La partie n’était pas gagnée d’avance pour les architectes Pierre Lépinay et Bertrand Meurice. Il aura fallu une bonne dose d’inventivité pour déjouer les pièges de l’implantation peu ordinaire de la parcelle dévolue à cette opération de logements sociaux. Coquetterie d’une des villes les plus huppées de France (elle compte Johnny Hallyday et l’Émir du Quatar parmi ses célèbres résidents), on trouve autour de cet ancien terrain de la SNCF tout ce qui aurait dû conduire à l’implantation d’un autre programme. Côté face, les voies ferrées du train régional rejoignant Paris et côté pile, l’autoroute A13. Cerise sur le gâteau, c’est justement la façade sud que longe la voie rapide. Seul avantage de cette bande baignée dans un vrombissement permanent, la proximité immédiate avec le domaine national de Saint-Cloud, situé à quelques mètres à peine de l’autre côté du pont qui traverse l’autoroute. Pour installer là les 44 logements du programme, les architectes ont donc dû leur créer une enveloppe totalement hermétique.
Traitement de choc
Écartée de l’autoroute par le parking destiné aux locataires, une bande de petits collectifs est disposée en U. En face, une série de maisons individuelles referme la parcelle. C’est à partir de ce dessin, imaginé dès le concours, que les architectes déploient un ensemble de dispositifs pour protéger les habitations de la pollution sonore sans rien renier de leur qualité d’usage. Il y a d’abord la ligne de faîtage continue de 9 mètres de haut des petits collectifs. Ensuite, leur façade sud isolée par l’intérieur forme un écran phonique d’envergure que viennent calfeutrer les parois vitrées des halls traversants reliant le parking au cœur d’îlot. Enfin, refusant de ne pas profiter de l’ensoleillement et des vues lointaines sur les prairies du domaine de Saint-Cloud, les architectes ont doté d’une loggia acoustique chaque duplex situé au premier niveau des collectifs. Cet espace végétalisé non-accessible et fermé latéralement par des parois de verre est un écran acoustique d’une grande efficacité. Il génère également une organisation intérieure optimale des logements. Si les pièces de services sont disposées côté autoroute au niveau supérieur des duplex, au premier niveau, la cuisine profite des apports lumineux de la loggia et le salon d’une double orientation.
Béguinage verdoyant
Au cœur du U protecteur, le vert prévaut. Chaque habitation implantée au rez-de-chaussée dispose d’un jardin privatif en pleine terre que le profil des toitures à double pente préserve des ombres portées. Rythmé par les escaliers donnant accès au duplex des petits collectifs, le cœur d’îlot laisse une large place aux espaces extérieurs communs plantés, donnant à l’ensemble des allures de béguinage des Flandres. C’est d’ailleurs les cris des enfants en train de jouer que l’on entend, bien plus forts que les traces sonores des voitures ou des trains qui passent à quelques mètres.