Marchés publics - Pour les bailleurs sociaux, la clause de révision est automatique… ou pas

Un débat juridique oppose le monde HLM d'un côté, Bercy et les constructeurs de l'autre.

 

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Révision de prix

Arguments contre arguments, représentants des entreprises et des bailleurs sociaux se font face. Les premiers ont un atout de taille dans leur manche, la position officielle du ministère de l'Economie. Les seconds se fondent sur une note juridique commandée à un cabinet d'avocats qui fait référence dans le secteur public (Seban & associés). Le sujet de leur désaccord est facile à formuler : les bailleurs sociaux sont-ils, comme les autres acheteurs soumis au Code de la commande publique (CCP), tenus de conclure des marchés à prix définitifs et révisables en cas d'exposition à des aléas majeurs sur le plan économique () ? La réponse à cette question n'est pas simple, et nécessite de se plonger dans les articles du code et son architecture.

Une application « à tous les pouvoirs adjudicateurs ». Pour Bercy, il n'y a pas de débat. Dans sa fiche technique « Les marchés publics confrontés à la flambée des prix et au risque de pénurie des matières premières » mise à jour le 18 février, la Direction des affaires juridiques (DAJ) énonce que « les articles R. 2112-8 à R. 2112-14 du [CCP] relatifs à la forme des prix s'appliquent à tous les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ».

Entrant davantage dans le détail, elle ajoute : « Si l'article R. 2112-7 précise que l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, les établissements publics et leurs groupements ne peuvent pas, sauf exceptions, conclure de marché à prix provisoires, cette disposition n'a pas pour objet d'exclure les “autres acheteurs” du champ d'application de la sous-section 2 [du code] sur les prix définitifs. » Ce qui engloberait, donc, les acheteurs de droit privé soumis au code, telles les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et les coopératives HLM.

Dans le droit fil de la réglementation antérieure. Du côté de l'Union sociale pour l'habitat (USH), on fait une tout autre lecture des textes. « Nous ne sommes pas là pour polémiquer avec la DAJ, mais cette interprétation très extensive nous semble guidée par le contexte économique », avance Pascal Gareau, directeur juridique et fiscal.

Pour l'organisation représentative du secteur HLM, « l'article R. 2112-7 [précité] vient clairement en chapeau de la sous-section 2 et conduit donc bien à exclure les “autres acheteurs” de ses dispositions », explique Léa Gasnier, conseillère juridique commande publique, construction et contrats techniques. Elle en veut pour preuve que sous l'empire de la réglementation qui préexistait au code ( relatif aux marchés publics), ces dispositions étaient réunies dans un seul et même article, le 18. « La logique est nécessairement la même après la décomposition à laquelle a procédé le code », estime-t-elle. Ajoutant qu'à l'époque, « personne n'avait jamais contesté que cet article 18 ne s'appliquait pas aux bailleurs sociaux de droit privé ».

L'USH estime par ailleurs que même les bailleurs sociaux de droit public échapperaient à l'obligation d'insérer des clauses de révision, par le jeu de l'. Celui-ci indique que les offices publics de l'habitat appliquent les règles applicables aux autres acheteurs. « Et il chapeaute le livre Ier de la 2e partie du code, qui comprend la sous-section 2 sur les prix définitifs », souligne Léa Gasnier.

« L'interprétation très extensive de la DAJ nous semble guidée par le contexte économique. » Pascal Gareau, USH

« Tous perdants ». Interpellée par l'USH, la DAJ a confirmé, sans appel, sa position. Daniel Rigout, président d'EGF.BTP, a manifesté lui aussi son désaccord avec l'organisation représentative du secteur HLM, estimant que l'interprétation que celle-ci fait du code « n'est pas la vérité ». Et si seul le juge pourrait, un jour ou l'autre, trancher définitivement le débat juridique, le porte-parole des entreprises générales n'entend pas pour autant mener une action contentieuse. « On aura tout faux si le juge est la seule solution trouvée pour sortir de la problématique existante. Etant liés les uns aux autres, nous serions tous perdants… » Un souhait de dialogue que partagent les bailleurs sociaux. « Ce que nous contestons, c'est l'automaticité, conclut Pascal Gareau. Ce doit être du cas par cas, et d'ailleurs sur le terrain les pratiques sont disparates, certains bailleurs prévoient des clauses de révision. »

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