien pour les projets eux-mêmes que pour les bibliothèques d’objets attachées. Nous avons créé une offre ad hoc pour nos clients.
Que contient cette offre spécial confinement ?
Nous avons rassemblé diverses prestations sous la marque Abvent Cloud, dans laquelle les clients qui ont souscrit un contrat de service disposent à la fois d’un hébergement sur des serveurs distants, mais aussi d’une configuration spécifique pour interfacer les logiciels entre eux. L’offre se complète des services d’un ingénieur pour aider à la mise en place. Ce « pack » est mis à leur disposition gratuitement non seulement pendant la période de confinement mais aussi au-delà pendant toute la période pendant laquelle le télétravail sera nécessaire.
Vous proposez également des webinaires ?
En effet, il s’agit d’un projet sur lequel nous travaillions depuis 18 mois et que nous avons lancé mi-mars, une pure coïncidence d'agenda. Grâce à la plateforme Abvent Live, nous organisons des conférences en direct qui peuvent durer plusieurs heures entre la présentation de départ et les questions/réponses. Nous recensons aujourd’hui plus de 9300 nouveaux visiteurs sur une audience de quelques 12 000 participants après ce premier mois de lancement.
Comment travaillez-vous avec les revendeurs des logiciels que vous développez ?
Abvent ne vend pas en direct et nous savons que les revendeurs ne disposent pas toujours de la trésorerie nécessaire pour faire face à cette situation inédite. Nous les aidons à plusieurs niveaux. A court terme, nous leur transmettons ces prospects. A moyen terme, nous tentons d’apporter à nos partenaires des solutions d’aide personnalisées comme par exemple un doublement des délais de paiement pour ceux qui se trouvent en difficulté de trésorerie. Nous restons à l’écoute pour les aider au mieux en fonction de leurs difficultés.
Vous pouvez également aider les petites agences d’architecture ?
En effet, c’est un processus inhabituel, mais que notre holding AV Tech pratiquait déjà. Je suis bien architecte DPLG et toujours inscrit à l’Ordre. A ce titre, je me sens totalement concerné par les grandes mutations en cours dans la pratique de l’architecture. Cela peut se traduire par de multiples formes d’engagements de la co-traitance pour des opérations originales à l’entrée au capital de sociétés d’architecture innovantes.
Cela implique une solide assise financière ?
Abvent a clôturé un exercice 2019 sur de très bons résultats qui viennent consolider nos capacités structurelles. Un peu plus de 23 millions d’euros de CA et une rentabilité d’EBITDA a deux chiffres, nous avons également bénéficié de belles aventures industrielles renforçant nos fonds propres comme cette cession à Epic Enterprise de nos technologies d’immersion 3D, Twinmotion.
Dans cette dynamique, nous venons même de recruter une petite dizaine d’ingénieurs pour nos structures en Suisse, au Luxembourg et en France, malgré le confinement.
Comment préparez-vous la reprise ?
D’un point de vue strictement logistique, nous nous posons la question de continuer à télé-travailler pour tous. Nous sommes tous beaucoup plus efficaces et nous nous épargnons souvent de longs trajets de transport. En revanche, j’ai l’impression que c’est le contact physique qui manque aux équipes. Nous nous équipons actuellement de toute une série d’outils spécifiques comme des caméras thermiques, des boîtiers de stérilisation des objets, de colonnes de renouvellement stérile de l’air, des oxymètres, etc. Je me base sur ma douloureuse expérience puisque j’ai moi-même été victime du virus à la mi-mars, alors que je revenais d’un voyage aux Etats-Unis.
A plus long terme, comment envisagez-vous le monde d’après ?
Nous vivons une période inédite et révolutionnaire puisque la pandémie et le confinement qui en découle concernent la planète entière. Cette période me semble très positive et pleine de rêves. Tout de l’économie va être remis en cause, de la redistribution des revenus au partage des engagements sur l’avenir, et nous allons sans doute voir resurgir les meilleurs comme les pires côtés de l’humanité. Je suis personnellement affligé de la confusion absolue de nombre de discours dont nous abreuve l’information immédiate et universelle d’internet, de la faible distance de vue dont fait preuve une grande partie de la presse en panique ou de l’insoutenable légèreté opportuniste des critiques du lendemain matin.
