« Il est, semble-t-il, nécessaire de préciser mes propos tenus lors du webinaire organisé par EGF.BTP en date du 24 mai concernant la révision des prix dans les marchés publics de travaux. Je n’ai bien évidemment jamais voulu dire que le Conseil d’Etat, dans son avis du 15 septembre 2022, avait directement traité du caractère obligatoire de la clause de révision des prix dans les marchés publics pour la raison évidente que ce sujet n’est pas abordé directement !
Toutefois, cet avis et la suite qu’en a donné la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) permettent bien, à mon avis, de conférer au caractère obligatoire de cette clause dans certains marchés publics une toute nouvelle dimension.
Caractère obligatoire
Rappelons, tout d’abord, que le caractère obligatoire de la révision dans certains marchés publics de travaux n’a rien d’une nouveauté. Depuis le décret du 19 décembre 2008, le principe en est acquis. Les différents items des articles R. 2112-5 et suivants du Code de la commande publique l’ont précisé, le dernier CCAG travaux l’a confirmé avec clarté et la circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022 en a donné le mode opératoire pour les maîtres d’ouvrage publics.
Cet ensemble est tout à fait cohérent mais était parfaitement inefficace lorsque le maître d’ouvrage public « oubliait » d’insérer une clause de révision ou, mieux, prévoyait expressément dans le CCAP du marché une clause stipulant la renonciation expresse de l’entreprise à se prévaloir d’une révision quelconque.
En effet, ladite entreprise ne pouvait obtenir l’annulation de ce marché sur ce fondement et cela très logiquement mais, de plus, en phase d’exécution se voyait opposer le principe de l’intangibilité du prix. Aucune évolution « sèche » du prix ne pouvant être envisagée, la situation devait en rester au constat que la révision bien qu’obligatoire n’étant pas prévue initialement au marché, il n’y avait aucun moyen légal de la mettre en œuvre !
Ce point de vue avait été repris très explicitement par la DAJ en juin 2022.
Modification sèche du prix
L’avis du Conseil d’Etat modifie directement cet état du droit. Il précise de façon très claire que le principe d’intangibilité du prix est en fait relatif et qu’une modification sèche du prix dans un marché public peut être parfaitement légale. De ce simple fait, l’absence d’une clause de révision ne pourra plus être opposée à une entreprise qui en demanderait la mise en œuvre en cours d’exécution sur le seul fondement de l’intangibilité du prix.
Certes, le Conseil d’Etat précise bien sûr que cette modification doit intervenir par avenant - et on voit mal comment il pourrait en être autrement - ce qui signifie que le maître d’ouvrage concerné pourra refuser d’envisager un avenant de ce type. La question sera alors de savoir quelle sera la suite contentieuse d’un tel refus. Il me paraît certain que les juridictions administratives saisies devront annuler pareil refus comme contraire à un droit aujourd’hui clairement compatible avec le principe d’intangibilité du prix.
De la même façon, dans le cas où une clause du CCAP exclurait explicitement le principe de révision, il est raisonnablement possible d’envisager que l’entreprise titulaire puisse plaider avec succès la notion de « clause réputée non écrite » et se prévaloir donc de l’aspect strictement obligatoire du principe de révision pour en demander la mise en œuvre.
Ainsi, il me semble bien possible d’affirmer que l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 15 septembre 2022 en ouvrant les possibilités de modifications « sèches » des prix dans les marchés publics a bien conféré au principe de révision un caractère obligatoire effectif en droit réel et donc profondément changé la donne en la matière.
Le comportement récent de nombreux maîtres d’ouvrages confirme que cette perception progresse vite. Pour les plus réticents, il reste à attendre avec beaucoup d’intérêt les contentieux à venir ! »