Changements en amont et en aval
Crise, pressions environnementales et réglementaires, poussée de nouveaux segments, volatilité des règles fiscales… la vie de la filière électrique en France n’est pas un long fleuve tranquille depuis deux ans. Pris dans cette tempête, le marché vit une mutation de fond.
En amont tout d’abord, le paysage des fournisseurs d’énergie a évolué. EDF a perdu son monopole et les acteurs doivent gérer les conséquences du Grenelle de l’environnement, comme la fourniture des certificats d’économie d’énergie.
Toujours en amont, les industriels ont accompagné la montée en puissance de nouveaux marchés : sécurisation des bâtiments, transmission de voix-données-images, mais aussi gestion de la consommation, production d’électricité, etc. Sous l’émergence de ces segments, ou incités par des réglementations toujours plus exigeantes, les industriels ont innové à un rythme beaucoup plus soutenu. Ainsi, l’offre s’est densifiée, est montée en gamme et s’intègre de plus en plus dans des systèmes complets de gestion de fonctions (contrôle de consommation, confort, sécurité, autonomie…). Le Grenelle a aussi entraîné la disparition programmée d’un segment entier : celui des ampoules à incandescence.
En aval, les électriciens aussi ont été bousculés. D’abord par la crise du bâtiment et par l’application de la LME. Pour s’adapter, nombreux sont ceux qui ont réduit leur petit stock, multipliant les lignes de commande auprès de leurs fournisseurs au jour le jour. Parallèlement, les électriciens ont fait face à l’explosion de demandes sur de nouveaux segments : installation de PAC, branchement de panneaux photovoltaïques, câblage informatique… Sur ces technologies qu’ils ne maîtrisaient pas toujours, ils ont expérimenté la concurrence des thermiciens, des plombiers-chauffagistes, des couvreurs...
Une distribution décomplexée
Dans ce paysage en mouvement, la distribution a réagi en deux temps. Elle a dû faire face à la crise économique et aux effets de la LME, mais dans l’ensemble, les acteurs s’en sont plutôt bien sortis.
L’accord de filière sur l’étalement de la réduction des délais de paiement a permis de faire passer une réforme que tous appelaient de leurs vœux. Il n’y a pas eu de plan massif de licenciement ni de fermetures exceptionnelles d’agences. Comme le fait remarquer Philippe de Beco, président du directoire de Socoda, « les 41 entreprises “ électricité ” du groupement sont celles qui affichent les meilleurs ratios financiers du groupement ».
Ces bases financières saines ont même permis à Sonepar, co-leader du marché avec Rexel, de s’offrir une opération de croissance externe en acquérant le groupe Agidis.
En fait, après une réaction spontanée de gestion à court terme de la crise (par la réduction des stocks notamment), les négociants en électricité ont pris à bras-le-corps les problématiques du marché et finalement n’ont pas cessé d’investir. Bien sûr, certains segments ont manqué leur échapper totalement - comme celui du photovoltaïque - mais les atermoiements de la politique fiscale sur ces niches les ont rendu prudents.
En revanche, tous ont décidé de faire face aux problématiques de l’efficacité énergétique et au développement de la demande en génie climatique. Ils ont mis en branle des plans de développement sur ce créneau, incluant logistique, formation, concepts commerciaux afin d’être prêts à défendre leur part du gâteau face aux autres réseaux de distribution (négoces sanitaire-chauffage, vente directe). C’est une distribution électrique décomplexée vis-à-vis des problématiques thermiques et énergétiques qui émerge de cette crise, avec un seul mot d’ordre : nous sommes légitimes et experts sur ce segment !
Et pour montrer leur implication dans les débats sur l’environnement, la plupart des négociants ont mis en place des politiques de développement durable avec la mise en avant d’une offre « verte », la proposition de services de récupération-recyclage, l’établissement de bilans carbone…
Un espoir pour la domotique
Autre chantier de la filière électrique, la domotique veut redorer son blason en quittant son image technologique et onéreuse pour aller vers un message d’économie et « d’utilité publique ». En effet, s’appuyant sur la publicité autour de l’efficacité énergétique, la gestion des consommations devient son thème porteur. Enthousiastes devant les initiatives des industriels, les négociants en matériel électrique se cherchent cependant encore sur la façon de ne plus vendre un produit mais un bénéfice. D’autant que ce segment, comme celui de la thermie, exige à nouveau des investissements. Si pour les marchés du tertiaire et de l’industrie, ceux-ci peuvent se justifier, l’équation économique est moins évidente pour le résidentiel. En revanche, l’autonomisation, le confort et la sécurité des personnes s’imposent comme des arguments clés sur ce segment résidentiel. Ainsi, malgré des schémas généraux d’efficacité logistique, le succès de la distribution électrique se fera sans doute sur l’adaptabilité de chacun à sa propre cible de clientèle. Un domaine où les indépendants ont encore des atouts face aux deux grands intégrés qui dominent 65% du marché.



