Metz : un chantier pilote pour le ravalement des façades en béton

Classée monument historique en 1998, l'église Sainte-Thérèse de Metz présente de graves dégradations sur l'ensemble de ses façades. Engagée en juin, la première tranche du chantier de réhabilitation aura valeur de test pour l'ensemble des monuments en béton.

Trente-cinq ans après son inauguration, l'église Sainte-Thérèse de Metz - surnommée « Notre dame du béton » par les riverains - fait grise mine : le béton se faïence, les enduits se fissurent et se décollent, les armatures rouillées font éclater les parements... Commencée en 1938 sous la direction de Roger-Henri Expert, grand prix de Rome et futur membre de l'académie des Beaux-Arts, le monument affichait pourtant de grandes ambitions : « demander aux matériaux modernes ce que la pierre seule refusait de leur donner ».

Lorsque la Seconde guerre mondiale interrompt le chantier, la partie basse des chapelles absidiales coulée dans un mélange de béton et de poudre de pierre de Jaumont se monte à six mètres. Les pieds des piles en béton présentent des fers en attente saillant sur plusieurs mètres. Les travaux ne reprendront qu'en 1950, avec les maigres moyens de l'après-guerre. L'église est inaugurée en 1951, mais la façade principale, les porches latéraux et le haut-mât ne sont achevés qu'en 1963.

Un kaléidoscope de béton

La construction fractionnée avec des matériaux hétéroclites débouche aujourd'hui sur un casse-tête technique. La partie basse des chapelles absidiales, coulées les premières en béton teinté de jaune, a par la suite été repeinte en gris. Les parties supérieures, terminées en béton ordinaire, ont été repeintes de la même couleur. Les parties pleines des bas-côtés et le relief de la nef ont été enduits, talochés et peints ; les nervures de la façade inclinées de la nef sont enduites, entoilées et peintes en gris bleuté ; les deux travées des façades inclinées, au droit du porche et de la tribune, présentent un enduit de couleur naturelle calepiné en panneaux par des joints en creux. La façade avant et l'intérieur du porche sont enduits et présentent une couleur plus grise. Le temps a empiré cette catastrophe esthétique.

Sous la peinture écaillée, le béton coloré présente de profondes fissures entraînant des éclatements de 4 à 6 cm d'épaisseur. Sur l'ensemble de l'édifice, les enduits se sont effrités le long des armatures métalliques. En 1994, la chute de fragments sur la voie publique a confirmé l'urgence des travaux.

Le service départemental de l'architecture et du patrimoine, le laboratoire des monuments historiques, le Laboratoire d'études et de recherche sur les matériaux (le Lerm, implanté à Arles), le cabinet d'architectes messin Jean-Louis Jolin, le bureau d'étude de Montigny-les-Metz Sécalor puis l'entreprise régionale Chanzy Pardoux, filiale de Sogéa ont engagé voici deux ans une coopération constante qui débouche, après trois mois de préparatifs, sur le ravalement de la façade nord, du parvis et des deux travées latérales.

L'étude diagnostic des mortiers et bétons de l'édifice menée par le Lerm indiquent la présence d'ettringite, minéral gonflant qui provoque une cristallisation entre le béton et l'enduit, puis le décollement de l'enduit. « Cette réaction chimique entre le sulfate et les aluminates du ciment et de la chaux provient probablement de la pollution atmosphérique qui s'est fixée sur l'édifice entre la fin de la construction et l'exécution du revêtement », estime Bernard Quénée, directeur de développement au Lerm.

Assainir et protéger

En 1998, les travaux préparatoires menés par la société arlésienne Acrobat ont consisté à piquer et bûcher les enduits qui menaçaient de tomber. De juin à octobre prochain, Chanzy Pardoux mobilisera une dizaine d'ouvriers pour éliminer l'ensemble des enduits, décaper le béton au marteau électrique sur 20 mm minimum sur une surface de 1 300 m2 de façade et dégager les armatures métalliques.

Pour restaurer l'édifice, le bureau d'études Sécalor a choisi des produits Effiscience prédosés en fonction des analyses effectuées par carottage. Les armatures seront ainsi couvertes d'une solution minéralisante enrichie d'un inhibiteur de corrosion migrant présentant une faible teneur en aluminate. Les matériaux éliminés seront reconstitués à partir de béton enrichi de fibres de polypropylène, plus dense que le mortier ordinaire, projeté à haute pression. Les parois reconstituées seront enduites d'une barbotine de béton fibreux constituant une couche d'accrochage pour l'enduit de finition. « Les différentes étapes de la construction et les restaurations successives rendent illisibles les intentions initiales de l'architecte », regrette Jean-Louis Jolin.

La restauration des vitraux-claustrats de Nicolas Untersteller, enchâssés dans les façades de la nef, constitueront le prochain défi de la restauration de Sainte-Thérèse menée par Michel Goutal, architecte en chef des monuments historiques. Dans un premier temps, le chantier des ravalements de façades présente une valeur de test pour l'ensemble des églises mosellanes en béton.

FICHE TECHNIQUE

Maîtrise d'ouvrage : conseil de fabrique de l'église Sainte-Thérèse.

Architecte : Jean-Louis Jolin.

Expertise : Laboratoire d'études et de recherches sur les matériaux (Lerm) mandaté par le Laboratoire de recherche des monuments historiques de Champs-sur-Marne (Lrmh).

Bureau d'études : Sécalor.

Entreprise : Chanzy-Pardoux.

Montant des travaux : 2,4 millions de francs pour la première tranche.

Calendrier : juin-octobre 1999.

PHOTOS : L'église Sainte-Thérèse de Metz fait grise mine : le béton se faïence, les enduits se fissurent et se décollent, les armatures rouillées font éclater les parements.

L'étude diagnostic des mortiers et bétons, menée par le Lerm, indiquent la présence d'ettringite, minéral gonflant, qui provoque le décollement de l'enduit.

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