L’EPF Ile-de-France a adopté au printemps dernier son programme pluriannuel d’intervention 2021-2025, quels en sont les grands axes ?
Notre nouvelle feuille de route comporte tout d’abord des objectifs chiffrés, fixés par nos tutelles que sont l’Etat et la région Ile-de-France. Le volume des interventions foncières se stabilise à 500 millions d’euros par an dont 60 millions d’euros pour les copropriétés dégradées, ce qui correspond peu ou prou aux montants réalisés en 2019 et 2020. Quant aux cessions, elles devraient progresser de 300 millions d’euros en 2021 (contre 260 millions d’euros en 2020) à 400 millions d’euros en 2025. Ces 400 millions d’euros de terrains cédés généreront la construction de plus de 10 000 logements par an. Ceux-ci devraient se répartir entre 40 et 45 % de logements sociaux, 10 % à 15 % de logements intermédiaires, qui montent actuellement en régime avec l’arrivée des nouveaux investisseurs, et au moins 10 % d’accession sociale à la propriété avec la montée en puissance du bail réel solidaire (BRS). Globalement, sur la durée du nouveau PPI, l’activité de l’EPF Ile-de-France progressera de 35 % par rapport au précédent plan stratégique.
Le PPI intègre-t-il des nouveautés ?
Dans les cinq années à venir, nous allons affirmer notre capacité à être un levier de la transition écologique en Ile-de-France aux côtés des collectivités locales. Notre stratégie « A, B, C, D » se décline sur quatre axes - A pour artificialisation ; B pour biodiversité ; C pour carbone et D pour déchets - assortis chacun d’objectifs, et donc d’indicateurs.
« A l’horizon 2025, les artificialisations et les désartificialisations devront se compenser sur les fonciers que nous vendrons directement aux opérateurs »
Quels objectifs visez-vous plus précisément ?
A l’horizon 2025, les artificialisations et les désartificialisations devront se compenser sur les fonciers que nous vendrons directement aux opérateurs. En termes de biodiversité, les critères sont plus exigeants mais nous pourrions résumer notre ligne directrice en une phrase : « la densité urbaine doit s’accompagner d’une densité verte ». Pour le bilan carbone, notre objectif à horizon 2025 est d’atteindre l’équivalent du niveau carbone 2 du label E+C- et du niveau 3 du label biosourcé pour la majorité des logements générés par nos fonciers cédés. Cette ambition nécessite de renforcer notre accompagnement auprès des collectivités partenaires et notamment d’élaborer des cahiers des charges à la fois ambitieux et réalistes. Enfin, dans le domaine des déchets, nous ciblons 75 % de recyclage in situ.
Vous avez évoqué la contribution de l’Epfif à la construction de logements. Qu’en est-il des locaux d’activités ?
Sur ce sujet aussi, notre feuille de route est plus ambitieuse. Jusqu’alors, il s’agissait surtout d’accompagner des opérations mixtes. Désormais, dans la logique globale de relance, nous nous attacherons à constituer des réserves pour l’accueil de grands projets industriels, notamment dans le cadre du programme « Territoires d’industrie ». Nous travaillerons avec des partenaires, tels que la SEM patrimoniale « IDF Investissements et Territoires » récemment créée par la région Ile-de-France.
« Notre portefeuille d’activité est robuste parce que nous travaillons, par nature, avec des élus qui veulent bâtir ou sur des opérations d’intérêt national »
La situation actuelle dans le secteur du logement impacte-t-elle la mise en œuvre de ce nouveau PPI ?
Traditionnellement, le cycle municipal se traduisait par une diminution conjoncturelle des autorisations de construire puis par une forte reprise une fois le scrutin passé. En 2020, non seulement la baisse a commencé plus tôt mais elle s’est prolongée plus longtemps en raison du décalage des élections. Pour autant, notre portefeuille d’activité est robuste parce que nous travaillons, par nature, avec des élus qui veulent bâtir ou sur des opérations d’intérêt national pour le compte de l’Etat. En 2020, malgré la crise sanitaire et la coupure des élections municipales, nous avons exécuté notre budget à 100 %, en acquisitions comme en cessions, grâce à la forte mobilisation des équipes. Pour 2021, nous sommes en ligne avec la trajectoire définie par le PPI 2021-2025 et nous confirmerons lors du conseil d’administration de la fin novembre, les prévisions d’exécution budgétaire pour l’année.
Au-delà de notre propre performance, la mobilisation foncière au service de nouveaux projets est particulièrement utile au secteur du logement dans un contexte de ralentissement du nombre de permis de construire.
« Le droit de l’urbanisme est en train de passer dans les faits d’un droit de type latin à un droit de type anglo-saxon »
Comment l’expliquez-vous ?
Le droit de l’urbanisme est en train de passer dans les faits d’un droit de type latin à un droit de type anglo-saxon. Le premier se caractérise par un document opposable, le plan local d’urbanisme (PLU) avec des autorisations qui doivent être conformes, celles-ci pouvant éventuellement être contestées et tranchées par le juge administratif. Le droit de type anglo-saxon repose sur la négociation, principalement avec les riverains. Fondamentalement, la difficulté principale réside dans l’acceptabilité des projets. Il faut redonner « l’envie de ville » en parvenant à incarner un concept de « cité-jardin » contemporaine, à toutes les échelles. C’est pourquoi nous travaillons à la création de démonstrateurs de projets urbains en secteur diffus où nature et ville se marient harmonieusement.
Souvent, les projets réussissent à sortir mais avec un ou deux étages en moins. Qu’en pensez-vous ?
Les logements non construits par suppression d’un ou deux niveaux par rapport à ce qu’autorise le PLU sont perdus pour très longtemps, sinon pour toujours. On ne surélève qu’exceptionnellement des copropriétés anciennes.
« L’action autour des sites de transports en commun représente près de la moitié de l’activité de l’Epfif, soit plus d’un milliard d’euros d’ici à fin 2025 »
Sera-t-il plus facile de construire dans les quartiers de gares du Grand Paris ?
Les quartiers de gares sont évidemment les territoires de grands projets de demain. L’EPF Ile-de-France est déjà très présent aux abords des futures gares, soit directement, soit via sa filiale la Foncière publique. Nous avons créé ce véhicule avec la Banque des Territoires pour constituer des réserves foncières et en assurer le portage sur le long et le très long terme en jouant sur l’effet de levier de l’emprunt. Cela permet d’enrayer la spéculation qui souvent se produit des années à l’avance, tout en maintenant sur site des entreprises et des emplois. L’action autour des sites de transports en commun représente près de la moitié de l’activité de l’Epfif, soit plus d’un milliard d’euros d’ici à fin 2025.
Hormis ces grands territoires de projets, reste-t-il beaucoup de foncier disponible dans le tissu urbain constitué ?
Bien sûr, il reste encore du foncier disponible dans le secteur diffus même s’il est de plus en plus complexe à mobiliser ; c’est que l’on pourrait appeler du « foncier d’occasion » car ayant déjà servi : dents creuses, petites friches et surtout les nouvelles opportunités foncières créées par la transformation de nos modes de vie.
L’enjeu des politiques publiques sur ces sites diffus, au-delà de leur mobilisation, est d’y développer des programmes véritablement inclusifs, mixant les différentes catégories de logement, des espaces verts et des locaux en pied d’immeubles participant à l’animation de la vie urbaine. C’est cela qui rend la ville dense durablement habitable et désirable et qui demande désormais, une coconstruction des projets associant toutes les parties prenantes dès l’amont.
« Nous allons nous renforcer sur les opérations de transformation de bureaux en logements »
Sur quel type de friches l’Epfif opère-t-il ?
En Ile-de-France, les friches industrielles ont déjà été largement recyclées. Aujourd’hui, le principal gisement est celui des friches publiques, friches hospitalières ou friches universitaires avec le départ des grandes écoles sur le Plateau de Saclay. Il existe aussi désormais le gisement des friches tertiaires. C’est pourquoi, nous allons également nous renforcer sur les opérations de transformation de bureaux en logements. Si nous avons déjà mené seul des expériences en la matière, comme celle de la rue de Londres où nous avons mixé des bureaux et des logements sociaux, nous voyons que de nouveaux acteurs qui sont des partenaires potentiels pour démultiplier notre action, commencent à se positionner sur ce créneau comme Action Logement qui a créé une filiale dédiée. Les « Fonds Friches » représentent dans ce contexte une vraie avancée pour débloquer les projets. L’Epfif s’appuie déjà sur ce dispositif et espère sa pérennisation.
L’Epfif signe depuis peu des conventions stratégiques. De quoi s’agit-il précisément ?
Ces conventions conclues avec les intercommunalités – une vingtaine déjà a été signée - visent à accompagner les réflexions stratégiques autour du foncier, ce qui pourra alimenter les documents d’urbanisme et des plans locaux de l’habitat et à nourrir les travaux sur les cœurs de ville et les opérations de revitalisation des territoires ou encore sur le devenir des zones d’activités économiques. Dans ce cadre, nous apportons notre expertise et nous cofinançons des études. Ces conventions stratégiques peuvent ensuite déboucher sur des conventions plus opérationnelles conclues cette fois au niveau des communes.
L’actualité de l’EPF Ile-de-France concerne l’opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national (Orcod-IN) du Parc de la Noue à Villepinte (Seine-Saint-Denis). Quel est l’état d’avancement des trois autres Orcod-IN pilotées par l’Epfif ?
Dans le quartier du Bas-Clichy, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), l’opération est entrée en phase opérationnelle, avec Grand Paris Aménagement comme aménageur, et les premières constructions sont lancées. A Grigny (Essonne), l’action foncière anticipatrice est très engagée avec déjà 600 logements maîtrisés, et la validation du projet urbain va intervenir rapidement. Enfin, sur le quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines), l’Orcod-IN, qui est certes de moindre taille que les deux précédentes, n’en est pas moins complexe car elle s’insère dans une autre opération d’intérêt national pilotée par l’Epamsa, et l’enjeu sur l’habitat s’y double d’un enjeu majeur sur le commerce. Au-delà de ces opérations d’intérêt national, l’EPF Ile-de-France intervient également sur le logement indigne à travers deux filiales.
« L’Epfif est devenu un groupe proposant des interventions diversifiées et complémentaires ne se limitant pas à l’action foncière traditionnelle »
Quelles sont ces filiales dédiées à la lutte contre le logement indigne ?
La première, la Sifae, créée avec Action Logement, a vocation à lutter contre les divisions pavillonnaires par les marchands de sommeil. Il s’agit d’anticiper le phénomène pour remettre ces pavillons sur le « bon » marché, notamment celui de la primo-accession à la propriété. L’autre filiale, l’Actions Copropriétés Ile-de-France (Acif), en cours de montage avec CDC Habitat, agira sur les copropriétés dégradées à redresser sans être pour autant classées d’intérêt national, c’est-à-dire notamment celles de rang 2 du Plan Initiatives Copropriétés. L’Acif achètera des lots et les conservera le temps que la copropriété se redresse. Nous comptons la créer d’ici à la fin de l’année.
Avec ses trois filiales, en comptant la Foncière publique, l’Epfif est devenu un groupe proposant des interventions diversifiées et complémentaires ne se limitant pas à l’action foncière traditionnelle. Notre feuille de route pour les cinq prochaines années est donc ambitieuse et sollicite en permanence la réactivité des équipes et leur capacité d’adaptation et d’innovation.