Avant même son expression statistique – 10 % du marché automobile, soit une augmentation de 41 % en 2021 - la transition vers l’électromobilité constitue une réalité vécue pour Guillaume Herent, directeur général délégué d'APRR la filiale concessionnaire d'autoroutes du groupe Eiffage : il fait partie du réseau d’observateurs postés sur les aires de service, lors des migrations estivales. « On ne sent que ce qu’on touche », expose le converti à la voiture électrique, depuis déjà cinq ans.
Dans la peau des usagers
La connaissance intime des usages transpire de son témoignage : « Les premiers utilisateurs se sont senti investis d’une mission de partage d’expérience, pour contribuer à l’amélioration du système », témoigne Guillaume Herent. Les salariés d’APRR ont très tôt rejoint la communauté des pionniers, grâce la flotte électrique de l’entreprise déterminée à relever le défi de la décarbonation, face à la concurrence de modes réputés plus propres.
Après l’installation des premières bornes sur un mode expérimental en 2014, APRR s’est familiarisé avec l’électromobilité lors de voyages d’études aux Pays-Bas, trois ans plus tard. L’accélération de l’équipement de ses aires résulte de procédures engagées depuis deux ans.
Procédures sous contrôle
Ce délai incompressible résulte de plusieurs facteurs : les règles de consultation applicables au domaine autoroutier, propriété de l’Etat ; les procédures de permis de construire nécessités par les auvents, de plus en plus nombreux ; et enfin des travaux de raccordement au réseau électrique qui s’ajoutent à l’équipement des stations.

Les auvents signent l'irruption récente du néerlandais Fastnet dans le réseau APRR.
Le programme combine deux approches : aux pétroliers sous concession qui enrichissent leur offre d’énergie, s’ajoutent les lauréats des appels d’offres lancés par APRR. Cette deuxième voie concerne 42 % de son réseau de recharge électrique.
Nouveaux acteurs
« La fiabilité et la maintenance viennent en tête des critères. Nous regardons aussi le nombre et la puissance des bornes, la compatibilité avec tous les véhicules et la modération tarifaire, selon une procédure validée par le ministère des Transports et contrôlée par l’autorité de régulation », détaille Guillaume Herent avant de résumer l’objectif : « Un bon maillage et un bon équipement dans chaque station ».
Les chantiers mettent en scène de nouveaux acteurs : émanation d’un consortium de constructeurs automobile et leader des bornes de très haute puissance en France, Ionity équipe 26 stations exploités par des pétroliers sous concession. Plus récemment, le néerlandais Fastned a fait une entrée remarquée dans le réseau d’APRR, avec ses auvents qui couvrent souvent près de 1000 m2. L’exécution des travaux offre une place privilégiée aux grands groupes dont Spie, Eiffage et Vinci, sans exclure les PME locales.
Nouvelle ère pour les aires
Le concessionnaire travaille désormais sur les coups d’après : les clauses contractuelles contraignent les exploitants à aligner le nombre de bornes sur le taux d’occupation. Mais au-delà de la recharge, la transition électrique va bouleverser le design des aires. « Avec 30 à 40 bornes vers 2030, toute leur géométrie va se transformer au fur et à mesure du renouvellement des contrats, à partir de 2026 », prophétise Guillaume Herent.

Sur l'autoroute du soleil, l'aire de Lochères préfigure la métamorphose du service autoroutier occasionnée par l'électromobilité.
En cours de discussion avec l’Etat, les futurs cahiers des charges entraîneront des chantiers de terrassement, de dépollution, de voiries et de réseaux, d’installations de déshuileurs... Des revêtements perméables et végétaux couvriront les parkings les moins utilisés.
Sans aller jusqu’à planifier l’insertion des recharges dans les chaussées, APRR participe aux réflexions sur l’intégration entre électromobilité et route intelligente, avec une question en ligne de mire : comment accueillir les véhicules autonomes sur les autoroutes ?