Marchés publics La nouvelle procédure de paiement direct du sous-traitant

Alors que les organisations professionnelles du BTP n’avaient émis aucune demande concernant la procédure de paiement direct, la nouvelle rédaction de l’article 116 du Code des marchés publics vise à accélérer cette procédure en faveur du sous-traitant. En retour, de nouvelles obligations sont créées en matière de facturation.

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Au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le Code des marchés publics (CMP) avait repris les dispositions des articles 6 et 8, qui posaient le principe du paiement direct du sous-traitant et décrivaient, sommairement, les mécanismes de facturation et de paiement.

Peu à peu, dans un souci pédagogique, afin de faciliter les opérations devant être effectuées par les trois protagonistes que sont le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur principal et le sous-traitant, les dispositions du CMP ont été étoffées, et ont longtemps figuré sous l’article 186 ter.

Textes régissant traditionnellement le paiement direct du sous-traitant

Les praticiens ont longtemps dû tenir compte de trois textes d’origine différente :

Les articles 6, 7 et 8 de la loi sur la sous-traitance, qui posaient le principe du droit absolu au paiement direct du sous-traitant, dès lors que celui-ci avait bénéficié de l’acceptation et de l’agrément. Une facturation à l’initiative du sous-traitant envers l’entrepreneur principal était prévue, ainsi que le principe d’une acceptation tacite de cette facturation si l’entrepreneur principal ne s’était pas manifesté dans un délai de quinze jours.

L’article 186 ter du CMP, qui faisait écho à ces principes. Il décrivait précisément les mécanismes de validation de la facturation et du paiement, assortis d’une procédure d’alerte à l’initiative du sous-traitant, consistant dans la saisine du maître de l’ouvrage chargé de mettre en demeure le titulaire du marché en cas d’inaction de celui-ci, et précédant le paiement direct du sous-traitant par l’administration. A partir de la réforme du CMP de 2001, ces dispositions ont figuré sous les articles 112 et suivants dudit Code.

Les articles 13.54et 13.6 du CCAG-Travaux, qui, tout en faisant eux-mêmes écho aux dispositions du CMP, prévoyaient, à la demande du sous-traitant, la possibilité pour le maître d’ouvrage, de retenir les sommes réclamées par le sous-traitant sur celles restant à payer à l’entrepreneur principal, dans l’attente que les droits du sous-traitant soient définitivement établis.

Cette idée d’un blocage des sommes pouvant revenir au sous-traitant, dans l’attente d’une solution amiable ou judiciaire, est bien ancrée dans la pratique. Ainsi, l’article 6 du contrat type de sous-traitance des fédérations professionnelles prévoit le recours à un séquestre chargé de recevoir les sommes litigieuses entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant.

Les praticiens du paiement direct s’étaient habitués à l’existence de ces trois textes d’origine différente appelés à régir la procédure de paiement direct des marchés publics. Dans ses grandes lignes, elle donnait satisfaction et était respectée.

Procédure antérieure au Code 2006

Le sous-traitant adressait sa demande de paiement direct au seul titulaire du marché, qui acceptait ou non la facturation du sous-traitant. La demande de paiement revêtue de l’acceptation du titulaire était transmise par ce dernier au maître d’ouvrage.

En cas d’inaction du titulaire, le sous-traitant présentait directement sa demande de paiement au maître d’ouvrage par lettre recommandée ou contre récépissé. Celui-ci devait, par lettre recommandée avec accusé de réception, mettre en demeure le titulaire de prouver, dans un délai de quinze jours, qu’il avait opposé un refus motivé à son sous-traitant. A l’expiration de ce délai de quinze jours, si le titulaire apportait la preuve qu’il avait émis un refus motivé, aucun paiement n’intervenait, s’agissant d’un différend opposant deux entreprises dans le cadre d’un sous-traité. En revanche, si cette preuve n’était pas rapportée, le maître d’ouvrage devait procéder au paiement direct du sous-traitant.

Toutefois, certaines difficultés pouvaient intervenir lorsque l’administration considérait que la demande de paiement avait été mal dirigée, puisque celle-ci aurait dû être adressée dans les mains du maître d’œuvre, conformément aux dispositions du CCAG.

Mais le Conseil d’Etat a indiqué que cette absence de formalisme n’était pas de nature à priver le sous-traitant du paiement direct instauré par la loi et prévu par le CMP (1). Les mêmes difficultés peuvent cependant survenir à nouveau puisque le projet de nouveau CCAG-Travaux énonce dans son article 2.5.1.2 que : « L’acceptation d’un sous-traitant et l’agrément des conditions de son paiement précisent qu’il doit adresser ses demandes de paiement au maître d’œuvre désigné par le marché. »

Depuis le Code 2006

Le sous-traitant présente sous pli recommandé avec accusé de ­réception ou contre récépissé sa demande de paiement, au titulaire du marché, mais libellée au nom du pouvoir adjudicateur. Le titulaire dispose d’un délai de quinze jours pour donner son accord ou notifier son refus, d’une part, au sous-traitant et, d’autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché.

Mais, dès que le sous-traitant est en possession de l’accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu sa demande, ou de l’avis postal attestant que le pli a été refusé ou n’a pas été réclamé, il saisit également, et directement, le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée dans le marché, de sa demande de ­paiement.

L’administration procède alors au paiement direct du sous-traitant dans le délai prévu par la réglementation, ledit délai courant à compter de l’accord du titulaire ou de l’expiration du délai de quinze jours précité, en cas de silence du titulaire du marché.

Demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur

Désormais, le sous-traitant doit libeller sa demande de paiement au nom du pouvoir adjudicateur. La seule lecture du texte peut laisser supposer que le sous-traitant a acquis la qualité de cocontractant du maître d’ouvrage grâce aux liens les unissant pour l’accomplissement du paiement direct. Cela s’avérerait pourtant étonnant. A l’époque où la théorie des groupes de contrats avait rencontré un franc succès auprès de la juridiction judiciaire, le Conseil d’Etat s’était franchement prononcé pour le maintien de l’effet relatif des contrats. Ainsi, dans un arrêt du 6 mars 1987, la haute juridiction avait clairement indiqué que : « Les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relatives au paiement direct des sous-traitants de certains marchés passés par l’Etat, les collectivités locales, les entreprises et établissements publics, n’ont ni pour objet ni pour effet de créer à la charge des sous-traitants des obligations contractuelles vis-à-vis du maître de l’ouvrage. » (2)

Il faut donc admettre que la nouvelle rédaction de l’ constitue une coquetterie de plume, dans un projet visant à une intensification de la démarche administrative du sous-traitant envers le pouvoir adjudicateur. Cela a d’ailleurs conduit le ministère de l’Economie à préciser, dans une fiche technique du 12 mars 2007, qu’il convient de distinguer, d’une part, la facturation du sous-traitant, qui doit toujours être adressée au nom du titulaire et enregistrée à ce titre dans sa comptabilité et, d’autre part, la demande de paiement, qui doit être libellée au nom du pouvoir adjudicateur et être accompagnée du double des factures et pièces adressées au titulaire, ainsi que de l’accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a reçu la demande, ou de l’avis postal attestant que le pli a été refusé ou n’a pas été réclamé par le titulaire.

Accélération des paiements

L’accélération espérée du paiement direct repose :

sur l’initiative que doit prendre le sous-traitant en adressant directement au pouvoir adjudicateur une copie de la facturation et des pièces envoyées préalablement au titulaire, dès qu’il a récupéré l’accusé de réception et l’avis postal y correspondant ;

sur la suppression de la procédure d’alerte qui existait auparavant et qui conduisait le maître d’ouvrage à mettre le titulaire en demeure pour qu’il prenne parti sur la facturation du sous-­traitant.

Cette recherche d’accélération des paiements du sous-traitant et l’initiative qui lui est donnée envers le pouvoir adjudicateur apparaissent incontestablement positives. Toutefois, les problèmes majeurs rencontrés, s’agissant du paiement direct du sous-traitant, concernent habituellement moins des problèmes de forme que de fond. Par exemple : la facturation du sous-traitant correspond-elle aux dispositions convenues dans le cadre du sous-traité ? les travaux sont-ils exempts de malfaçons ? Or, en la matière, « la précipitation est sœur du diable ». Les nouvelles dispositions de l’ contraignent le titulaire du marché à prendre parti sur la facturation du sous-traitant dans un délai de quinze jours. Toute inertie ou inattention de sa part se traduira automatiquement par un paiement direct selon la facturation du sous-traitant, au préjudice du titulaire du marché si les paiements effectués portent sur des postes de facturation en réalité justement contestés. De plus, le projet de CCAG-Travaux ne prévoit plus (mais ce n’est encore qu’un projet), à l’initiative du sous-traitant, la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de bloquer les sommes en litige entre le sous-traitant et l’entrepreneur principal. Espérons que l’administration ne procédera pas à des paiements trop systématiques, particulièrement lorsqu’elle aura connaissance de difficultés entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant. A défaut, le contentieux du paiement direct risque de s’en trouver considérablement alourdi.

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