L’élaboration des pièces constitutives des marchés publics est essentielle depuis que les marchés sont considérés comme des contrats à part entière (1). Le soin apporté à leur rédaction, devenue plus minutieuse et plus complexe, constitue la condition première de leur réussite.
Le chapitre V du titre II du Code des marchés publics 2004 précise, pour les marchés formalisés (2), la liste des pièces constitutives et leur rôle, à savoir, d’une part, l’acte d’engagement dans lequel le candidat présente son offre et, d’autre part, les cahiers des charges auxquels ledit acte fait référence, le Cahier des clauses administratives particulières (CCAP), le Cahier des clauses techniques particulières (CCTP), le Cahier des clauses administratives générales (CCAG) voire, pour les travaux, un Cahier des clauses techniques générales (CCTG). L’exigence du Code porte sur les mentions obligatoires à faire figurer dans ces documents.
Le projet de Code 2006 ne modifie pas les règles de ce chapitre, sauf à relever qu’il:
précise que tout marché supérieur à 4 000 euros HT est obligatoirement écrit (art. 11) ;
opère une répartition différente des règles contenues dans les articles qui le composent sans en modifier le fond ;
fait figurer l’article 14 relatif aux clauses sociales et environnementales dans un nouveau chapitre ;
exonère enfin des mentions obligatoires de l’article 12 les marchés et bons de commandes passés respectivement sur la base d’un accord-cadre ou d’un marché cadre.
Des fonctions bien précises
Les documents constitutifs servent à la fois de document de consultation et d’outils de définition des besoins, de choix et d’exécution. Chacun d’eux possède une fonction bien précise et ne peut remplacer ni l’avis d’appel public à la concurrence, ni le règlement de consultation. L’avis et le règlement sont uniquement destinés à la consultation et n’entrent pas dans la liste des pièces constitutives. Certains acheteurs ont cependant pris pour habitude d’utiliser les documents constitutifs comme règlement de la consultation. Cet usage n’est absolument pas conforme au Code.
Les cahiers des clauses particulières
Le CCAP et le CCTP traduisent les besoins et les exigences spécifiques de l’Administration. Intégrés dans le dossier de consultation des entreprises (DCE), ces cahiers servent à consulter les candidats. L’Administration les utilise aussi pour la sélection des offres effectuée au regard du CCTP et du CCAP selon des critères de choix. Enfin, ces documents particuliers, après mise au point (3) ou non, sont la référence contractuelle pour l’exécution du marché.
Partant, toute imprécision, ambiguïté ou manque relatif aux spécifications, au processus de mise en œuvre, aux modalités de vérification et de gestion des risques s’avère souvent néfaste à la bonne exécution des projets. Or, en raison du principe d’égalité de traitement des candidats, ces insuffisances risquent de ne pouvoir être légalement comblées à l’occasion d’une mise au point.
Pour y remédier, le CCTP définit les spécifications du projet, son processus de mise en œuvre et ses modes de vérification. Pour certains projets, le rédacteur a la possibilité de prendre en compte l’expérience de ses pairs et de gagner du temps en utilisant un CCTP type. Le CCAP, lui, se doit de compléter le CCTP par des règles de gestion administrative, financière et juridique propres au projet.
Les cahiers des clausesgénérales
Les CCAG (4) et les CCTG constituent de véritables conditions générales d’achat, par opposition aux CCAP et CCTP qui relèvent de la catégorie des conditions particulières.
Le CCAG-Travaux recouvre l’exécution de travaux immobiliers et de génie civil (bâtiments/travaux publics). Le CCAG-PI (prestations intellectuelles) s’est révélé peu adapté à la maîtrise d’œuvre, à la création d’œuvres artistiques, au développement et à la maintenance d’applications informatiques…, prestations qui nécessitent d’y déroger pour partie en raison de l’incompatibilité de certaines de ses clauses avec l’état du droit.
Le CCAG-MI (marchés publics industriels) concerne des contrats d’entreprise de fourniture d’équipements aux caractéristiques établies par l’administration intéressée et susceptible de comporter des clauses spécifiques relatives à l’établissement et au contrôle des prix.
Le CCAG fournitures courantes et services, qui concerne les produits et les services dits « sur étagère », est souvent utilisé, à tort, comme un CCAG pour fournitures et services divers, qu’ils soient courants ou non. L’Administration l’utilise souvent pour acquérir des produits spécifiques et non courants.
Peu de CCTG ont été publiés à ce jour (une vingtaine) ; parmi ceux-ci, il faut mentionner le CCTG-Travaux (5). Leur usage est conseillé mais nécessite de vérifier, au préalable, si le projet est couvert par les spécifications du document. A défaut, il faudra y déroger, voire ne pas y faire référence.
L’acte d’engagement
L’acte d’engagement constitue la pièce la plus importante du marché (6). Il est obligatoire (7) sauf pour les marchés passés selon la procédure adaptée (articles du Code). Le Code 2006 ne devrait rien y changer (voir futur article 28). Ce document prévaut sur les autres pièces du marché en cas d’ambiguïtés, de contradictions ou d’omissions (8). Son établissement, sa rédaction, sa datation et sa signature nécessitent une attention toute particulière.
L’acte d’engagement est établi en un seul original par les candidats au marché. L’obligation d’un seul original est reconduite dans le projet de Code de 2006 (voir article 48). L’acte d’engagement est conservé par la personne publique qui n’en remet au titulaire que des copies certifiées conformes à l’original. L’une sert à la notification du marché. L’autre, dite « exemplaire unique », est destinée aux opérations de cession ou de nantissement des créances issues du marché. Certaines annexes apparaissent obligatoires : le bordereau de prix, le cadre de réponse (s’il en existe un), le document relatif à la mise au point du marché (art. 59-II, al. 2 et 64-II, al. 2 du CMP), la lettre de candidature et d’habilitation du mandataire, l’acte spécial de déclaration du ou des sous-traitants.
Le contenu opérationnel
Le Code exige le respect de certaines règles mais ne comporte pas de méthodes d’achat ou de rédaction. Or, les bonnes pratiques d’achat et de rédaction s’imposent. La formation, l’expérience et le retour d’expérience représentent des facteurs de sécurité en vue de minimiser les risques rédactionnels.
Spécifier les besoins
Le CCTP sert à spécifier les besoins afin d’optimiser leur exécution au regard du budget. Il constitue le document de référence des cocontractants. A défaut de pouvoir exprimer l’ensemble de ses besoins et de ses exigences dans le CCTP, chaque acheteur utilise un cadre de réponse en vue de combler les manques en matière de spécifications ou de moyens. Toute dérogation aux dispositions du CCTG de référence, s’il en existe un, est récapitulée dans le dernier article du CCTP (9).
Avec ou sans CCTG, le CCTP est exhaustif car les exigences techniques se définissent en liaison directe avec les besoins exprimés par l’acheteur et l’objet du marché, tout en demeurant proportionnées, de façon à ne pas constituer une restriction déguisée à l’accès à la commande publique. Si des exigences techniques spécifiques peuvent être posées, elles ne doivent pas aboutir à exclure arbitrairement certains candidats, ni à en favoriser d’autres (10).
Se prémunir contre les risques
Le CCAP est destiné à garantir la bonne exécution du marché et la gestion des risques (11) en associant les règles issues du Code des marchés publics à celles tirées d’autres domaines du droit en relation avec l’objet du marché. Le rédacteur ne saurait ignorer, selon le type de projet, ces autres domaines (droit des obligations, de la construction, des produits défectueux, de la propriété intellectuelle, de l’informatique, de la santé, etc.).
En revanche, la reproduction de dispositions du Code ou du CCAG retenu n’apporte rien. La pratique du « cahier des clauses particulières » qui permet de fusionner CCAP et CCTP est une solution simplificatrice pour les administrations, mais une source de confusion pour les exécutants, quel que soit leur niveau hiérarchique. Ils préfèrent que tous les éléments d’exécution, techniques et organisationnels, soient dissociés des éléments administratifs qui ne les concernent pas en dehors des paiements.
Ordre de priorité des documents
L’ensemble de ces documents nécessite l’établissement d’un ordre de priorité conformément au Code (voir et du projet de Code 2006). Cet ordre dépend de plus en plus du type d’achat. Pour les travaux, les matériels industriels ou les prestations intellectuelles qui se veulent spécifiques par nature, l’ordre de priorité proposé dans les CCAG (12) peut être conservé. En revanche, dès que l’Administration recherche des produits et services standards, les offres des candidats, qui contiennent les caractéristiques de leurs produits et/ou de leurs services, doivent figurer en priorité avec l’acte d’engagement (13) avant le CCAP et le CCTP. Il reste alors à la personne publique à vérifier que les offres correspondent au minimum d’exigences mentionné dans le CCTP ou le CCAP avant de les examiner en détail.
