Mixité et diversité : le remède des architectes au mal-être des banlieues

Réinventer la rue, imaginer des espaces collectifs de qualité, agrandir les logements et réparer les bâtiments obsolètes, sont les intentions des architectes qui construisent du logement social, pour faire vivre et améliorer les grands ensembles isolés des banlieues.

Pour mettre fin aux ghettos invivables, la démolition des barres et des tours (200.000 logements doivent disparaître en cinq ans en France) n'est pas pour ces architectes la panacée. Ils estiment plus judicieux d'améliorer l'existant et d'inventer d'autres façons de construire pour retrouver une mixité sociale.

"Penser que tout est pourri dans les cités, que tout va mal, que les gens veulent juste en foutre le camp, c'est un point de vue parisien", assène Edith Girard, une architecte très engagée dans la construction de logements sociaux dans la banlieue parisienne.

"Avant de détruire, il faut réparer, entretenir, recomposer les liens possibles avec l'environnement immédiat. Il y a des bâtiments qu'il faut bien sûr démolir mais de façon chirurgicale et utiliser l'espace ouvert de ces quartiers pour y créer des espaces de convivialité, jardins partagés, cours, patios", préconise-t-elle.

Les structures constructives du gros oeuvres (planchers, murs porteurs), qui représentent 30 à 35% des coûts de construction d'un bâtiment, ne sont généralement pas trop dégradées, insiste Anne Lacaton, une jeune architecte qui a réalisé une étude sur les grands ensembles.

"Pourquoi détruire pour reconstruire alors que l'on peut améliorer ce qui est très dégradé: escaliers, ascenseurs, les espaces extérieurs souvent abandonnés", ajoute l'architecte, laissant des ressources pour les équipements et l'agrandissement des logements (avec trois on en fait deux).

La banlieue a un potentiel énorme pour "faire des lofts ou des grands logements", estime Jean-Philippe Pargade, architecte-conseil auprès du ministère de l'Equipement, pour lequel la "démolition systématique et la reconstruction de maisons individuelles donnent bonne conscience aux offices de HLM".

Pour Alain Sarfati, qui a construit des milliers de logements sociaux en France reconnus pour leurs qualités, "il n'y a pas de réponse unique". En revanche tous les grands ensembles souffrent de leur isolement. L'urgence c'est de les reconnecter par un réseau de transports et de communication.

Pour tous, l'objectif est de réinventer la rue, symbole de la convivialité des villes anciennes, remplacée par des parkings et des voitures, et d'imaginer des logements plus grands pour des coûts identiques.

Par le passé, "on a construit des boites pour entasser les hommes en oubliant le dehors, espace public commun totalement nié, qui est devenu un épandage de bitume, et on a rendu les gens fous", résume Henri Gaudin (stade Charléty, Musée Guimet), accusant les architectes de sa génération de s'être peu soucié de l'environnement de leurs bâtiments.

Aujourd'hui, les jeunes architectes posent leurs conditions. Anne Lacaton et son associé Jean-Philippe Vassal ont participé à l'expérience de construction de la "Cité manifeste" de Mulhouse inaugurée l'été dernier, où les bailleurs publics avaient donné carte blanche à des architectes de talent. Ils ont réalisé de grands appartements à terrasses de 150 M2 pour 75.000 euros, en exigeant que le loyer reste modéré (HLM) et ne soit pas fonction du nombre de mètres carrés.

Béatrice BRETONNIERE (AFP)

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