Dans une décision du 9 novembre 2009 (req. n° 328 826), le Conseil d'Etat a jugé que le titulaire d'un marché public ne peut pas être regardé comme un « concurrent évincé » au sens de la jurisprudence « Tropic » du 16 juillet 2007. Il ne peut donc pas demander au juge, sur ce fondement, l'annulation du contrat qui le lie à l'administration.
Sur un tout autre fondement, c'est un peu ce qu'a jugé le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le 7 mai dernier, dans un marché de travaux opposant la société Sorema à la Ville de Sevran. Dans cette affaire, les ennuis avaient commencé immédiatement après la signature du marché : des délais non respectés et divers incidents avaient envenimé peu à peu les relations entre les deux parties.
Pour se défaire du contrat, l'entreprise a alors décidé d'exhumer les irrégularités de la procédure de passation. Elle soutenait en particulier que les critères d'attribution n'avaient pas été pondérés et que ni l'avis de marché, ni le règlement de consultation ne contenaient d'indications à cet égard. Elle soutenait également qu'aucune mention relative à l'accord « AMP » n'avait été portée dans l'avis. Elle en déduisait que son marché, conclu à l'issue d'une procédure irrégulière, devait être regardé comme nul afin d'échapper à ses obligations contractuelles.
Seuls les manquements majeurs peuvent être invoqués
On sait que les concurrents ne peuvent plus invoquer, en référé, l'irrégularité de la procédure, sauf s'ils peuvent démontrer en quoi les manquements les auraient lésés. En revanche, il est établi que le titulaire d'un contrat entaché d'une nullité peut s'en prévaloir devant le juge pour échapper à ses obligations (CE, 20 octobre 2000, « Citécâble Est », req. n° 196 553).
Le cocontractant de l'administration ne peut pas, cependant, se prévaloir de toutes les irrégularités de la procédure qui a abouti à le choisir. C'est ce qu'a rappelé le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans son jugement du 7 mai 2009 (1). Dans sa décision, le juge limite une telle demande aux seuls manquements majeurs de la procédure de passation : « Considérant que sauf manquement majeur aux obligations de mise en concurrence, le cocontractant ne saurait, pour obtenir la nullité d'un contrat et tenter d'échapper à ses obligations contractuelles, se prévaloir de l'irrégularité d'un acte détachable préalable dont la validité n'a été contestée ni avant la signature du contrat, ni dans les deux mois du délai de recours pour excès de pouvoir et dont en outre, il n'est ni allégué, ni établi qu'elle ait pu léser ses intérêts (...)».
Cette tendance jurisprudentielle, qui modifie l'office du juge, vient de connaître une évolution importante avec l'arrêt « Commune de Béziers » du 28 décembre 2009, sur lequel nous reviendrons prochainement.-