A l'est de Marseille (Bouches-du-Rhône), dans le quartier de Saint-Loup, proche d'un nœud autoroutier, deux nouveaux ponts (100 m x 20 m), posés côte à côte sur trois piles en béton armé noir, enjambent le fleuve côtier Huveaune. Dotés d'un tablier à ossature métallique avec hourdis en béton, ils viennent d'être réceptionnés par la métropole Aix-Marseille-Provence, maître d'ouvrage. C'est là le terme d'un chantier de deux ans mené par le groupement de conception-réalisation conduit par Bouygues TPRF (1) tout en maintenant la circulation pour un coût de 13 M€ HT.
Le principal enjeu de l'opération a été d'assurer une continuité fluide avec les infrastructures existantes. De fait, les lignes fines, élancées et discrètes des deux ponts font le lien entre l'échangeur Florian, point d'entrée de la L2, et une tranchée couverte, élément du futur boulevard urbain sud (BUS), axe nord-sud de 8,5 km conçu pour contourner le centre-ville.
Site soumis au risque inondation. Le budget limité et les contraintes d'un site soumis au risque inondation ont structuré le projet. « Par une synthèse entre recherche de résistance mécanique et écoulement hydraulique, on tend naturellement vers une optimisation de la matière et ainsi vers une réduction des coûts », confirme l'architecte Enzo Ricciotti, de l'agence Rudy Ricciotti, associée au constructeur. Ainsi, les quatre poutres-caissons (plus de 3,50 m de haut sur appuis ; 1,20 m à chaque extrémité des ouvrages), caractérisées par leur section trapézoïdale à géométrie variable, ont chacune une configuration spécifique, calculée en fonction des conditions d'appui et du diagramme des moments.
Conçues sur le principe du profil Naca utilisé pour la construction d'ailes d'avion ou de quilles de bateau de manière à favoriser l'écoulement de l'eau, les trois piles en béton armé sont, elles aussi, uniques avec un bord d'attaque et un bord de fuite propres. Leur position et leur orientation ont également été étudiées précisément avec un hydraulicien. Par ailleurs, l'impossibilité de se poser dans le lit de la rivière a conduit à réduire le nombre d'appuis. Ainsi, une pile centrale, double, soutient les deux ouvrages en même temps. S'y ajoutent deux autres, réparties sous chacun des tabliers.
Dans cette même logique de concilier résistance et économie, la partie réservée aux piétons et aux cyclistes est un platelage en BFUP : « Ses caractéristiques mécaniques plus importantes permettent de réduire le volume de béton et donc les efforts rapportés dans les poutres », précise Thibault Delpech, chef de projet chez Bouygues TPRF.
Compte tenu de l'environnement urbain, la métropole a exigé de réduire les nuisances durant le chantier. A ce titre, les éléments métalliques du tablier ont été préfabriqués en usine avant d'être assemblés et montés sur place. Si les appuis en béton ont été coulés en place, la partie béton du tablier a, elle aussi, été préfabriquée.
Améliorer le cadre de vie. Au-delà de son aspect fonctionnel de franchissement, le projet a pour mérite d'améliorer le cadre de vie dans un tissu urbain disparate et de reconsidérer la place des piétons et des vélos. Il donne ainsi à voir le mont Puget et l'Huveaune dont les berges, devenues chemins ponctués d'essences méditerranéennes, sont désormais accessibles. En mémoire des anciens ponts et moulins en pierre, les culées des deux ponts sont protégées des crues par des aménagements en perrés maçonnés. De même que leurs sous-faces sont mises en valeur par l'espacement des consoles et des entretoises, ainsi que par les dalles en béton clair.
Enfin, il s'agissait de désenclaver le quartier avec de nouvelles connexions douces et de hiérarchiser les flux. A cet effet, les grandes poutres-caissons métalliques protègent les piétons et cyclistes du bruit des voitures.
