Marchés publics : les outils de l'acheteur pour traquer les pratiques anticoncurrentielles

Une communication de la Commission européenne détaille les outils à la disposition des Etats, des autorités de concurrence mais surtout des pouvoirs adjudicateurs eux-mêmes pour éradiquer la collusion dans la commande publique.

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Pratiques anticoncurrentielles

Les pratiques anticoncurrentielles réalisées dans le cadre de contrats publics sont un fléau, connu de tous. Les moyens d’y faire face le sont parfois moins (connus). Pour y remédier, la Commission européenne a publié en mars dernier au « Journal officiel de l’UE » une communication.

Elle y souligne que les enjeux sont croissants, avec la crise sanitaire et économique : « L’affectation injustifiée de montants excessifs pour des travaux, des fournitures et des services réduit les fonds publics mobilisables pour les activités essentielles de l’État, creuse les déficits budgétaires et oblige davantage les États à recourir à des prêts, ce qui compromet leur stabilité financière et mine leurs efforts de relance. En outre, la réticence des entreprises à participer à des projets publics sur des marchés affectés par la collusion sape les efforts visant à attirer des investissements privés dans l’infrastructure (par exemple dans le cas de concessions nécessitant une participation de capitaux privés). »

Des acheteurs publics parfois démunis

Outre des recommandations adressées aux Etats membres et aux autorités de concurrence nationales, c’est surtout la partie du texte s’adressant directement aux pouvoirs adjudicateurs qui retiendra ici l’attention. Il est nécessaire de les guider, estime Bruxelles, constatant que ces acteurs, surtout les plus petits d’entre eux, n’ont pas toujours les ressources humaines calibrées pour détecter les ententes. Et s’ils y parviennent, ils ne savent pas forcément comment réagir.

« En outre, la perspective de retards dans la procédure de passation de marché, qui ont souvent des conséquences administratives, budgétaires, voire politiques, peut dissuader les responsables des marchés publics de traiter efficacement les cas présumés de collusion ».

Si bien que les pratiques sont le plus souvent repérées après coup, une fois le marché exécuté. Le dommage, notamment à l’économie, est alors déjà réalisé…

Tâche supplémentaire

Bref, l’acheteur public a un rôle essentiel à jouer en la matière. « Bien qu’il travaille souvent dans des conditions difficiles et soit tenu par des délais serrés, le responsable des marchés publics est invité à assumer cette tâche supplémentaire et à consentir cet effort complémentaire pour veiller à ce que l’argent public soit dépensé à bon escient », l’encourage la Commission. Et de livrer en annexe de la communication une kyrielle de conseils, répartis en trois volets : concevoir les procédures de passation de marché de façon à prévenir la collusion, détecter les situations à risques lors de l’examen des offres et réagir en cas de pratique avérée.

Une procédure de passation bien bâtie

Au stade de la construction de la procédure de passation, l’idée est d’ouvrir le plus largement possible à la concurrence, y compris d’entreprises étrangères. Pour cela, le sourcing est une étape incontournable. « N’oubliez pas qu’aucune règle n’interdit au responsable des marchés publics d’effectuer des études de marché approfondies, comme le ferait toute personne avant d’effectuer des achats privés », insiste Bruxelles.

Les acheteurs sont également invités à ne pas tomber dans la routine : « Lorsque vous planifiez vos achats, évitez, dans la mesure du possible, la prévisibilité ou la répétition stable des procédures de passation de marchés que vous lancez régulièrement », car cela facilite les comportements collusoires. Pas de procrastination non plus, mieux vaut lancer les marchés le plus tôt possible pour se garder le temps d’une analyse approfondie des offres. Le choix des critères d’attribution, des conditions d’exécution, des délais de procédure... doit aussi se faire de façon à encourager un maximum d’opérateurs à candidater.

Enfin, le texte conseille aux acheteurs de communiquer en direction des entreprises sur le sujet, leur rappeler les risques, voire leur demander d’attester par écrit qu’ils ont élaboré leur offre en toute indépendance.

Des offres à la loupe

Vient ensuite le temps de l’analyse des offres. « Ce sont souvent de petits détails qui vous mettront la puce à l’oreille », avertit la Commission, citant par exemple des fautes d’orthographe ou des écritures manuscrites identiques dans des offres différentes, des offres présentant les mêmes erreurs de calcul, des données de contact identiques…

Des offres manifestement bâclées peuvent aussi être repérées comme constituant probablement des offres de couverture destinées à mettre en valeur la réponse d’un concurrent complice.

Les pouvoirs adjudicateurs doivent également regarder de près le niveau et la structure des prix proposés, les liens éventuels entre les soumissionnaires, ou encore essayer de voir si les offres reçues « font apparaître un schéma de réponse aux appels d’offres fondé sur des procédures de passation de marché similaires antérieures » - ce qui pourrait trahir des ententes sur la durée.

Action, réaction

Enfin, en cas de suspicion, une réaction s’impose… Mais requiert la prudence et la discrétion. Avant de prononcer l’exclusion des soumissionnaires, il faut évaluer les indices dont on dispose, motiver ses décisions, et surtout faire « usage des possibilités prévues par le droit de l’Union et le droit national pour permettre aux soumissionnaires de fournir des éclaircissements concernant leur offre ». Un indice peut en effet s’avérer trompeur.

Ne pas hésiter non plus à demander de l’aide : « Contactez votre autorité nationale de la concurrence et/ou l’autorité centrale chargée des marchés publics (ou toute autre autorité compétente, en fonction de l’organisation en vigueur au niveau national), en particulier en cas de doute, afin d’obtenir des conseils et l’assistance d’experts pour résoudre le problème. »

Communication sur les outils de lutte contre la collusion dans les marchés publics et orientations sur la manière d’appliquer le motif d’exclusion y relatif (2021/C 91/01)

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