Le 6 octobre, les députés ont adopté le projet de loi Asap (1), un texte comprenant de nombreuses dispositions relatives aux marchés publics. Parmi ces mesures, une en particulier a fait l’objet de multiples commentaires ici et là, entraînant une certaine confusion quant à sa portée. Il s’agit de celle qui dispense les acheteurs publics de procédure de publicité et de mise en concurrence pour un « motif d’intérêt général ». Laure Bédier, directrice des affaires juridiques de Bercy, présente lors de l’ouverture du colloque de l’Association pour l’achat dans les services publics (Apasp) ce 12 octobre, a clarifié la situation.
Un motif permettant au gouvernement d’intervenir
« La mesure consiste simplement à prendre en compte l’observation qui a été faite lors d’une discussion avec le Conseil d’Etat au sujet du décret de juillet 2020 relevant temporairement les seuils de dispense de procédure pour les marchés de travaux (70 K€) et la fourniture de denrées alimentaires périssables stockées pendant l’état d’urgence sanitaire (100 K€) », explique Laure Bédier. « Le Conseil d’Etat nous avait fait remarquer que l’article L. 2122-1 du Code de la commande publique ne permet au pouvoir réglementaire de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence que lorsque une procédure « est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ». Autrement dit, une modification par voie réglementaire des seuils ne peut être justifiée par des motifs d’intérêt général.
L’objectif de l’amendement adopté par les députés est donc d’ajouter les motifs d’intérêt général parmi les hypothèses permettant au gouvernement d’intervenir. Cela permettra de « sécuriser juridiquement les évolutions réglementaires qui pourraient intervenir pour simplifier et accélérer la conclusion de certains marchés, notamment dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique », complète Laure Bédier.
L’acheteur public ne détermine pas lui-même l’intérêt général
Ainsi, en aucun cas cette mesure, si elle est in fine conservée dans la loi lors de son vote final, ne permettra aux acheteurs publics de décider eux-mêmes de déroger aux procédures en fonction de leur propre appréciation de l’intérêt général à un moment donné. Les cas dérogatoires seront définis par décret en Conseil d’État (article R. 2122-1 et s. du Code de la commande publique). « Une éventuelle modification du droit de la commande publique sera donc strictement contrôlée par le Conseil d’État dans sa fonction consultative, qui vérifiera la conformité du nouveau cas dérogatoire avec les principes constitutionnels applicables à la commande publique et sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne », développe Laure Bédier.
(1) Le projet de loi Asap sera examiné le 20 ou le 21 octobre en commission mixte paritaire afin de tenter de trouver un compromis entre les deux chambres sur ses dispositions.