Marchés publics : Bercy met à jour son guide sur le prix

Dix ans après la première version, la Direction des affaires juridique de Bercy actualise son guide pratique sur le prix dans les marchés publics. L’édition 2023 acte officiellement la fin de l’intangibilité du prix. Décryptage, et premières impressions d'un spécialiste de la commande publique, Pierre-Ange Zalcberg, directeur juridique adjoint à l’Etablissement français du sang.

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Prix marché public
Le nouveau guide sur les prix dans les marchés publics est publié.

Très attendu, le nouveau guide sur « Le prix dans les marchés publics » de la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy est disponible depuis le 24 octobre 2023. Elaboré dans le cadre de l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), il est le fruit d’un travail réunissant l’ensemble des acteurs de la commande publique, dont plusieurs fédérations professionnelles (telles que la Capeb, la FFB ou la FNTP).

La version 2023 du guide remplace la première édition de 2013. « Elle faisait figure de référence et avait été très utile pour les acheteurs publics, elle était toutefois devenu obsolète et mise de côté », observe Pierre-Ange Zalcberg, directeur juridique adjoint à l’Etablissement français du sang (EFS).

Mises à jour normatives...

En cause, les nombreuses évolutions législatives et réglementaires intervenues depuis 2013 : les directives européennes « marchés publics » et « concessions » en 2014, leur transposition avec les décrets de 2016 puis leur codification en 2019, sans oublier les nouveaux CCAG publiés en 2021.

Cette nouvelle édition du guide fait donc d’abord office de mise à jour. D'une part, en actualisant les références aux textes législatifs ou réglementaires. D'autre part, en intégrant les nouvelles règles en vigueur. Par exemple, la partie relative aux prix provisoires dans les marchés de travaux mentionne désormais le principe consacré à l’article du L. 2194-3 du Code de la commande publique, issu de la loi Pacte de 2019, interdisant les ordres de service à zéro euro en cas de travaux complémentaires ne résultant pas d’une obligation contractuelle couverte par le prix convenu.

… et jurisprudentielles

D’autres mises à jour sont liées à la jurisprudence. C’est le cas en particulier s’agissant de l’offre anormalement basse. Le guide fait état de plusieurs décisions rendues par le Conseil d’Etat, telles que celle précisant que « le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie au regard de son prix global » (CE, 13 mars 2019, « Société Sepur », n°425191, mentionnée au Recueil) ou celle indiquant que cette notion ne s’applique pas aux contrats de concession (CE, 26 février 2020, « Commune de Saint-Julien-en-Genevois », n°436428, mentionnée au Recueil).

Il est par ailleurs rappelé qu’un accord-cadre doit comprendre un prix maximum. Cette obligation est issue d’un décret de 2021, transposant une jurisprudence de la CJUE.

Un guide enrichi

La structure du guide est la même que dans la précédente version. On y retrouve notamment les développements sur les différents types de prix (provisoire ou définitif, unitaire ou forfaitaire, ferme ou révisable), sur les clauses de pénalités, ou encore sur la méthode d’appréciation du prix.

Il est tout de même enrichi de soixante-dix pages. De nouveaux sujets font leur apparition, telle que la facturation électronique, la valorisation des certificats d’énergie ou encore la fiscalité. Un paragraphe est aussi consacré au traitement de la retenue de garantie du sous-traitant à paiement direct.

Le guide est constitué de neuf chapitres :
1/ Le prix : notion et principes 
2/ Les formes du prix : prix unitaire ou prix forfaitaire
3/ Le choix entre prix ferme ou prix révisable
4/ Clauses de pénalités et clauses incitatives
5/ Méthode d’appréciation du prix, lors de l’analyse des offres
6/ Le paiement du prix
7/ Les devises
8/ Traitement de la TVA
9/ Le contrôle du comptable public sur le prix dans les marchés publics

La « foire aux questions » en fin de la première édition du guide disparaît. Certains thèmes qui y étaient abordés sont désormais développés dans le corps du guide.

Développement durable

Surtout, la notion de prix a connu des évolutions plus profondes au cours de la décennie écoulée. La plus déterminante selon Pierre-Ange Zalcberg est « l’amplification de la dimension développement durable. Elle est de plus en plus prise en compte par les acheteurs, même si la réglementation le permettait déjà en 2013 ». Il constate que « le prix n’est plus prioritaire ». Cela se traduit dans le guide notamment par l’intégration de la notion de « coût du cycle de vie », à côté de celle de « coût global » déjà présente dans la première édition.

Bercy rappelle en outre à plusieurs reprises l’obligation de prévoir un critère environnemental dans tous les marchés publics et toutes les concessions. Elle doit entrer en vigueur au plus tard le 21 août 2026 (art. 35 de la loi Climat).

Modification des prix

L’édition 2023 prend acte également de l’avis du Conseil d’Etat du 15 septembre 2022 qui a validé juridiquement la modification du prix en cours d’exécution du marché. « Il y a dix ans, le prix était sanctuarisé », rappelle le responsable des marchés publics à l’EFS. Mais les crises successives survenues depuis 2020 ont remis en cause cette approche, jusqu’à aboutir à l’avis de 2022 (rendu à la demande de la DAJ). Exit ainsi le sous-chapitre consacré à l’intangibilité du prix, qui laisse place à de longs développements sur toutes les possibilités de modification « sèche » des clauses financières.

Toujours à l’aune de l’avis du Conseil d’Etat, la place accordée à la théorie de l’imprévision est plus importante qu’en 2013.

Focus sur les index

La partie consacrée à la révision des prix et aux indices et index se voit également étoffée. A noter, un focus sur les index dans le secteur de la construction. Le document indique notamment que les indices BT-TP « constituent des références pour les marchés de travaux, du fait de leur représentativité et de leur pérennité » et sont « destinés à l’actualisation et à la révision des prix des marchés ».

Un outil nécessaire pour les acheteurs

« Un guide sur le prix est toujours nécessaire car c’est un sujet complexe. C’est la quintessence des enjeux juridiques et économiques d’un marché public », estime Pierre-Ange Zalcberg. Plus qu’une portée pédagogique, le document de la DAJ a avant tout une approche pratique. Il met en lumière certaines possibilités parfois mal connue des acheteurs. « Je suis personnellement assez friand des clauses incitatives. C’est bien qu’elles fassent l’objet d’un développement car tous les acheteurs n’y ont pas recours ».

En outre, « le guide rappelle que lorsque l’on prépare un marché public, il faut passer du temps sur la rédaction des clauses financières et se poser plusieurs questions : quel prix, quelle révision, quelles pénalités, quelles incitations ? » explique l’acheteur public. « C’est toute la plus-value des acheteurs que de savoir créer la bonne clause incitative ou la bonne clause de révision adaptée au marché. Le guide permet de faire les bons choix et d’améliorer les pratiques ».

Guide pratique sur le prix dans les marchés publics 

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