Les acheteurs publics disposent d'un nouvel outil contractuel destiné à accélérer la rénovation énergétique de leurs bâtiments : le marché global de performance énergétique (MGPE) à paiement différé. En effet, le pris pour l'application de la ouvrant le tiers-financement à l'Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique a été publié le 4 octobre.
Un nouvel outil se voulant attractif
Le dispositif expérimental prévu par le législateur pour cinq ans a pour objet de remédier aux inconvénients des deux principaux outils contractuels existants, le marché public global de performance et le marché de partenariat.
Sa principale particularité, par rapport aux marchés publics globaux de performance de droit commun, réside dans la dérogation aux règles d'exécution financière des marchés publics et notamment à l'interdiction du paiement différé. Cela permet aux acheteurs publics concernés de faire financer par un tiers les travaux de performance énergétique et de lisser dans le temps la charge de leur paiement.
De ce point de vue, le MGPE à paiement différé se rapproche du marché de partenariat. Il a toutefois un champ d'application plus large que ce dernier. Le législateur n'a en effet pas repris la distinction existant pour les marchés de partenariat entre les acheteurs autorisés et les acheteurs non autorisés (tels que les établissements publics de santé). Il n'a pas non plus prévu de seuil en deçà duquel un MGPE à paiement différé ne pourrait être conclu. Enfin, le dispositif ne transfère pas la maîtrise d'ouvrage au titulaire.
A l'instar des marchés de partenariat, le recours au MGPE à paiement différé est toutefois strictement encadré afin de protéger les finances des acheteurs publics : l'article 2 de la loi oblige l'acheteur à réaliser une étude préalable et une autre de soutenabilité budgétaire et à obtenir des avis et autorisations spécifiques. Le décret du 3 octobre vient préciser le contenu de ces études ainsi que les conditions d'obtention des avis et autorisations requis.
Etudes nécessaires
L’étude préalable. Aux termes de l'article 1er du décret, l'étude La première est relative à la présentation générale : les caractéristiques du projet, son équilibre économique et ses enjeux ; les compétences de l'acheteur, son statut et ses capacités financières ; la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre (GES) de référence retenues pour apprécier la performance énergétique du projet. A l'exception de cette dernière exigence, les éléments requis sont similaires à ceux devant figurer dans l'évaluation du mode de réalisation du projet pour les marchés de partenariat. La deuxième partie réside dans la « description des options de montages contractuels de la commande publique qui sont écartées et des options qui sont envisagées pour mettre en œuvre le projet ».
L'étude préalable doit indiquer les émissions de gaz à effet de serre actuelles et celles visées dans les objectifs de performance
La troisième partie, enfin, consiste en une appréciation de « l'ensemble des avantages et inconvénients » du MGPE à paiement différé par rapport aux montages contractuels envisagés n'autorisant pas le paiement différé. Celle-ci doit tenir compte en particulier de plusieurs éléments : les objectifs de performance retenus par l'acheteur, notamment en matière de consommation énergétique et d'émissions de GES, les délais fixés pour les atteindre ainsi que les mécanismes souhaités d'incitation, de garanties et de sanction ; le périmètre des missions susceptibles d'être confiées au titulaire ; les principaux risques du projet et leur répartition entre l'acheteur et le titulaire ; la structure de financement ainsi que son incidence sur le coût du projet ; le cas échéant, les effets de la mutualisation du projet avec d'autres acheteurs.
Ces exigences semblent ainsi allégées par rapport à ce qui est requis en matière de marchés de partenariat. Pour ces derniers, l'évaluation du mode de réalisation du projet doit comporter une « analyse comparative en valeur actualisée des différentes options de montages contractuels et institutionnels de la commande publique envisageables pour mettre en œuvre le projet », laquelle doit comprendre notamment une « estimation en coût complet des différentes options […] » (). Cette analyse comparative est, en pratique, très lourde et constitue un frein à la mise en œuvre de certains marchés de partenariat. S'agissant des MGPE à paiement différé, il est « uniquement » exigé une description des options écartées et envisagées ainsi qu'une appréciation des avantages et inconvénients du MGPE par rapport aux montages n'autorisant pas le paiement différé (excluant donc la comparaison avec le marché de partenariat).
L'étude de soutenabilité budgétaire. L'étude de soutenabilité budgétaire doit prendre en compte « tous les aspects financiers du projet » de MGPE à paiement différé (art. 4 du décret). Elle inclut notamment : le coût prévisionnel du contrat, indiqué en moyenne annuelle et ventilé entre dépenses d'investissement, de financement, et de fonctionnement ; la part que ce coût représente par rapport à la capacité d'autofinancement annuelle de l'acheteur et son effet sur sa situation financière ; l'impact du contrat sur l'évolution des dépenses obligatoires de l'acheteur, ses conséquences sur son endettement et ses engagements hors bilan ; une analyse des coûts prévisionnels pouvant résulter d'une rupture anticipée du contrat ; une appréciation des principaux risques du projet. Le contenu de cette étude est ainsi très proche de son équivalent en matière de marchés de partenariat, à l'exception de l'exigence d'appréciation des principaux risques du projet.
Avis et autorisations requis
Deux avis sont exigés concernant ces études (art. 3 et 6 du décret) : celui de la mission d'appui au financement des infrastructures, Fin Infra, sur l'étude préalable ; celui du ministre chargé du budget sur l'étude de soutenabilité budgétaire. Ces deux acteurs se prononcent dans un délai d'un mois suivant leur saisine et, en l'absence de réponse, leurs avis sont réputés favorables. Ce délai est inférieur de deux semaines à celui prévu pour les marchés de partenariat.
Deux séries d'autorisations (art. 7 et 8 du décret) sont ensuite requises à différents stades de la passation du contrat, s'agissant des projets de l'Etat et de ses établissements publics (1). Le lancement de la procédure de passation doit ainsi être autorisé par les ministres chargés du budget et de l'économie. Leur accord est réputé acquis à défaut de réponse expresse dans un délai d'un mois à compter de la date de réception, par chacun des ministres, des deux études et des deux avis mentionnés ci-avant (ou, lorsque ces avis sont tacites, à compter de la date à laquelle ces avis sont réputés acquis). S'agissant des établissements publics de l'Etat, les études et les avis doivent être également présentés à l'organe délibérant de l'établissement.
La signature des MGPE à paiement différé doit également être autorisée par les ministres chargés du budget et de l'économie. Leur accord est réputé acquis à défaut de réponse expresse dans un délai d'un mois à compter de la réception du projet de contrat. Pour les établissements publics de l'Etat, le ministre de tutelle doit en sus, dans les mêmes conditions, donner son avis.
Au final, les MGPE à paiement différé pourraient aider les acheteurs publics à faire face au « mur du financement » pour leurs travaux de rénovation énergétique. Les exigences procédurales demeurent toutefois substantielles et pourraient être de nature à dissuader certains d'entre eux d'y recourir ou, à tout le moins, à ralentir les projets. Un rapport sur les contrats conclus a vocation à être remis d'ici le 30 mars 2026. Il permettra, si nécessaire, de réévaluer le dispositif et d'ajuster les conditions de recours.
Ce qu'il faut retenir
- Un décret du 3 octobre marque le véritable lancement du dispositif expérimental créé par la loi du 30 mars 2023 permettant de conclure des marchés publics globaux de performance énergétique à paiement différé - et donc, avec tiers-financement.
- Il définit le contenu de l'étude préalable requise avant de recourir à ce montage contractuel. Ses exigences s'avèrent allégées par rapport à celles que comporte l'évaluation du mode de réalisation du projet pour les marchés de partenariat. Le décret liste aussi les éléments de l'étude de soutenabilité budgétaire, très proche de son équivalent en matière de marchés de partenariat.
- Il détaille, enfin, les modalités d'obtention des avis obligatoires portant sur ces études et des autorisations nécessaires pour les projets de l'Etat et de ses établissements publics.
(1) Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, les autorisations préalables sont régies par l'article 2 de la loi et notamment les points VII et XII.