Les services express régionaux métropolitains (Serm) ne dévient pas d'un pouce de leur trajectoire législative. Dans la foulée de l'Assemblée nationale qui avait approuvé le 16 juin la proposition de loi visant à les développer et portée par le député Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable, la chambre haute s'est prononcée dans le même sens le 23 octobre. Les sénateurs ont confirmé l'optimisme affiché une semaine plus tôt par Philippe Tabarot, rapporteur de la proposition. « Peu de sujets nous réunissent autant que les transports », avait affirmé l'élu (LR) des Alpes-Maritimes, pour introduire son intervention au colloque sur les Serm auquel l'avait convié son homologue écologiste alsacien Jacques Fernique.
Offre complète. Le « S » de service, à la place du « R » de réseau, a joué son rôle dans la maturation du consensus trans-par tisan, après que le président de la République a posé le sujet parmi les priorités de son second mandat, dans une vidéo postée sur Youtube, le 27 novembre 2022. Alors que le RER francilien désigne exclusivement des lignes ferroviaires, ses équivalents provinciaux se définissent comme des systèmes de mobilité multimodaux à faible impact carbone. Les sénateurs ont d'ailleurs insisté sur la systématisation d'une offre de transport public routier, en complément du socle ferroviaire, du covoiturage et des modes doux et actifs.
A la convergence des modes, le texte ajoute la coordination de deux opérateurs clés autour d'un partage des tâches clair : la modernisation de l'existant pour SNCF Réseau et les infra structures neuves pour la Société du Grand Paris, rebaptisée Société des grands projets (SGP). Tous deux veulent jouer le jeu, chacun dans son registre. « Avant l'infrastructure, la robustesse de l'exploitation constitue notre priorité », affirme Thomas Allary, directeur du programme Serm à SNCF Réseau, instruit par le démarrage chaotique du Réseau express métropolitain et européen (Reme) de Strasbourg (Bas-Rhin), en décembre 2022, avec nombre de trains en retard ou supprimés. « Notre expérience constitue un bien public à la disposition des territoires », proclame, quant à elle, Anne-Céline Imbaud-de Trogoff, directrice exécutive du développement des transports territoriaux de la SGP, déjà présente dans les études des RER des Hauts-de-France et du Grand Est : Lille, Bâle-Mulhouse, Metz-Luxembourg et Strasbourg.
« Sortir du XIXe siècle ». Pour résumer la portée historique de l'élan national relayé par les opérateurs, nul ne s'exprime mieux que Denis Valence, président du Conseil d'orientation des infra structures : « Les Serm peuvent nous sortir du XIXe siècle, quand l'intensité ferroviaire s'est concentrée sur Paris. La démographie tirée par les métropoles régionales a besoin d'une traduction dans la carte du rail. » Pourtant, l'ancien vice-président de la région Grand Est et ex-maire de Saint-Dié (Vosges) n'ignore rien des obstacles à surmonter sur le plan de la gouvernance territoriale. Là où les députés identifiaient un leadership incarné par les tandems région-métropole, les sénateurs ont voulu consolider le dispositif par deux précisions majeures : la réaffirmation de la prééminence des régions, porteuses de la majorité des investissements et de la totalité du fonctionnement ferroviaires ainsi que l'entrée des départements et des strates petites et moyennes du bloc local. Outre la réponse aux préoccupations des arrière-pays ruraux des métropoles, cette disposition donne leur chance aux candidatures qui ont émergé ces derniers mois : autour de bassins de mobilité densément peuplés, des agglomérations moyennes veulent élargir le cercle des Serm, circonscrit à 13 membres dans les dernières déclarations d'Emmanuel Macron (voir carte ci-contre) . Nul doute que ce débat rebondira devant la commission mixte paritaire qui conclura le parcours de la proposition de loi.
Plaie financière. Mais l'apport le plus lourd de la chambre haute a consisté à remuer le fer dans la plaie financière, face à une facture évaluée à 15 Mds € pour 10 Serm dans les dix ans : par un contournement habile de l'article 40 de la Constitution qui interdit à une proposition de loi d'entraîner de nouvelles dépenses budgétaires, les sénateurs ont approuvé le principe d'une conférence nationale à réunir avant le 30 juin 2024. Au vu de l'actuel projet de loi de finances, les consensus de principe se brisent : « Rien pour 2024, et 765 M€ sur cinq ans, dans le cadre des contrats de plan en cours de négociation », tacle la députée écologiste de Haute-Garonne Christine Arrighi. « Il manque un zéro », abonde le sénateur centriste du Nord Franck Dhersin. Ancien directeur des relations institutionnelles du groupe Vinci, l'élu n'hésite pas à lorgner les poches des concessionnaires autoroutiers.
Vice-président de l'Eurométropole de Strasbourg chargé des mobilités, Alain Jund supplie les parlementaires : « Contrairement à l'Ile-de-France, nous ne disposons pas de l'arme fatale des Jeux olympiques pour obtenir un déplafonnement du versement mobilité. Je les invite à avancer sur ce point », plaide l'élu écologiste. Faute de traçabilité, le sort des 100 Mds € promis au ferroviaire ne rassure guère. La conférence souhaitée par les sénateurs ne s'annonce pas comme une partie de plaisir pour le gouvernement.
« Le Sénat améliore la gouvernance des projets », Philippe Tabarot, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, rapporteur de la proposition de loi Serm au Sénat
« La proposition de loi apporte un message positif à de nombreux égards : désenclavement de territoires mal desservis, décongestion des métropoles, décarbonation des mobilités, pouvoir d'achat et santé publique. Sortant du rapport sur les zones à faibles émissions (ZFE), je ne peux que souligner le rôle déterminant du choc d'offre que pourront apporter les Serm. Pour le faciliter, le Sénat a cherché à poser les jalons d'une meilleure gouvernance. L'implication de toutes les collectivités doit garantir une démarche ascendante, sans remettre en cause le rôle majeur des régions. Malgré l'article 40 de la Constitution qui interdit de prévoir de nouvelles dépenses budgétaires, la proposition de loi ne peut pas passer sous silence la question du financement. »
« Les Serm ne négligent aucun mode », Jean-Marc Zulesi, député (Renaissance) des Bouches-du-Rhône, rapporteur de la proposition de loi Serm à l'Assemblée nationale
« La proposition de loi vise d'abord à définir les services express régionaux métropolitains. Autour de l'ossature ferroviaire, ils ne négligent aucune solution de mobilité décarbonée. Une labellisation certifiera la conformité des projets portés par les régions et les métropoles à cette définition avec, je l'espère, des financements à la clé. Un second objectif vise à pouvoir s'appuyer sur l'expertise technique et financière de la Société du Grand Paris, appelée à sortir de son cadre parisien pour devenir la Société des Grands Projets. Sa coopération avec SNCF Réseau permettra de rouvrir des lignes abandonnées ou d'en créer de nouvelles. Enfin, nous avons voulu accélérer les projets à travers des mesures de simplification des procédures. »