Alors que les planètes sont parfaitement alignées, il y a un hic. D’un côté, la commande publique, qui flirte avec les 110 milliards d’euros par an, s’affirme de plus en plus comme le bras armé des politiques. Ces derniers souhaitant, par l’intermédiaire de la récente loi Climat et résilience, mettre de la couleur dans le paysage économique. Du vert et du rose plus exactement. D’un autre côté, une économie parallèle, basée sur le social et le solidaire, qui ne demande qu’à profiter du gâteau. Sur le papier, le « match » est donc parfait et pourtant cette relation a du mal à décoller.
Pour tenter de trouver des réponses, l’association « Les Canaux » organisait, mardi 16 novembre au Salon des maires et des collectivités locales, une conférence sur la commande publique responsable, levier de relance pour les territoires.
Un risque juridique
Le premier écueil est identifié par Christine Robin, vice-présidente en charge de l'insertion sociale et professionnelle, de l'emploi, de la formation et de l'économie sociale et solidaire au conseil départemental de la Saône-et-Loire. Il est juridique. « Aujourd’hui, on parle du mieux-disant social pour sélectionner les futurs titulaires, alors que certaines collectivités ont fait marche arrière pour revenir au moins-disant, plus sûr sur le plan juridique. Le mieux-disant implique d’introduire un critère qualitatif qui peut s’avérer difficile à définir et qui est donc source de recours. » Pour l’élue départementale, il est donc nécessaire que « le mieux-disant social soit bien encadré, bien défini et qu’il ne laisse pas la porte ouverte à différentes interprétations ».
La responsabilité des acheteurs
Frédéric Minard, co-président de la commission « Economie circulaire et ESS » de France urbaine, se met à la place de l’acheteur public « qui a énormément de pression sur ses épaules ». Pour ce dernier, « la facilité va être de s’adresser à une grosse entreprise pour satisfaire son besoin, surtout si le marché pèse plusieurs millions d’euros. Recourir à une petite entreprise, telle une structure de l’ESS qui n’a pas un fort historique avec l’achat public, c’est potentiellement se mettre en danger en choisissant un titulaire qui ne sera pas à la hauteur, voire prendre le risque d’une infructuosité ».
Méconnaissance des parties
Pour les professionnels présents autour de la table, ce ressenti de l’acheteur public s’explique en grande partie par la méconnaissance du monde de l’ESS. Rappelons à titre d’exemple que ces structures se présentent sous une variété de formes juridiques : TPE/PME, mutuelles, associations, coopératives, fondations, etc. Mais si l’acheteur semble naviguer à vue dans ce monde parallèle, les structures de l’ESS ont aussi leur part de responsabilité. « La commande publique est un enjeu de développement pour les acteurs de l’ESS et de changement de modèle économique. Or, certaines peuvent avoir des réticences à se lancer, indique Antoine Détourné, délégué général d’ESS France. Il arrive même des cas où les entreprises de l’ESS ne donnent pas à connaître tous les volets de leurs activités ».
La coopération des structures de l’ESS
Pour que la liaison entre entreprise de l’ESS et acheteur public ait une chance d’exister, la solution apparaît alors évidente : faire connaissance. Pour cela les territoires multiplient les rendez-vous. « Ces évènements sont intéressants pour les entreprises, pour connaître et se faire connaître des acheteurs publics évidemment mais aussi pour rencontrer les autres structures de l’ESS afin de discuter coalition », explique Antoine Détourné. Christine Robin insiste, elle aussi, « sur l’importance des candidatures groupées et des mouvements de coopérations à l’intérieur de l’ESS mais aussi avec les entreprises de l’économie marchande classique ».