Voilà déjà un an que la Commission européenne a dévoilé ses propositions de révision des directives européennes marchés publics - secteurs classiques et spéciaux - et de création d'une directive concession (voir notre article). Les objectifs de cette réforme sont multiples : modernisation, simplification, allègement des charges administratives, tout en facilitant l’accès des PME et en mettant en avant l’innovation. La directive secteurs classiques a fait l'objet d'un vote en commission "Marché intérieur et protection des consommateurs" (IMCO) du Parlement européen le 18 décembre 2012, étape qui sera franchie par les directives secteurs spéciaux et concessions le 24 janvier prochain.
Concernant la directive marchés publics secteurs classiques, l'apport principal en l'état actuel du texte serait un élargissement de la place accordée à la négociation. La « procédure concurrentielle avec négociation » (selon la nouvelle terminologie) deviendrait la procédure de droit commun pour « les achats qui ne sont pas des achats sur étagères », a expliqué Catherine Bergeal, directrice des affaires juridiques de Bercy, lors de deux interventions publiques le 18 décembre 2012 à Paris (cliquez ici pour voir notre article). Les délais seraient modifiés : actuellement, en procédure négociée, le délai minimal de réception des candidatures, en réponse à un avis d'appel public à la concurrence, est de trente-sept jours. La directive propose de réduire ce délai à 30 jours, et d’instaurer un délai complémentaire de 30 jours pour la remise des offres.
Nouvel outil envisagé par la directive, le partenariat d’innovation : le pouvoir adjudicateur pourrait passer un contrat avec une entreprise sur un projet qu’elle bâtirait et il sera possible dans un deuxième temps de passer un marché directement avec cette entreprise sans mise en concurrence.
Par ailleurs la directive exclurait de son champ les contrats d’emprunt, maintiendrait les clauses sociales d’exécution et introduirait le cycle de vie du produit comme critère d'attribution, supprimerait la notion de marché complémentaire, et encadrerait le recours aux avenants (qui seraient supposés ne pas bouleverser l’économie du marché en dessous de 10 % du montant du marché, 15 % pour les travaux).
Certains points semblent toujours poser problème à la France, par exemple la gouvernance. Le projet de directive conserve une disposition visant l’institution de mécanismes de contrôle des marchés publics, confiés à des entités qui pourraient saisir la justice ou toute structures appropriée sur la plainte de tout citoyen. Même si le texte, dans sa version actuelle, s'éloigne du « big brother » ou "bras armé de Bruxelles" initialement critiqué par Bercy (cliquez ici), il comporterait encore, vu de l'Hexagone, certaines lourdeurs.
Au cours des travaux menés pendant l’année, certaines dispositions ont été abandonnées. C’est le cas notamment de la règle du « only once » (la collectivité n’aurait pas pu demander de nouveau un document déjà fourni par une entreprise, et ce pendant 4 ans), et de l’idée du passeport européen (valable pendant 4 ans, ce portefeuille de documents aurait garanti que l’entreprise est à jour de ses obligations et n’a commis aucune infraction). L'objectif d'allègement des charges administratives, au bénéfice notamment des PME, n'est pour autant pas oublié : cela passerait notamment par la possibilité de justifier de sa capacité professionnelle, technique et financière par une simple déclaration sur l'honneur au stade des candidatures.
" Le travail n’est pas terminé puisqu’après le vote en plénière au Parlement européen au mois de janvier, le trilogue va démarrer : le Parlement, la Commission et le Conseil vont se lancer à leur tour dans une phase de négociation pour aboutir à un texte de compromis», a précisé Catherine Bergeal. « Le texte final devrait aboutir d’ici à la fin 2013 ».
Actuellement, le délai de transposition de la directive dans le droit national est fixé à 24 mois, mais il pourrait encore évoluer, « la France militant pour un délai de 30 mois », a martelé Catherine Bergeal. "La transposition sera un vaste chantier, car nous devrons modifier non seulement le Code des marchés publics, mais aussi l'ordonnance du 6 juin 2005 sur les personnes non soumises au Code et celle du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat. Mais nous n'excluons pas, bien au contraire, de transposer dès 2014 les mesures des directives qui nous semblent les plus intéressantes et qui relèvent du pouvoir réglementaire."
« Le projet de directive concessions ne nous satisfait pas car il s’inspire encore beaucoup trop largement des propositions de directives marchés publics », a déploré pour finir la directrice des affaires juridiques de Bercy. La France est l’un des seuls pays à s’être doté d’une législation en matière de concessions avec la loi Sapin de 1993. Elle aurait semble-t-il beaucoup à perdre en terme de souplesse avec ce nouveau texte européen...