Jurisprudence

Marchés publics Eviter les conflits de juridiction

Dans un important avis contentieux, le Conseil d'Etat lève les hésitations nées de la loi Murcef.

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Marchés publics

«Les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ». Par la simplicité de ses dispositions, l'article 2 de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (Murcef) du 11 décembre 2001 pouvait laisser croire que son application ne devrait pas présenter de difficultés particulières. Cette disposition, qui a pour effet d'ajouter une catégorie supplémentaire à la liste des contrats administratifs (*), prend le contre-pied immédiat de la jurisprudence du tribunal des conflits qui avait jugé qu'un contrat conclu selon les règles du Code des marchés publics ne constituait pas pour autant un contrat administratif (TC 5 juillet 1999, « Commune de Sauve », p.464).

L'application de ces dispositions a rapidement révélé plusieurs questions délicates qui ont justifié le renvoi d'une demande d'avis de la part de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 25 avril 2002. Par son avis contentieux du 29 juillet 2002 « Société MAJ Blanchisseries de Pantin », le Conseil d'Etat a apporté plusieurs réponses utiles aux praticiens pour savoir à quelle juridiction s'adresser en cas de litige mettant en jeu un marché public.

Deux versions

La première question consistait à savoir si, quand le législateur avait évoqué à l'article 2 de la loi Murcef le « Code des marchés publics », il faisait référence à sa version issue du ou si cette formule englobait également sa version antérieure.

Le Conseil d'Etat a rappelé les dispositions du deuxième alinéa de cet article aux termes desquelles : « Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi. » Ainsi, si le juge judiciaire a été saisi avant l'entrée en vigueur de la d'un litige qui, en vertu de la jurisprudence « Commune de Sauve », relevait encore de sa compétence, il reste en charge de ce litige qui n'est pas transmis au juge administratif du fait de l'entrée en vigueur de la . Dès lors, si la question de compétence pour connaître du litige a été examinée avant l'entrée en vigueur de ce texte, les « critères traditionnels » restent appliqués (voir par exemple TC 22 octobre 2001, « Commune de Villepinte c./Société NRG France », nos 3257) ; il en est de même si le litige a été porté devant le juge avant l'entrée en vigueur de la loi (TC 17 décembre 2001, « Société Rue impériale de Lyon c./Société Lyon Parc Auto », nos 3262).

Marchés conclus sans formalité préalable

La deuxième question - un peu plus délicate - consistait à savoir ce qu'il fallait entendre par l'expression « passé en application du Code des marchés publics ». En particulier, est-ce qu'un marché passé sans formalités préalables particulières est couvert par cette expression ? Le Conseil d'Etat a retenu la définition la plus extensive, assimilant purement et simplement les marchés passés en application du Code à ceux qui relevaient de son champ d'application. La solution inverse aurait été un peu étrange dans la mesure où la détermination de la juridiction compétente pour connaître des litiges trouvant leur origine dans certains marchés aurait dépendu de leur montant. De même, quelle solution adopter pour les marchés soumis à des formalités allégées comme, par exemple, ceux conclus en application de l'article 30 ? Dans son avis, le Conseil d'Etat relève d'ailleurs que tous les marchés relevant du champ d'application du Code sont soumis aux principes généraux de libre accès à la commande publique, de transparence et d'égalité de traitement en vertu des deuxièmes et troisièmes alinéas de l'article Ier du Code, ce qui constitue certainement un élément unificateur beaucoup plus fort que la simple procédure de passation.

En parallèle à la réponse apportée à la première question, le Conseil d'Etat étend la même interprétation de cette expression pour les marchés conclus en application de la version du Code antérieure à celle du 7 mars 2001. A partir du moment où il avait considéré que la notion de Code des marchés publics recouvrait tant la version du Code postérieure au décret du 7 mars 2001 que la version antérieure, il était logique d'estimer que l'interprétation de cette formule était identique.

Pas de soumission au Code

En dernier lieu, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur les contrats conclus en suivant la procédure prévue par le Code alors que la personne l'ayant mise en oeuvre n'est pas elle-même soumise au Code pour la conclusion de ses marchés (établissements publics industriels et commerciaux ; certaines personnes privées investies d'une mission de service public). Certains d'entre eux, soit élaborent des régimes de passation largement inspirés du Code, soit choisissent purement et simplement d'en appliquer spontanément les règles. Dans ce dernier cas, les contrats sont, de fait, conclus en appliquant les règles du Code. Cependant, le conseil d'Etat a estimé que la ne couvrait pas cette hypothèse et que son article 2 ne s'appliquait qu'aux marchés soumis obligatoirement au régime du Code des marchés. Il confirme ainsi que la détermination de la juridiction compétente pour connaître des litiges que soulèvent ces marchés devra se faire en suivant les règles jurisprudentielles traditionnelles.

(*) Les contrats administratifs sont soit ceux qui comportent une clause exorbitante du droit commun, soit ceux qui ont pour effet de faire participer le co-contractant à l'exécution même du service public. Il faut enfin ajouter les contrats administratifs par détermination de la loi, comme les marchés de travaux publics ou les contrats portant sur l'occupation du domaine public.

L'essentiel

La a prévu que les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs.

Le Conseil d'Etat estime que cette qualification s'applique aussi aux marchés publics conclus en application du Code dans sa version antérieure à celle du décret du 7 mars 2001.

Les marchés ne dépendant pas du Code des marchés publics n'y sont pas soumis, même s'ils sont passés en application de ses règles et procédures.

EN SAVOIR PLUS

Texte de référence : avis du Conseil d'Etat du 29 juillet 2002 « Société MAJ Blanchisseries de Pantin » publié dans «Le Moniteur» du 6 septembre 2002, cahier détaché no 1, p. 316.

Texte officiel : publiée dans « Le Moniteur » du 21 décembre 2001, cahier détaché, p. 360.

Ouvrage de référence : « La nouvelle réglementation des marchés publics », Editions Le Moniteur, 404 pages.

Article du Moniteur : « Quel juge tranchera votre litige ? », 24 mai 2002, p. 148.

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