Bien sûr, un data center, c'est d'abord une coque, solide, en béton et en métal. Et les constructeurs s'attendent à en réaliser beaucoup dans les années à venir. Selon le dernier rapport d'EY pour France Data Center, le marché va croître de 11 % par an au cours de la prochaine décennie. « Les centres de données nous intéressent pour toute la partie enveloppe, construction du bâti, confirme Kader Guettou, directeur général de GA Smart Building. Ce sont des ouvrages en béton assez lourds, assez importants, avec de la charge et de la portée ». L'entreprise enregistre déjà de belles références en la matière pour de la logistique urbaine à étages ce qui, aux yeux du dirigeant, n'est « pas très loin de ce que réclament les data centers ».
Lots techniques. Mais sur ce marché en pleine expansion, ce sont les entreprises spécialisées en génie électrique et climatique qui devraient se tailler la part du lion. « Si vous enlevez les murs et les serveurs d'un centre de données, vous retrouvez, étalées sur la chaîne technologique, toutes les spécialités liées à l'infra structure électrique, l'alimentation sécurisée en énergie et les systèmes de refroidissement. Ces postes-là représentent 40 à 60 % du coût de construction », confirme Joël Vormus, délégué data centers du Gimelec, syndicat professionnel des industriels de la filière électronumérique.
Du côté des majors du BTP, les branches énergie et systèmes se mobilisent donc autour des cinq grandes thématiques que requièrent ces chantiers : distribution de puissance, refroidissement (pour évacuer les calories des serveurs), sécurité incendie, sûreté (contrôle d'accès, vidéosurveillance, détection d'intrusions) et supervision. Un groupe comme Bouygues, à travers Equans, peut ainsi s'appuyer sur 150 à 200 spécialistes pour la direction de projet, ainsi que sur l'expertise, au sein de ses agences, en ingénierie de détail, études d'exécution et réalisation des installations sur ces cinq domaines. Cela représente au total 1 200 personnes en France et en Europe.
Et alors que, toujours selon l'étude France Data Center, la filière prévoit d'investir 12 Mds € d'ici 2033 pour atteindre une capacité de 1,8 GW, il est indispensable d'accélérer les recrutements. Equans accompagne ainsi des formations spécialisées (BTS, DUT) et propose des politiques d'alternance pour être capable d'intégrer rapidement des compagnons avec une solide connaissance métiers.
« L'apport de l'architecte ne se résume pas à choisir la couleur du bardage », Brice Piechaczyk, architecte-ingénieur, associé cofondateur de l’agence Enia
« Pourquoi construire les data centers à l'horizontale ? En 2007, nous avons imaginé, réalisé - et breveté - un data center vertical, capable d'utiliser la convection naturelle pour son rafraîchissement, ce qui nécessite moins de foncier et surtout moins d'énergie. Les compétences de l'architecte sont mobilisées ici pour inventer des configurations spatiales dédiées à un process technique et en limiter l'impact.
Nous avons également un rôle à jouer dans l'agencement intérieur de tels équipements, et donc sur l'économie de matière. La compacité de l'édifice limitera le linéaire de tubes, de chemins de câbles, etc.
nécessaires à son bon fonctionnement. Autre dimension à intégrer : la mutabilité dans le temps des bâtiments. Tous nos projets sont conçus pour vivre une seconde vie, démontés ou transformés : structure poteaux-poutres, remplissages légers, hauteurs d'étage calibrées pour une mutation éventuelle vers la logistique, le stockage, des bureaux, voire du logement. Et, là encore, cette approche est bel et bien un sujet d'architecture.
Enfin, peut-on inventer un nouveau modèle pour ces infrastructures informatiques ? Nous avons, par exemple, développé et mis en œuvre, dans le Saumurois, avec la région Pays de la Loire, un concept modulaire autour d'unités préfabriquées disposées dans d'anciennes champignonnières ou carrières, comme il en existe partout en France. Elles offrent des conditions idéales, qui permettent à la fois de protéger et de rafraîchir naturellement les installations. »