Des CCAG mis au goût du jour

L'objectif d'actualisation poursuivi par la réforme de ces cahiers est majoritairement atteint.

 

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Alors qu'il avait fallu une trentaine d'années pour qu'intervienne la précédente réforme des cahiers des clauses administratives générales (CCAG) marchés publics - intervenue en 2009, pour des versions antérieures éditées entre 1976 et 1980 -, il n'aura fallu attendre, cette fois, que douze ans pour que de nouvelles versions voient le jour.

Les buts poursuivis par la réforme expliquent cette accélération. Le toilettage nécessaire des CCAG suit l'évolution toujours plus rapide de la réglementation (digitalisation, entrée en vigueur du RGPD, du Code de la commande publique… ). L'importance croissante des préoccupations sociétales et environnementales ainsi que la volonté de les intégrer pleinement aux politiques d'achat public y ont également contribué.

D'avril à octobre. Les arrêtés du 30 mars 2021 portant approbation des CCAG nouvelle version sont entrés en vigueur immédiatement, le 1er avril 2021. Il est donc loisible à un acheteur public d'y recourir dès à présent, même si, en l'absence de choix explicite en ce sens, les versions de 2009 resteront la référence par défaut pour les appels à la concurrence envoyés à la publication jusqu'au 30 septembre 2021. Précisons également qu'un guide pratique visant à éclairer les acteurs de la commande publique est annoncé, lui aussi pour le 1er octobre 2021.

Si le secteur de la construction est bien évidemment concerné au premier chef par les nombreuses nouveautés spécifiques au CCAG travaux (cela fera l'objet d'une prochaine publication), quelques aspects transversaux de la réforme méritent ici d'être soulignés.

Un nouveau CCAG… mais pas deux

Pour le BTP, la grande nouveauté tient dans la création d'un CCAG pour les marchés de maîtrise d'œuvre. En creux, elle souligne l'absence d'un CCAG dédié aux marchés globaux, que certains appelaient de leurs vœux. On peut y voir un attachement persistant au schéma de commande publique issu de la , la priorité ayant été donnée à l'élaboration d'un contrat-type mieux adapté à la maîtrise d'œuvre, plutôt qu'à celle d'un modèle de contrat global.

Cette persistance est en ligne avec le Code de la commande publique, qui a maintenu les principes de la , de même que celui de l'allotissement (hors marchés de défense et de sécurité), et des conditions strictes de recours aux cas d'exceptions, englobant, le cas échéant, la conception.

Risque de discordance et de contradiction. Le préambule des nouveaux CCAG stipule, certes, qu'il est désormais possible de faire référence, dans un même marché, à plusieurs CCAG, précisément en cas de marché global, ce qui permettrait par exemple de combiner les CCAG maîtrise d'œuvre et travaux. Mais il n'est pas certain que ces derniers fonctionnent sans discordance ni contradiction, et une étude détaillée serait à cet égard sous doute nécessaire. Le préambule souligne d'ailleurs que « dans ce cas, [le maître d'ouvrage] devra veiller à assurer la parfaite cohérence entre les différentes clauses auxquelles il se réfère. »

Des marchés « RGPDisés »

Autre point important de la refonte, l'adaptation des CCAG au fort complexe règlement européen relatif à la protection des données personnelles (RGPD) avec une clause dédiée figurant à l'article 5.2 des divers cahiers.

Les obligations des parties « lorsque le titulaire met en œuvre un traitement pour le compte du maître d'ouvrage » () sont similaires à celles issues de l'article 28 du RGPD : mesures de sécurité à appliquer, conditions de notification des violations de données, etc. Le commentaire sous cette clause est équivoque lorsqu'il précise que « le titulaire est généralement considéré comme le “sous-traitant” au sens du RGPD », alors qu'en fait cet article 5.2.3. ne semble traiter que cette situation. Mais il n'exclut naturellement pas que, si d'aventure le titulaire collecte ou possède des données que, d'une façon ou d'une autre, il fait traiter par le maître d'ouvrage, un sous-traitant ou n'importe quel tiers, il serait alors lui-même tenu en qualité de responsable du traitement au respect du RGPD, notamment à la signature d'un accord écrit avec son « sous-traitant » au sens de cette réglementation, contenant les clauses obligatoires qu'elle prescrit.

Les nouveaux CCAG introduisent des clauses de développement durable très détaillées

A vrai dire, on imagine que cette clause RGPD, quasiment identique dans tous les CCAG, aura bien davantage vocation à être mise en œuvre dans le cadre des services soumis au CCAG fournitures courantes et services (FCS) et a fortiori au CCAG techniques de l'information et de la communication (TIC), qu'au CCAG travaux.

Pénalités et résiliation. Au plan des sanctions, outre des pénalités à prévoir au CCAP (qui ne devraient pas être les plus aisées à définir), l'article 5.2.3 énonce qu'« en cas de manquement, par le titulaire ou son sous-traitant, à ses obligations légales et contractuelles relatives à la protection des données personnelles, le marché peut être résilié pour faute ». Malgré sa simplicité, cette clause est ambiguë, voire inutile.

Ambiguë, car on ne sait plus, ici, s'il est question du sous-traitant au sens du RGPD ou du sous-traitant au sens de la loi de 1975 : or les deux ne se confondent pas nécessairement. Ambiguë, aussi, car pourquoi viser un manquement aux obligations légales et contractuelles, alors qu'à l'évidence, ici, le manquement est alternatif, aux unes ou aux autres (même si le contrat reprend largement les obligations issues de la loi). Inutile, enfin, car dès lors que les parties s'engagent contractuellement à respecter le RGPD aux termes de l'article 5.2.1., le maître d'ouvrage peut enclencher une procédure de mise en demeure en application de l'article 52.1, pouvant aboutir à la résiliation pour faute du c) de l'article 50.3.1 (pour prendre l'exemple du CCAG travaux).

Durabilité renforcée

La prise en compte d'évolutions sociétales, en particulier de considérations sociales et environnementales, était l'un des autres axes forts de la réforme. Cela se traduit par l'introduction de clauses de développement durable très détaillées (dans le cas du CCAG travaux, elles sont visées aux articles 20.1. clause d'insertion sociale, et 20.2. clause environnementale générale). Il s'agit d'un point d'attention majeur, à mettre en perspective avec, en amont, les critères d'attribution sociaux et environnementaux. Ces derniers pourraient d'ailleurs être rendus obligatoires dans les marchés via le projet de loi Climat et résilience en cours de discussion au Parlement.

Pour l'heure, dans le CCAG travaux 2021, l'obligation d'insertion sociale au titre des conditions d'exécution revêt un caractère facultatif (« Lorsque les documents particuliers du marché [le] prévoient […] »), tandis que la clause environnementale générale semble introduire une obligation (« Les documents particuliers du marché précisent les obligations environnementales du titulaire dans l'exécution du marché. »).

L'ensemble donne un cadre solide à l'introduction de ces nouvelles obligations, complété par des sanctions. Celles-ci peuvent être spécifiques (pénalités ad hoc : art. 20.1.5. et 20.2.3.), ou générales du fait du maintien d'une définition large des manquements de nature à entraîner la mise en œuvre de mesures coercitives, y compris le cas échéant une résiliation aux torts du titulaire (art. 52.1. « […] lorsque le titulaire ne se conforme pas aux stipulations du marché ou aux ordres de service […] » ; à comparer avec l' : « La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat »).

L'objectif d'intégrer pleinement aux CCAG, notamment au CCAG travaux, les évolutions sociétales et les exigences nouvelles qui ont émergé en matière de données et d'environnement, notamment, semble donc atteint avec le nouveau texte.

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