A l'origine d'une ville, il y a toujours le premier édifice, la première rue. Sur les 13,5 ha de l'ancienne caserne Mellinet, à Nantes (Loire-Atlantique), quelques voies ont déjà été ouvertes et, depuis 2020, les premiers habitants se sont installés dans les logements conçus par les agences d'architecture Bourbouze & Graindorge, Babled et Tact Architectes. Avec 51 logements en accession abordable livrés l'an dernier, cette dernière agence a façonné la rue Gabrielle-Le Pan-de-Ligny, qui permet de pénétrer dans le premier îlot de ce morceau de ville en devenir.
Ainsi, 15 maisons s'alignent face à un collectif de 36 logements, tous réalisés pour la coopérative La Maison familiale de Loire-Atlantique (MFLA). Le fait que des bâtiments en R + 2 et R + 4 soient cantonnés de part et d'autre de la rue est une conséquence du projet urbain. Etabli par TGTFP et L'Atelier Georges pour Nantes Métropole Aménagement, celui-ci repose sur l'idée d'une densité graduelle. Bâties au pied du mur d'enceinte de la caserne, toujours debout, des maisons assurent la transition avec les vieilles demeures familiales alentour. Et les constructions neuves s'élèvent de plus en plus à mesure qu'elles se rapprochent du centre de l'ancienne emprise militaire.

« Vernaculaire contemporain ». Avec cette opération baptisée Owen, en hommage au Britannique Robert Owen (1771-1858), un fondateur du mouvement coopératif, Tact devait par ailleurs modeler une centaine de mètres de linéaire de façade, sans tomber dans la répétition. « Nous souhaitions créer à la fois de la sobriété et de la richesse. Ce qui fait la ville, ce sont les surprises qu'elle réserve, explique l'une des associés de l'agence, l'architecte Maëlle Tessier. Notre projet est composite et nous n'avons pas peur de parler de vernaculaire contemporain. » Les logements alternent avancées et retraits tout en jouant sur les différences de hauteur. La mise en œuvre de brique et d'enduit, qui évoquent les anciens bâtiments de casernement, dessine les accidents qui rythment la rue. La brique de béton se fait clôture, s'élève au sommet d'un local à vélos, redevient muret avant d'envelopper tout un pignon ou une maison entière. Le matériau est massif et constitutif des éléments les plus bas, y compris des appentis, mais en façade du collectif ou des maisons, une brique de parement recouvre une structure en béton.
Le résultat est soigné. « Les architectes de Tact sont soucieux des finitions. Les portillons sont élégants, et les jardins des maisons sont séparés non pas par du grillage, mais par des murs », atteste François Deney, responsable des projets immobiliers chez MFLA. Le maître d'ouvrage souligne cependant la difficulté d'atteindre l'équilibre financier pour de tels logements abordables, « dont le prix de vente est plafonné à environ 2 600 €/m² Shab, quand le coût de travaux est de 1 870 €/m² Shab. »
Larges ouvertures. Voilà pourquoi les prestations intérieures des logements vont à l'essentiel : murs blancs, escaliers simples… Ces choix ne se font toutefois jamais au détriment de la qualité spatiale. Les volumes des logements sont confortables, avec des pièces à vivre en double hauteur dans les maisons et des hauteurs sous plafond variant de 2,60 à 3 m dans le collectif. Les espaces de plein air sont appréciables, qu'il s'agisse des jardins des maisons et des appartements au rez-de-chaussée du collectif ou, dans les étages de celui-ci, des loggias privatives et des coursives largement appropriables. La limite entre l'intérieur et l'extérieur, enfin, offre des ouvertures exceptionnelles. Les baies vitrées mesurent 2,40 m de haut. Rien de moins.