La réception sans réserve d’un marché de travaux peut avoir des conséquences dramatiques pour un maître d’ouvrage. En effet, dans le cas où un tiers, victime d’un dommage, cherche à obtenir la condamnation du constructeur, ce dernier pourra l’appeler à le garantir en totalité. Tel est l’enseignement d’une récente décision du Conseil d’Etat.
Les faits sont relativement classiques : en 1998, un Sivom a décidé de réaliser des travaux de modernisation d’une usine d'incinération d'ordures ménagères. Plusieurs marchés publics ont été passés, dont un lot « traitement des fumées » attribué à un constructeur. Un contrat concernant l’exploitation de l’usine a par ailleurs été confié à une autre entreprise, pour une durée de huit ans.
La réception judiciaire des travaux a été prononcée sans réserve, avec effet au 1er juillet 2001. Des désordres étant survenus, le Sivom ainsi que l’exploitant ont attaqué le constructeur devant le tribunal administratif de Rennes. Condamné en première instance, ce dernier a également vu la CAA de Nantes rejeter son appel en garantie du maitre d’ouvrage. L’affaire est arrivée devant la Haute juridiction administrative.
Plusieurs conditions
Le Conseil d’Etat pose le principe suivant : « Lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public, le constructeur de celui-ci est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. »
Autrement dit, trois conditions sont nécessaires pour qu’un constructeur appelle en garantie le maître d’ouvrage : qu’il ne puisse être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale ; qu’il n’y ait pas de clause contractuelle contraire ; et enfin que la réception sans réserve n’ait pas été acquise par des manœuvres dolosives ou frauduleuses.
En l’espèce, le constructeur était bien fondé à appeler en garantie le Sivom. L’arrêt de la CAA est donc annulé.
CE, 6 février 2019, n° 414064, mentionné aux tables du recueil Lebon