Si la plupart des professionnels du secteur adhèrent à cet objectif, il est loin d'être atteint. « Sur les 8,4 millions de fenêtres qui sont déposées chaque année en France dans le cadre de chantiers de démolition ou de rénovation énergétique, très peu sont aujourd'hui recyclées », témoigne Ludivine Menez, déléguée technique de l'Union des fabricants de menuiseries (UFME). Rares sont celles qui, une fois démontées, sont démantelées, leurs constituants séparés et envoyés dans les filières adaptées. Beaucoup se retrouvent mélangées à d'autres déchets, ce qui altère leur potentiel de valorisation. En outre, dans les déchetteries et les plates-formes de regroupement, le travail se fait en flux tendu, ce qui complique le tri et le stockage de matière en attendant sa reprise par des transformateurs. Résultat : beaucoup de fenêtres finissent en centres d'enfouissement.
Un constat d'autant plus difficile à entendre que des filières de valorisation existent pour la plupart des composants, à commencer par le vitrage, qui peut être envoyé vers les lignes de « float » pour en faire du verre plat. A l'exception des verres armés, de la vitrocéramique et de certains verres spéciaux, tous peuvent être valorisés. Les industriels qui réincorporent déjà 30 % de calcin (débris), principalement issu de chutes de production et de coupe, sont en capacité d'en intégrer jusqu'à 80 %.
Pour les anciennes fenêtres bois, qui représentent 70 à 95 % des menuiseries déposées selon les régions, le recyclage s'avère plus problématique compte tenu des traitements subis. Les bois peuvent à la rigueur faire l'objet d'une valorisation énergétique dans des installations thermiques industrielles. La difficulté actuelle tient au nombre insuffisant d'exutoires à disposition.
Les anciens profilés PVC disposent pour leur part d'unités de recyclage dédiées -à Troyes chez Veka Recyclage, en Belgique chez Deceuninck -où ils sont régénérés en granulés de matière première certifiée, prêts à être extrudés pour revenir dans le circuit de fabrication des fenêtres. « Nous pouvons recycler quasiment 100 % du PVC que nous recevons. Il y aune faible perte sur les joints, les intercalaires de vitrage ou le béton qui reste accroché à la fenêtre », note François Aublé, président de Veka Recyclage. Compte tenu de leur valeur sur le marché, les métaux, ferreux ou non-ferreux, trouvent quant à eux facilement preneur dans de nombreux secteurs industriels et n'ont a priori aucun mal à être recyclés même si la traçabilité n'est pas encore mise en place.

Un gisement d'aluminium à exploiter. La mobilisation gagne donc du terrain pour lever les freins au développement de la valorisation. En 2017, un engagement pour la croissance verte a été signé pour aider au recyclage du verre plat, et une cartographie des points de collecte a été publiée. Sur un gisement estimé à 200 000 tonnes par an, l'objectif de collecte a été fixé à 40 000 tonnes en 2021, puis à 80 000 tonnes en 2025.
La filière aluminium a de son côté lancé la démarche Alu + C-, qui vise d'une part à travailler sur l'aluminium primaire et l'extrusion, et d'autre part à favoriser le recyclage en boucle fermée. « Les premières fenêtres aluminium posées dans les années 1960- 1970 commencent seulement à être déposées. Le gisement va augmenter considérablement dans les cinq à dix ans à venir. D'ici là, nous devons être prêts, d'où le travail mené pour avoir une visibilité sur le maillage existant entre les différents intervenants, de l'entreprise qui dépose ou du démolisseur jusqu'au collecteur », expose Mickaël Faliu, responsable environnement du SNFA, le syndicat national des spécialistes de menuiseries en aluminium.
Rassemblée autour du programme Vin yl Plus, l'industrie du PVC s'est quant à elle engagée à suivre la feuille de route pour l'économie circulaire (Frec) en portant la part de matériau recyclé dans les profilés de 8 % actuellement à 20 % d'ici à 2025.
Plus récemment, l'UFME amis en place une charte avec ses adhérents afin d'encourager la collecte des menuiseries enfin de vie et de favoriser une valorisation optimale. Plusieurs entreprises ont déjà rejoint le dispositif, dont le groupe Lorillard qui a passé un contrat avec un prestataire spécialisé (lire ci dessous) afin d'assurer la collecte, le tri et la valorisation de ses déchets. Egalement signataire, François Aublé, de Veka Recyclage, espère des retombées positives. « Pour l'heure, nos volumes de recyclage augmentent mais de manière assez faible, 10 à 15 % par an, et cela au prix d'efforts considérables et de solutions de collecte gratuites », reconnaît-il. Veka traite à ce jour 8 000 tonnes de menuiseries sur un gisement estimé entre 50 000 et 60 000 tonnes.
Parallèlement, quelques initiatives individuelles ont vu le jour. Ainsi, Millet rapporte les menuiseries usagées dans son usine, où un poste de travail a été affecté au démantèlement et au tri des matériaux. Autre exemple, celui du groupe norvégien Hydro dont l'usine de Dormagen (Allemagne) récupère des profilés aluminium provenant de rénovations et de démolitions et les transforme en billettes pour la fabrication de nouvelles fenêtres.

L'industrie du PVC s'est engagée à porter la part de matériau recyclé dans les profilés à 20 % d'ici à 2025.
« En recyclant ces menuiseries, nous utilisons seulement 5 % de l'énergie nécessaire à la première fusion. L'aluminium Hydro Circal 75R se distingue par son taux de matières recyclées post-consommation égal ou supérieur à 75 % », relève Nicole Perez, directrice marketing et développement produits chez Hydro Building Systems France. Louant la démarche de l'industriel, Mickaël Faliu du SNFA met toutefois en garde sur le fait que « le gisement d'aluminium recyclé n'est pas encore suffisant. Nous voulons éviter devoir se développer trop tôt une prescription de contenu recyclé, qui risquerait d'être contre-productive. »